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Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 2 août 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative au projet de programme de stabilité pour la période 2022-2027 — Reprise du débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

En effet, ce mantra se fracasse sur les prévisions de l'OFCE, de l'INSEE ou de la Banque de France, qui estiment que le taux de chômage atteindra 7,5 % en 2027.

J'en appelle à votre sérieux à tous : on ne peut pas trancher sur l'avenir du pays et annoncer cinq années d'austérité terrassantes sur le fondement de données chiffrées qui sont factuellement caduques, incohérentes ou improbables, et encore moins après des débats en commission tronqués en raison d'un dépôt hors délai du texte, le vendredi 29 juillet pour un débat en séance publique le mardi 2 août. Or c'est sur la base de ces chiffres de croissance gonflés que vous vous appuyez pour espérer atteindre l'objectif de 3 % de déficit en 2027. Et même en retenant ces chiffres illusoires, votre programme implique la mise en place d'un niveau inédit d'austérité pour se plier à cette contrainte. Même avec une croissance improbablement haute, votre objectif de 3 % de déficit ne peut être et ne sera pas atteint, je vous le dis sans détour, sans une destruction historique des services publics et des conditions de vie des Françaises et des Français. C'est là ma seconde et ma plus grande inquiétude sur ce programme de stabilité.

Le Gouvernement est d'ores et déjà très fier d'annoncer un taux historiquement bas de croissance des dépenses publiques, à 0,6 % : du jamais-vu depuis vingt ans ! Ce chiffre de 0,6 % paraîtra très abstrait à la plupart des gens qui nous écoutent, mais la réalité qui se dessine derrière lui est tragique : en le comparant à la croissance tendancielle des dépenses – qui découle de la croissance de la population et de ses besoins –, il implique entre 45 et 70 milliards d'euros d'économies annuelles, selon que l'on retienne le chiffre du Gouvernement ou celui de l'Institut Montaigne. Des centaines de milliards d'euros seront donc ponctionnées pendant cette législature sur les budgets des hôpitaux, des écoles, des retraites ou de la transition écologique. Ce n'est pas sérieux !

Et si la croissance n'était pas au rendez-vous, ce qui est le scénario probable à ce jour, qu'allez-vous donc faire ? Aller encore plus loin dans l'affaiblissement de l'État ? Tout cela n'est pas raisonnable alors qu'il est en outre probable que les événements accidentels et coûteux deviennent monnaie courante sous l'effet du dérèglement climatique.

Je nous invite à inverser totalement la perspective. Plutôt que de risquer d'être entraînés dans une spirale récessionniste au nom du déficit et de la dette publique, il faut investir dès aujourd'hui massivement pour le pays et son avenir, en partant des besoins de la population.

Les problèmes que nous traversons aujourd'hui ont des causes et des solutions. Prenons-les à bras-le-corps au lieu de les subir en les laissant aux seules mains du marché et du libre-échange. L'inflation, par exemple, trouve en grande partie son origine dans des difficultés d'approvisionnement et dans un renchérissement spéculatif du prix de l'énergie, des matières premières ou des composants électroniques.

Pour y répondre, nous devons donc avoir l'ambition d'atteindre la souveraineté agricole et industrielle, en procédant à des relocalisations et en favorisant les circuits courts, mais aussi et surtout de mener à bien la bifurcation écologique, ce qui suppose de fixer des objectifs non pas en matière d'économie budgétaire mais d'autonomie et de sobriété énergétiques.

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