Les crédits consommés de la mission Engagements financiers de l'État ont connu une hausse exceptionnelle en 2022. Ils se sont élevés à 54 milliards d'euros en crédits de paiement et 217 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Je souligne qu'il s'agit d'une hausse inédite. Ces niveaux sont supérieurs de 10 milliards d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2022. Ils sont en progression de 15,9 milliards d'euros en crédits de paiement par rapport à 2021. En autorisations d'engagement, la hausse atteint 179,2 milliards d'euros par rapport à 2021, sous l'effet de l'enregistrement comptable de la dette Covid à amortir. Les engagements financiers de l'État représentent le deuxième poste de dépenses après l'enseignement scolaire. La France y consacre un montant plus important qu'à ses armées (51,7 milliards d'euros pour la mission Défense ). Or je souhaite insister sur le fait que la mission Engagements financiers de l'État porte pour l'essentiel sur des dépenses qui sont liées à la charge de la dette, c'est-à-dire des dépenses qui sont totalement improductives. Certes, le recours à l'endettement est parfois utile pour investir ou incontournable pour protéger les Français en période de crise, mais face à de telles hausses, dues en particulier aux obligations indexées sur l'inflation, on ne peut que s'alarmer. Ces crédits pourraient être mieux employés dans le cadre de politiques publiques plus utiles aux Français.
Le Gouvernement anticipe par ailleurs des montants inédits de charge de la dette pour les années à venir, sous l'effet de la remontée des taux d'intérêt qui prendraient le relais de l'inflation. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a lui-même indiqué qu'en 2027, la charge de la dette française atteindra 70 milliards d'euros. Il s'agit du premier poste de dépenses de l'État. Au vu de l'écart entre les prévisions et l'exécution 2022, nous pouvons nous inquiéter d'un éventuel dépassement de ce montant, notamment en cas de nouveau choc économique. Ce sont les contribuables qui, en définitive, auront à payer le prix de cette insouciance coupable vis-à-vis de la dette française.
Les mouvements législatifs et réglementaires de crédit en 2022 illustrent les conséquences massives de l'inflation sur la charge de la dette. J'aurai l'occasion d'y revenir en détail dans le cadre de l'examen de mon rapport d'information sur les OAT indexées. Le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l'État porte 93 % des crédits de paiement de la mission. 11,9 milliards d'euros ont dû être ouverts en première loi de finances rectificative pour faire face à la progression inédite et non anticipée de la provision pour charge d'indexation du capital des titres de dette indexée sous l'effet de l'inflation. Un dépassement de 169 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts a été constaté sur le même programme 117. Cela intervient après une hausse inattendue des taux d'intérêt sur les titres de court terme en fin d'année. Le projet de loi de règlement propose de régulariser ces dépenses supplémentaires. Je rappelle que le programme porte des crédits évaluatifs et non limitatifs.
Le programme 369 Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19, créé par la LFI pour 2022, a donné lieu à l'engagement de 165 milliards d'euros. Ces autorisations d'engagement correspondent à l'encours de la dette Covid de l'État à amortir. 1,9 milliard d'euros de crédits de paiement ont été décaissés en 2022. 6,6 milliards d'euros devraient être dépensés sur le programme en 2023. Pour couvrir les engagements d'ici 2042, comme le prévoit le Gouvernement, le rythme de décaissement devra augmenter à l'avenir. Je voudrais rappeler que l'isolement d'une partie de la dette demeure une opération purement comptable, sans effet sur le stock de dette ni sur les conditions de son financement. Cela explique que l'exécution se soit déroulée conformément aux prévisions.
Sur le programme 114 Appels en garantie de l'État, 90 % des dépenses correspondent à des appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE). Ce programme a été fortement sous-exécuté. L'année 2022 a donc été plutôt rassurante du point de vue de la sinistralité des PGE, mais les prévisions du Gouvernement en la matière se sont avérées inexactes. Je veux rappeler que c'est à moyen terme que se posera avec le plus d'acuité la question de la capacité des entreprises à rembourser cette dette. Le programme 114 doit donc faire l'objet d'une attention particulière, notamment si les perspectives macroéconomiques venaient à se dégrader.
Les autres programmes de la mission contribuent de manière plus marginale à ces dépenses ou n'ont pas été exécutés en 2022. La fiche d'exécution budgétaire qui vous a été communiquée analyse les mouvements de crédits qu'ils ont connus en 2022. Monsieur le ministre, au vu des montants en jeu, je veux revenir sur ce qui constitue le cœur de la mission Engagements financiers de l'État, la charge de la dette. Confirmez-vous les prévisions de Bruno Le Maire concernant les montants de charge de la dette de l'État en 2027, à savoir 70 milliards d'euros ? Ne craignez-vous pas que les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose cette prévision s'avèrent optimistes (1,8 % d'inflation en France et 3,4 % de taux d'intérêt à dix ans en 2027 selon le programme de stabilité) ? La dette Covid n'est pas une dette à part. Elle fait partie de la dette de l'État et l'isoler relève d'un exercice comptable et, en définitive, fictif. Au-delà de l'affichage politique, pouvez-vous nous aider à identifier les raisons qui justifieraient le décaissement de montants importants en crédits de paiement, en dehors du programme dédié à la charge de la dette ? Je vous remercie.