À qui la faute ? Nous avons cherché à avoir le plus de débat possible.
Il me paraîtrait tout à fait incongru d'augmenter les cotisations sociales sur les bas salaires ou sur les classes moyennes. Les allégements de cotisations ont permis de développer l'emploi dans notre pays, de faire baisser le coût du travail et d'améliorer la compétitivité de nos entreprises. Nous en avons vu le résultat : 1 700 000 emplois ont été créés ces dernières années. L'impact de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en baisse de cotisations est indubitable.
Je crains l'effet d'une hausse des cotisations sur le taux de chômage. La fin des allégements généraux de cotisations, que d'aucuns ont défendue, notamment, dans le cadre de la réforme des retraites, reviendrait à une augmentation des cotisations patronales de 700 euros par salarié au Smic ; un artisan employant trois salariés au Smic serait donc obligé d'en licencier un pour payer les cotisations supplémentaires des deux autres.
Pour le reste, nous ne sommes pas fermés à la discussion. Nos services sont d'ailleurs en train de définir, avec plusieurs secteurs d'activité comme le bâtiment ou les transports, des trajectoires de mise en extinction de la déduction forfaitaire spécifique, une niche sociale d'un montant de 1,7 milliard d'euros par an. Nous savons donc être pragmatiques et efficaces pour redonner à la sécurité sociale les moyens de ses ambitions, mais nous sommes toujours guidés par la préoccupation de l'emploi dans notre pays.
Monsieur Peytavie, je vous confirme que les sept annexes de ce projet de loi d'approbation des comptes sociaux ont été transmises aux assemblées dans les conditions prévues par la loi organique. Vous y trouverez des informations sur la gestion de l'Ondam, sur les exonérations de cotisations sociales, ou encore sur les régimes d'assurance chômage et de retraite complémentaire. Il s'agit d'une nouveauté prévue par la loi organique et visant à améliorer l'information du Parlement.
Il est vrai qu'au tout début, la réforme des retraites coûtera davantage qu'elle ne rapportera. Cependant, en faisant ce reproche, vous répondez vous-mêmes aux critiques que vous avez formulées à son encontre. Vous démontrez qu'elle est tout sauf brutale, qu'elle s'appliquera progressivement et qu'elle est profondément sociale ; elle comprend des mesures d'accompagnement très fortes et, dans un premier temps, coûteuses – je le revendique –, s'agissant notamment des carrières longues ou des petites pensions, qui seront revalorisées. La réforme Fillon de 2010 prévoyait quelque 1,5 milliard d'euros de mesures sociales, la réforme Touraine de 2014 autour de 4 milliards, et la réforme que nous venons de défendre plus de 6 milliards ; autrement dit, il y a plus de mesures sociales dans la dernière réforme que dans les deux précédentes réunies.
Monsieur Colombani, vous avez souligné la nécessité d'évaluer l'efficacité des niches sociales. J'ai répondu sur ce point à votre collègue Jérôme Guedj : il s'agit désormais d'une obligation organique, qui sera mise en œuvre dans le cadre d'un programme de travail associant France Stratégie et des experts indépendants. Je souligne une nouvelle fois qu'une remise en cause de l'intégralité des allégements de cotisations sociales produirait un effet néfaste sur l'emploi, singulièrement des plus jeunes et des moins qualifiés.
Je vous remercie, monsieur Valletoux, d'avoir insisté sur l'importance des recettes pour notre modèle social ainsi que sur la question de l'emploi et du travail. Je salue une nouvelle fois les travaux de Thomas Mesnier, qui nous ont conduits à la présente audition. Nous pensons évidemment à lui.
Madame Vidal, nous nous sommes engagés à effectuer des travaux de fond sur le modèle économique des Ehpad. Une concertation avec les départements et le secteur a été lancée il y a quelques jours afin d'apporter des réponses plus structurelles aux difficultés budgétaires récurrentes rencontrées par les établissements.
Le niveau des transferts aux départements a augmenté de 22 % en 2022, ce qui est tout à fait considérable. Ce chiffre reflète le tournant majeur permis par la création d'une branche consacrée aux politiques de l'autonomie : la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) investit désormais massivement dans les politiques de maintien à domicile, ce qui traduit la réalité de l'engagement du Gouvernement en faveur du fameux virage domiciliaire. La hausse des transferts aux départements manifeste le soutien de la sécurité sociale à la réforme du financement des services d'aide à domicile, avec l'institution d'un tarif plancher rémunérant désormais à 23 euros par heure les interventions des professionnels partout en France, ainsi qu'avec la création d'une dotation complémentaire de 3 euros par heure et le financement par la CNSA de la nouvelle prestation de compensation du handicap parentalité à hauteur de 200 millions d'euros.
