La proposition de règlement relative à la restauration de la nature, présenté par la Commission européenne il y a un an maintenant, est en cours de négociations au Conseil et au Parlement européen. Les co-législateurs devraient chacun adopter leur position au début de l'été. Le constat de perte de biodiversité est alarmant au niveau mondial, mais aussi dans l'Union européenne : 81 % des habitats naturels d'intérêt communautaire sont dans en mauvais état, tandis que 39 % d'espèces d'oiseaux communs sont dans une situation de conservation défavorable en 2020.
Malgré des efforts importants, la stratégie européenne pour la biodiversité à l'horizon 2020 n'a pas atteint son objectif principal d'enrayer la dynamique de perte des services écosystémiques. En manquant nos objectifs collectifs en matière environnementale, nous empêchons la nature de rendre ses services à la société et entamons ainsi notre capacité à lutter contre le réchauffement climatique. La restauration biodiversité doit permettre de renforcer la résilience des écosystèmes naturels au changement climatique, en améliorant leur fonctionnement naturel et leur capacité à stocker le carbone.
Les enjeux sont particulièrement élevés, et une évolution significative a eu lieu au niveau mondial. La COP 15 à Montréal en décembre 2022 a en effet abouti à un accord historique, avec 23 objectifs à atteindre d'ici 2030 pour la conservation et la protection de notre patrimoine naturel. La loi européenne sur la restauration de la nature sera donc essentielle pour permettre aux États membres de l'Union d'atteindre l'objectif de restauration auquel ils se sont engagés.
Le projet de la Commission est donc clair et ambitieux. Il ne s'agit plus seulement d'enrayer la perte de biodiversité, mais d'aller plus loin en restaurant les écosystèmes dégradés. Chaque État membre sera libre de déterminer les écosystèmes à restaurer et de choisir les mesures adéquates à mettre en œuvre. Ces mesures devront néanmoins couvrir au moins 20 % des zones terrestres et marines de l'Union d'ici à 2030, et concerner tous les écosystèmes qui doivent être restaurés d'ici à 2050. Les États devront consigner les mesures et zones choisies dans un plan national de restauration, élaboré en lien avec les services de la Commission européenne et susceptible de révisions.
L'avis politique que nous vous présentons vise en premier lieu à soutenir cette proposition de règlement. Peu de voix s'élèvent aujourd'hui pour aller à l'encontre d'une protection croissante de la biodiversité, mais la question fondamentale de ce texte est de savoir où placer le curseur. Il convient d'adopter un texte ambitieux défendant les objectifs fixés par la COP 15, mais également de limiter les externalités négatives pour nos économies et d'éviter de faire peser tout risque sur la sécurité alimentaire.
Les agriculteurs ne sont pas opposés au changement et peuvent accepter une nouvelle régulation sur la façon de produire, afin d'évoluer vers une agriculture durable. Face à l'accumulation de textes et d'obligations qui s'imposent à eux, ils doivent aujourd'hui être des éleveurs, des techniciens, des directeurs de ressources humaines et des chefs d'entreprise.
Pour tenir compte de l'ensemble de ces enjeux, nous avons donc trouvé un point d'équilibre dans l'avis politique : ne pas affaiblir le dispositif envisagé dans la proposition de règlement, mais prévoir un accompagnement suffisant pour nos agriculteurs et nos pêcheurs qui sont également concernés. Cet accompagnement doit s'organiser à la fois au niveau européen et au niveau national, avec un soutien humain, technique, mais aussi financier.
Pour atteindre nos objectifs en matière de biodiversité, nous devons avoir tout le monde à bord, en particulier les agriculteurs et pêcheurs au contact direct de la nature. Ce lien de confiance est essentiel car ils connaissent particulièrement les enjeux liés à la préservation de leurs écosystèmes et les mesures à mettre en place pour les protéger. Par conséquent, il est de notre devoir de les accompagner et la question du financement des mesures de restauration de la biodiversité devra être l'enjeu majeur des négociations à Bruxelles.
La Commission n'a à l'heure actuelle prévu aucun financement spécifiquement dédié à ce texte. Le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 consacre déjà 7,5 % du budget européen à la biodiversité à partir de 2024, puis 10 % à partir de 2026, pour un montant total d'environ 100 milliards d'euros. Ce budget doit évidemment être mobilisé, de même que le budget dédié à la politique agricole commune.
Quelques États, parmi lesquels la France et l'Espagne, défendent au Conseil de l'Union européenne la question du financement dédié, en dépit d'un contexte budgétaire contraint. Notre avis politique soutient cette démarche, et considère qu'il s'agit là d'un point d'équilibre entre la nécessaire édiction de normes pour la protection de la biodiversité, et le soutien à nos agriculteurs et pêcheurs.