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Intervention de Gabriel Attal

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics :

Il s'agit d'un sujet important et tout à fait légitime, dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter dans l'hémicycle. Nous sommes un pays qui a besoin d'emprunter beaucoup, notamment parce que nous avons une dépense publique qui reste extrêmement élevée. J'aimerais que nous entendions ceux qui dénoncent le recours à des OAT indexées sur l'inflation, lequel participe à une logique de diversification nécessaire si nous souhaitons être capables de couvrir nos besoins, nous défendre et nous accompagner quand nous portons une politique qui vise à réduire la part de la dépense publique dans notre richesse nationale. J'aimerais que nous sortions également de solutions avancées avec facilité, c'est-à-dire la contribution à l'Union européenne ou l'immigration. Ceux qui critiquent le recours à l'emprunt devraient nous faire un certain nombre de propositions pour réduire la dépense publique.

Nous devons couvrir un niveau de dépenses qui est élevé et faire face à deux incertitudes fondamentales, d'une part sur l'évolution de la demande de titres de la part des investisseurs et d'autre part sur les conditions économiques et financières futures. Nous n'avons donc pas d'autre choix que de diversifier nos émissions. Un certain nombre de canaux nous permettent ainsi de nous financer : la dette de court terme, de moyen terme, de long terme, de très long terme et enfin, pour environ 10 %, la dette indexée sur l'inflation française ou de la zone euro. Chaque canal correspond à des besoins d'investissement différents que l'État peut ainsi mobiliser.

Les titres indexés sur l'inflation nous donnent accès aux investisseurs qui doivent offrir une protection contre l'inflation à leurs clients. C'est notamment le cas des fonds d'épargne qui collectent le livret A, qui est à moitié indexé sur l'inflation. Ces investisseurs paient une prime pour acheter ce type de titres par rapport à un titre non indexé équivalent. Lorsque nous apprécions seulement l'évolution de la charge d'indexation, nous oublions l'autre partie pertinente pour évaluer le programme des OAT indexées, à savoir le moindre coût de financement ex ante grâce à la prime de risque qui est payée par ceux qui ont recours à ce type d'obligation.

Une incertitude pèse en outre sur les conditions économiques et financières futures. Le fait de disposer d'une diversité de titres permet de diviser les risques auxquels est exposé l'État. La charge de la dette de très long terme est figée pour longtemps. Elle repose sur les anticipations d'inflation à la date de l'émission. La charge de la dette indexée reflète les évolutions de l'inflation réalisée et la charge de la dette de court terme varie rapidement. L'approche ne peut donc se limiter à un compartiment de la dette de l'État, mais doit intégrer la dynamique de l'ensemble du portefeuille, dont chaque composante voit ses conditions de financement évoluer en fonction de la croissance, de l'inflation et des anticipations d'inflation, raison pour laquelle tous les pays du G7 ont recours à des OAT indexées sur l'inflation, plutôt dans les mêmes proportions que la France.

Sur la question de la transparence et de l'information, d'abord, je suis d'accord avec la nécessité de renforcer l'information du Parlement et sa capacité à analyser ces sujets, en prévoyant, au sein du rapport sur la dette des administrations publiques qui est présenté par le Gouvernement de façon annuelle, une actualisation annuelle en ce qui concerne la dette indexée. Je note d'ailleurs que le ministère des finances a d'ores et déjà réalisé une étude à la demande du rapporteur spécial du Sénat, qu'il a publiée dans son rapport public sur le projet de loi de finances pour 2023 en novembre, qui permet de visualiser l'impact global du programme au fil des années. Nous voyons bien que le choc d'inflation enregistré depuis fin 2021 fait suite à des gains importants liés aux périodes de faible inflation enregistrée depuis le lancement du programme en 1999. Ce choc fait office d'exception depuis ces vingt-cinq dernières années. Dans ce contexte, supprimer de nos produits les OAT indexées sur l'inflation en France et sur l'inflation européenne serait une mesure lourde de conséquences. En termes de canaux de financement, il nous faudrait rebasculer nos besoins de financement sur les OAT à taux fixe et sur les bons du Trésor à court terme, sous l'hypothèse que cela soit possible lorsque l'on doit lever 270 milliards à moyen et long terme, ce qui est un montant inédit. Cette hausse de la demande entraînerait mécaniquement une hausse du coût de la dette des compartiments associés. En termes de risque financier, ce serait faire un pari avec l'argent des Français, à savoir le pari que l'inflation sera structurellement plus élevée que les anticipations. Ce pari serait perdant si, par exemple, la hausse des taux engagée par la BCE permettait de ramener l'inflation à son niveau cible et plus encore si la zone euro retombait dans un régime d'inflation basse. Notre stratégie de gestion de la dette consiste à ne pas prendre de pari hasardeux et à gérer ces risques par la diversification des produits.

Par ailleurs, sur la distinction en termes de risques entre les titres indexés sur l'inflation française d'une part et européenne d'autre part, si une différence a pu apparaître en 2022, qui est le fait d'une meilleure protection face à l'inflation en France que dans les autres pays de l'Union européenne, les deux inflations sont en réalité très étroitement corrélées. Les investisseurs achètent des OAT indexées sur l'inflation européenne pour couvrir leurs engagements indexés sur l'inflation française. Par ailleurs, l'émission d'OAT indexées sur l'inflation européenne nous donne accès à une base d'investisseurs beaucoup plus large. Il me semblerait limité d'opposer une exposition de l'État à l'inflation française, qui serait bonne, à une exposition qui serait excessive s'agissant de l'inflation européenne.

Les États sont particulièrement bien positionnés pour émettre des obligations indexées, dans la mesure où leurs recettes sont elles-mêmes très corrélées à l'inflation. D'ailleurs, en cas d'inflation importante, il y a certes un surcroît de charge de la dette sur les OAT concernées, mais aussi un surcroît de recettes pour l'État.

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