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Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 8 juin 2023 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Pour réduire le déficit, on peut certes diminuer les dépenses, mais on peut aussi augmenter les recettes, notamment la fiscalité du capital.

Parmi tous les impôts, il en est un dont on nous disait qu'il ne devait rien nous rapporter et qui rapporte finalement 1,7 milliard d'euros par an. Cet impôt semblait impossible ; pourtant, son coût de collecte est l'un des plus bas de tout notre système fiscal. Cet impôt dont je parle, c'est la taxe sur les transactions financières. Nous souhaitons la rendre plus efficace : c'est l'objet de cette proposition de loi.

L'assiette de cette taxe est en fin de compte assez réduite et les transactions qui en sont exemptées sont les plus spéculatives et les plus importantes en volume. Dès lors, notre proposition est de taxer les transactions dites intrajournalières et les produits dérivés. Les transactions intraday incluent le courtage à haute fréquence, réalisé par algorithme ; ces échanges consistent en un achat et une revente dans un temps très court. Vous dites que ces transactions sont fluides, monsieur le ministre délégué : pour être fluides, elles le sont, puisqu'elles durent souvent moins d'une seconde ! Pour rappel, la loi de finances pour 2017 prévoyait déjà l'extension de la TTF aux transactions intrajournalières, mais elle a été supprimée par le gouvernement Philippe. D'autre part, en offrant la possibilité d'acheter ou de vendre une action à un prix déterminé par avance, les dérivés d'action permettent de jouer contre le marché.

On peut opposer des arguments à l'extension de la taxe, mais nous regrettons le choix qui consiste à repousser l'idée en bloc.

Vous pourriez nous dire que le champ est trop large. Pourtant, comme le rapporteur Naegelen l'a précisé, les auditions qu'il a menées ont affiné notre conviction que certaines opérations sont spéculatives tandis que d'autres peuvent, dans certains cas, avoir leur utilité. Plutôt que de discuter du champ à définir suivant des modalités techniques, vous vous êtes tout simplement opposés à l'idée de mieux taxer.

Vous nous dites qu'il vaut mieux attendre une disposition européenne, que c'est le meilleur moyen d'écarter toute stratégie d'évitement. Pourtant, à Bruxelles, le sujet est au point mort depuis dix ans et, de l'aveu d'une des personnes auditionnées, le blocage n'est pas près de se lever. Nous voulons, pour notre part, de nouvelles recettes pour l'État, avec une application rapide. Comme en 2012, la représentation nationale peut décider de montrer l'exemple en Europe.

Dans ces conditions, vous changez d'argumentaire : vous dites que ce sera inutile. Vous nous dites que l'État n'a pas les données, qu'il ne sait pas comment collecter cette taxe élargie qui, d'ailleurs, ne rapportera rien. Vous soulignez les difficultés de recouvrement plutôt que de vous alarmer de l'absence de transparence, qui pose un réel problème, ou encore de l'absence de suivi des opérations. Vous ne dites rien des travaux que la DGFIP – direction générale des finances publiques – a menés lorsque cette extension fut décidée et dont les résultats ont disparu en 2018, lorsque vous avez supprimé l'extension aux intraday. Les sujets sont liés : sans observation, pas de données ; sans données, pas de contribuables et, finalement, pas de contribution.

Enfin, si la proposition de loi doit rapporter si peu, comment pourrait-elle entraîner l'effondrement de la place de Paris ? En vérité, personne n'est capable de chiffrer cette disposition. Cependant, les dérivés sur actions représentent au moins 15 % du marché au comptant, dit marché spot, et les transactions à haute fréquence représenteraient, au bas mot, 70 % de l'ensemble des transactions. Ainsi, on peut estimer que notre proposition doublerait aisément le rendement de la TTF.

Je souligne que les transactions financières ont pris une importance sans commune mesure avec celles de l'économie réelle. Les objets financiers sont devenus des matières premières de plus en plus complexes que l'on échange à l'infini, sans création de richesses. C'est de la spéculation pure.

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