La branche autonomie est malgré tout excédentaire en 2022, ce qui résulte, comme je l'indiquais dans mon propos liminaire, d'une amélioration notable des recettes, soutenue par le taux d'emploi et par le dynamisme de la masse salariale du secteur privé. À compter de 2024, une fraction de la CSG – 0,15 point, soit près de 2,3 milliards d'euros – sera affectée à cette branche ; ces crédits supplémentaires nous permettront de disposer de marges financières suffisantes pour répondre aux défis de la transition démographique et réaliser l'indispensable travail de programmation des évolutions de l'offre médico-sociale. Je vous renvoie aux travaux menés par mon collègue Jean-Christophe Combe, chargé de ces sujets.
Monsieur Sertin, vous m'avez demandé comment nous entendions assurer le respect de l'Ondam en 2024. En lien avec le ministère de la santé, nous travaillons à des mesures destinées à renforcer l'efficience et la pertinence des dépenses de santé. Nous examinerons bien sûr les recommandations régulièrement formulées par la Cour des comptes, une institution abondamment citée par tous les groupes lors de cette audition. Lorsque nous défendrons certaines propositions visant notamment à maîtriser les dépenses, je me permettrai donc de mettre en avant les rapports de la Cour des comptes : je ne doute pas que ses recommandations seront alors tout autant suivies par l'ensemble des groupes. Nous travaillons notamment sur la dynamique des dépenses liées aux indemnités journalières, qui ont progressé de 7,9 % entre 2021 et 2022. Nous réfléchissons également à des mécanismes permettant de réduire la dynamique des dépenses de produits de santé – en hausse de 4,1 % pour les seuls médicaments, une augmentation bien supérieure à la trajectoire d'évolution à laquelle s'était engagé le Président de la République dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé –, tout en gardant une attention particulière à la recherche et à l'innovation, y compris dans l'industrie pharmaceutique, auxquelles Bruno Le Maire et moi-même sommes très attachés. Enfin, nous souhaitons stabiliser la part prise en charge par l'assurance maladie obligatoire dans les dépenses de santé, ce qui nécessitera des transferts entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires. Des pistes seront prochainement présentées par mon collègue François Braun dans le cadre du comité de dialogue avec les organismes complémentaires.
Monsieur Gernigon, vous m'avez interrogé sur la part des dépenses consacrées aux personnes en perte d'autonomie. Si nous ne disposons pas de données par catégories de patients, quelques éléments nous permettent d'évaluer très partiellement les dépenses de santé relatives aux personnes âgées. Ainsi, en 2019, l'ensemble des dépenses individualisables – c'est-à-dire rattachables à des assurés en particulier – des personnes âgées de 75 ans et plus, en perte d'autonomie ou non, à la charge de l'assurance maladie obligatoire, que ce soit pour des soins de ville ou en établissement de santé, s'élevaient à 43 milliards d'euros. En 2021, les dépenses d'actes infirmiers de soins en ville s'établissaient à 2,6 milliards ; elles sont presque exclusivement destinées aux personnes âgées en perte d'autonomie et, à ce titre, intégrées à l'agrégat « effort de la nation en faveur du soutien à l'autonomie » dans l'annexe 7 du PLFSS. Quant aux dépenses en ville et en établissement de santé des résidents des Ehpad, elles s'élevaient respectivement à 1,3 milliard et 1 milliard d'euros en 2018, selon des estimations publiées par la Cour des comptes dans son rapport de février 2022 relatif à la prise en charge médicale des personnes âgées en Ehpad.
Sur le fond, je ne suis pas sûr qu'il soit souhaitable d'intégrer à la cinquième branche l'ensemble des dépenses de soins de ville et en établissement de santé consacrées aux personnes en perte d'autonomie, car il nous faut conserver une cohérence entre les agrégats de dépenses par sous-objectif de l'Ondam et par branche de la sécurité sociale. Le rapport Vachey de 2020, qui s'était penché sur le périmètre de la cinquième branche, avait certes proposé, dans une vision très extensive de l'autonomie, quelques transferts de prestations de la branche maladie vers la branche autonomie – je pense par exemple aux dépenses de soins de longue durée –, mais il ne recommandait absolument pas de transférer dans la nouvelle branche l'ensemble des dépenses de soins de ville ou en établissement de santé destinées aux assurés en perte d'autonomie.