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Intervention de Pascal de Izaguirre

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien :

Nous volons via la Réunion pour des raisons opérationnelles : l'appareil que nous exploitons, l'Airbus A330 Neo est incapable de décoller à pleine charge de Mayotte vers Paris. Nous sommes malheureusement confrontés à des limitations opérationnelles. Nous avons beaucoup échangé avec Airbus, mais ce n'est pas possible malheureusement : la piste est trop courte. Si nous en avions la capacité, nous préférerions bien évidemment desservir Mayotte en direct, l'actuelle façon de procéder est coûteuse – je ne dis pas que c'est un saut de puce, ce n'est pas tout à fait le cas.

S'agissant de la remarque formulée sur la super compagnie, je reviendrai sur un article du journal Le Monde qui ne me semble pas refléter la réalité de la situation. D'un point de vue purement industriel, la consolidation est inéluctable dans le domaine du transport aérien, ce qui vaut pour toutes les parties de la planète, pour les petites compagnies comme pour les grandes. Le groupe Air France se veut un acteur actif dans le domaine de la consolidation. Il est vrai que les petites compagnies sont plus ou moins fragiles et sont vulnérables face à des crises telles que la Covid-19, une crise sociale aux Antilles, des éléments sanitaires, la météorologie. Ce projet est toutefois mort-né. La Réunion a fait un choix différent, et c'est tout à fait respectable ; elle a voulu préserver l'autonomie et l'indépendance de sa compagnie. Ce projet n'existe pas par conséquent.

En outre, je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le député, si ce projet se concrétisait un jour, nous n'aurions aucune garantie quant à des tarifs plus compétitifs. Je souhaiterais par ailleurs introduire deux autres éléments. Une réflexion pourrait être engagée sur le dispositif de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) qui fonctionne de façon relativement peu satisfaisante. Un rapport d'information sur la continuité territoriale a été établi au nom de la délégation du Sénat aux Outre-mer par M. Guillaume Chevrollier, sénateur de la Mayenne, et par Mme Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique. Je souscris pour ma part à plusieurs de ces conclusions.

Nous avons les éléments de coûts. Or, les tarifs actuels ne résultent pas de la volonté des compagnies de faire des marges. Elles ne font que refléter l'état de la hausse de nos divers coûts de production. Nous n'avons pas intérêt à fixer des tarifs trop élevés quoi qu'il en soit. Nous savons qu'un impact déflationniste surgira à un moment sur la demande. Nous avons intérêt à jouer la croissance qui est un élément bénéfique pour les compagnies aériennes.

À l'origine, le dispositif de Ladom est censé pouvoir corriger un certain nombre d'inégalités sociales. Reconnaissons que les dotations sont peut-être très insuffisantes ou que ce dispositif fonctionne mal. Je crois que le rapport du sénateur et de la sénatrice est assez édifiant à cet égard.

Nous évoquons les tarifs actuels. Gardez à l'esprit que les tarifs risquent de continuer d'augmenter dans le futur. La transition énergétique et la décarbonation du transport aérien représenteront des investissements de plusieurs milliards d'euros. Le principal levier pour la décarbonation est constitué par les carburants durables. Nous avons des quotas d'incorporation croissants : en 2022, c'était 1 %, en 2025, ce sera 2 % et en 2030, 6 %. D'ailleurs, certains acteurs comme Air France veulent s'engager et s'engagent pour des taux d'incorporation supérieurs. Je suis également prêt à le faire. Encore faudrait-il que nous puissions trouver la production et l'approvisionnement qui n'existent pas ainsi que la distribution. Ces carburants durables sont de 4 à 8 fois plus chers que le combustible fossile que nous utilisons actuellement. Un réel problème se pose de fait.

J'ai eu l'occasion d'indiquer aux politiques locaux que j'étais un grand partisan de la création d'une filière de carburant durable spécifique à l'outre-mer : les sargasses, beaucoup de productions par la biomasse avec la bagasse. Un enjeu d'indépendance énergétique ressort en effet pour les territoires ultramarins ainsi qu'un enjeu de compétitivité. Nous nous sommes vus imposer une taxe carburant durable. Le carburant durable nous sera imposé.

J'attire votre attention sur une autre menace : la volonté du gouvernement actuel de nous imposer des taxes, alors que nous sommes déjà surtaxés. Notre spécificité en effet est de crouler sous les taxes et les redevances de toutes sortes. Le gouvernement veut imposer davantage le transport aérien, notamment pour nous faire financer les infrastructures ferroviaires. Cette conduite a été annoncée. On nous menace par conséquent d'augmenter la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Ma réflexion est la suivante : fera-t-on payer aux populations ultramarines le fait de travailler le train qui ne profite qu'à la population métropolitaine ? Outre-mer, nous n'avons pas d'autres alternatives en matière de transport en effet que le transport aérien. Je vous mets en garde sur une éventuelle augmentation des tarifs actuels du fait de la transition énergétique et de l'accumulation de taxes dont le gouvernement nous menace.

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