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Intervention de Frédéric Valletoux

Séance en hémicycle du lundi 12 juin 2023 à 21h30
Améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Je vous remercie, chers collègues, pour la discussion nourrie que nous venons d'avoir en ouverture de nos débats, sur un sujet dont les uns et les autres ont rappelé qu'il était majeur. Je voudrais revenir sur quelques points que j'ai relevés en vous écoutant.

D'après Thierry Frappé et Yannick Neuder, des mesures trop coercitives figureraient dans la proposition. Je voudrais les rassurer : le texte n'a rien de coercitif. Certains articles encouragent à faire bouger les lignes pour inciter les libéraux à pousser les feux de la coopération dans les CPTS, par exemple. Mais, grâce aux clauses de non-adhésion, personne ne sera contraint de rejoindre un dispositif s'il ne le souhaite pas. Le but est simplement de favoriser, comme vous le souhaitez vous-mêmes, chers collègues, une médecine plus coopérative, travaillant de façon plus ouverte dans les territoires, au bénéfice de nos concitoyens.

Vous avez également évoqué le risque de bureaucratie. Pourtant, le texte ne crée aucun nouvel étage de bureaucratie qui rigidifierait le système de santé. Il ne prévoit que des instances de dialogue et d'échange, dans lesquelles les stratégies pourront être partagées. Il y a suffisamment à dire sur l'administration en matière de santé pour imaginer que ce texte aurait un autre objectif que de permettre à des acteurs de travailler ensemble, au plus près des territoires. Les conseils territoriaux de santé seront simplement le lieu où l'ensemble des acteurs pourront dialoguer. Au-delà de la bonne volonté des uns et des autres, il n'existe en effet aujourd'hui aucun lieu où ils puissent échanger, de façon institutionnelle, pour penser l'avenir et les stratégies de coopération. Tel est l'état d'esprit qui a présidé à la rédaction de ce texte ; il ne s'agit aucunement de créer de nouveaux étages de bureaucratie.

Certains d'entre vous ont pointé – c'est normal – les sujets non traités par le texte. Comme si, en quelques articles, au détour d'une proposition de loi, on pouvait traiter l'ensemble des sujets ! Cela m'aurait tenté, mais cela ne correspondait pas à l'exercice. Le sujet des études de médecine, par exemple, a été abordé par Véronique Besse, Yannick Neuder, Thierry Frappé et Yannick Monnet – ce dernier évoquant aussi un plan Marshall pour la santé. On peut bien sûr envisager des moyens importants, et l'on aurait pu aborder les questions du fonctionnement et de l'accès aux études de médecine, voire de l'organisation même des études dans l'ensemble des filières de santé. On sait que ces sujets devront être pris à bras-le-corps dans les mois à venir. Le présent texte, quant à lui, n'a pas pour objet d'aborder l'ensemble des questions touchant à notre système de santé : son objectif, plus modeste, consiste à faire avancer dans les territoires les coopérations entre les professionnels, au bénéfice des Français.

Je voudrais insister sur les points positifs soulignés par plusieurs intervenants, notamment sur le fait que ces espaces de dialogue sont susceptibles de faire évoluer non pas seulement les mentalités mais aussi les pratiques, les modes d'exercice et la manière dont on conçoit la prise en charge des Français. Je remercie Jean-François Rousset, Philippe Vigier et François Gernigon d'avoir insisté sur l'importance de l'approche par les territoires. Merci aussi à Sébastien Peytavie d'avoir souligné qu'il s'agissait de reconnaître un principe nouveau et utile, s'agissant de notre système de santé : celui de responsabilité populationnelle. Les soignants doivent être rendus acteurs et responsables de l'organisation des soins pour la population dont ils ont la charge ; c'est le sens de ce texte.

Je voudrais aussi rassurer, si besoin, Hadrien Clouet et Yannick Monnet, qui pointent le risque que cette démocratie sanitaire n'aboutisse paradoxalement à un désengagement de l'État face aux acteurs ainsi responsabilisés : l'État reste le financeur du système. Le financement ne change pas ; les règles en sont discutées chaque année dans le cadre du PLFSS. Il ne s'agit pas de déresponsabiliser l'État pour responsabiliser trop lourdement les acteurs du soin dans les territoires. Soyez rassurés chers collègues, nous posons au contraire un acte très fort en organisant une démocratie sanitaire qui, aujourd'hui, n'existe pas dans les territoires. Je le redis : au-delà des bonnes volontés et des rencontres dont il nous arrive d'être témoins et qui permettent de faire émerger des projets, il n'existe pas de lieux pour organiser, de façon institutionnelle, le dialogue, la coopération et le partage de projets. Avec ce texte, nous créons et installons une vraie démocratie sanitaire, ce qui va plutôt dans le bon sens. Pour ma part en tout cas, j'y crois.

Je voudrais insister aussi sur le besoin évoqué par Jean-François Rousset et Yannick Neuder d'associer les professionnels de santé aux réformes que nous allons mener : ils ont évidemment raison d'insister sur cette dimension. Si nous faisons des réformes pour nous, dans l'hémicycle, sans nous assurer de l'adhésion et de la participation à la démarche de l'ensemble des professionnels de santé, nous ne réglerons aucun des problèmes d'accès aux soins que rencontrent les Français. Il faut que les dispositions dont nous allons discuter dans les jours à venir aient une portée suffisante et qu'elles soient suffisamment utiles pour que les professionnels de santé aient envie d'y participer.

C'est aussi pour cette raison que les articles relatifs aux Padhue, sur lesquels M. Vigier a insisté à juste titre, sont si importants, même si tout le monde n'est malheureusement pas d'accord sur ce point dans l'hémicycle. Ces articles simplifieront un système complexe qui s'appuie parfois sur des professionnels ayant obtenu leurs diplômes hors d'Europe ; quoique fort utiles à nos établissements de santé, ceux-ci n'obtiennent pas la reconnaissance qui leur est due. Outre un problème d'ordre administratif, c'est donc le problème de l'insuffisante reconnaissance du rôle des Padhue dans notre système de santé que nous allons résoudre.

Je conclus en remerciant l'ensemble des intervenants d'avoir fait preuve d'un état d'esprit très constructif, malgré des nuances bien normales. Certaines mesures semblent en effet recueillir le consensus, comme le contrat d'engagement de service public – nous y reviendrons. J'ai notamment apprécié l'intervention constructive de Guillaume Garot, qui a reconnu que, lorsque les analyses et les points de vue convergent, on peut aboutir à des solutions pratiques et concrètes consensuelles, sans avoir à brandir telle idéologie ou à faire preuve de dogmatisme ; au contraire, il faut s'employer à trouver les points de passage permettant de bâtir des solutions utiles pour les soignants et pour les Français. Une fois de plus, je vous remercie tous pour cet état d'esprit positif, qui nous permettra d'avancer ensemble.

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