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Intervention de Xavier Cousin

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Xavier Cousin, chercheur à l'INRAE, UMR MARBEC (MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation) :

. – Les images d'animaux marins prisonniers ou asphyxiés par les déchets plastiques ont fait le tour du monde et ont offert une grande visibilité à la problématique des déchets plastiques en milieu marin. Cette problématique est une réalité, car lors des campagnes réalisées sur les côtes des Pays-Bas, pour certaines espèces de phoques, on a identifié 20 % des individus avec des fragments plastiques de grande taille. Ces chiffres peuvent aller jusqu'à 60 % pour des animaux juvéniles.

Les gros objets ne sont qu'une partie du problème, puisqu'ils se fragmentent en microplastiques, auxquels s'ajoutent les microplastiques primaires. Il faut bien parler des microplastiques, car il existe une grande diversité de taille (entre 1 micromètre et 5 millimètres), une grande variabilité de formes et de compositions (polymères ou additifs). Mais tous ces plastiques ont comme point commun la capacité d'être ingérés par tous les organismes de la chaîne trophique. Ceci a été démontré chez tous les organismes étudiés. Il existe une relation entre la taille des organismes et la taille des microplastiques qu'ils peuvent ingérer. On observe des microplastiques de quelques micromètres ingérés par des organismes de quelques centaines de micromètres (artémia ou larves de mollusques) ou de quelques millimètres (larves de poissons).

Dans le tube digestif des poissons, les microplastiques ingérés sont évacués et ne s'accumulent pas. La translocation, c'est-à-dire le passage dans les tissus, n'existe que pour les petits microplastiques ou les nanoplastiques. Cependant, la source est permanente et infinie. En effet, les organismes sont soumis à un flux continu de plastiques qui les traverse en permanence.

Deux expériences sont rapportées ici sur le zooplancton. Dans les expériences réalisées avec des expositions aiguës, qui correspondent à des tests réglementaires, nous n'avons mis en évidence aucune toxicité pour ces organismes, y compris pour des concentrations sans commune mesure avec celles observées dans l'environnement. En revanche, lorsque sont testées des expositions de plus longue durée, on observe des altérations physiologiques : une diminution du taux d'ingestion de nourriture par les copépodes exposés aux microplastiques et une diminution de la taille des œufs au bout du septième jour. Ainsi, ces exemples montrent que pour le zooplancton, la toxicité est absente pour des expositions de courte durée, mais apparaît progressivement pour des expositions plus longues.

Pour les mollusques, en l'occurrence des huîtres, deux expériences sont ici représentées pour montrer les effets à l'échelle individuelle, c'est-à-dire au niveau du fonctionnement des organismes. L'exposition à des composants chimiques présents dans les pneus met en évidence une altération physiologique, de la capacité de filtration, du taux de respiration et de la variable du potentiel de croissance. Les deux autres graphiques concernent des huîtres perlières exposées à des particules résultant du broyage de matériaux plastiques utilisés en ostréiculture, environnement non naturel, mais habituel. Cette exposition conduit à l'apparition de malformations au niveau de la coquille et à une diminution de la qualité des perles. Ces exemples montrent que la toxicité peut être liée soit à l'ingestion des microplastiques, soit aux substances chimiques qu'ils contiennent.

Le deuxième exemple sur les huîtres a pour but de montrer les effets à l'échelle populationnelle. Différentes variables liées à la reproduction sont mises en évidence. Les substances d'exposition sont encore une fois le lixiviat, avec cette fois-ci des matériaux caoutchoutés (pneus), des extraits de granulés pour les terrains de sport et des élastiques en caoutchouc utilisés en ostréiculture. Sont représentés les lixiviats obtenus à partir du matériau neuf ou du matériau vieilli. Systématiquement, que ce soit pour les pneus, le terrain de sport ou les élastiques, on observe que l'exposition au lixiviat du matériau neuf entraîne une toxicité plus élevée que celle des matériaux vieillis. Ainsi la toxicité dépend de l'âge des matériaux.

Des gamètes d'huîtres ont été exposés à des particules de taille différente : 500 nanomètres ou 50 nanomètres. La diminution du taux de fécondation n'est observée que pour les particules d'une taille de 50 nanomètres. Ainsi la toxicité dépend de la taille des particules, avec une tendance selon laquelle les particules plus petites sont plus toxiques que les particules de plus grande taille.

Avec des collègues de l'université de Bordeaux, nous avons exposé deux espèces de poisson, d'eau douce et marine, à quatre plastiques : deux polymères industriels (PE et PVC) et des plastiques collectés sur des plages de Guadeloupe. Les plastiques industriels ont été enrobés avec des substances chimiques. Nous avons exposé les poissons pendant plusieurs mois, en commençant par le premier stade de développement. Au bout de quatre mois et demi d'exposition, nous avons mis en évidence une diminution significative, de l'ordre de 15 à 20 %, de la croissance. L'effet apparaît donc au bout d'une exposition chronique. Les mêmes effets sont observés pour les deux espèces. Il n'y a donc pas de dépendance à l'espèce ou au milieu. Manifestement, les effets observés résultent d'un effet générique indépendant du polymère ou de l'origine.

Nous nous sommes également intéressés aux effets de l'exposition sur la reproduction. Nous avons mis en évidence une diminution du nombre de pontes. Sont observées cette fois-ci des différences selon les polymères. Pour le polyéthylène, les effets ne sont observés que lorsqu'il est absorbé avec une substance chimique. Pour le PVC, un des plastiques qui contient le plus d'additifs, les effets sont observés avec ou sans la présence de substances chimiques absorbées. Pour les plastiques collectés sur les plages, les effets n'ont été observés qu'avec un seul plastique. Ainsi les mécanismes en jeu sont différents de ceux de la réduction de la croissance.

Le puffin est un oiseau marin qui se nourrit de poissons. À cette occasion, il ingère des macroplastiques et microplastiques. Des collègues australiens ont analysé le contenu de l'estomac et du gésier en microplastiques chez de jeunes oiseaux âgés de 80 à 90 jours (moment où ils sortent du nid). Les oiseaux n'ont donc été nourris jusque-là que par leurs parents. Leur alimentation reflète ce que les parents ont mangé dans leur environnement proche. Les collègues australiens ont établi une corrélation entre la masse de plastiques présente dans ces oiseaux et la présence d'une fibrose au niveau de l'estomac, ainsi qu'une corrélation entre la présence de plastiques et la sévérité de la fibrose. Ils ont également mis en évidence une corrélation négative entre la quantité de plastiques identifiée dans ces oiseaux et la masse corporelle au moment de l'analyse.

Pour conclure, l'exposition chronique à des microplastiques conduit à des effets à long terme. Ces perturbations touchent notamment la croissance et la reproduction. Tous les niveaux de la chaîne trophique sont impactés. Des différences en termes de toxicité sont à relever, puisqu'elle dépend de la durée d'exposition. En effet, une exposition longue entraîne des effets plus importants ou des effets, par rapport à une exposition courte. La toxicité dépend également de la nature des plastiques, de l'âge des matériaux et de leur taille. Les mécanismes restent néanmoins peu connus, puisqu'il existe des effets physiques comme dans le cas de la fibrose (pas nécessairement visible chez toutes les espèces), ainsi que des effets chimiques qui peuvent dépendre à la fois des polymères et des additifs. Une des hypothèses est qu'une partie des effets observés résulte d'une perturbation de l'équilibre énergétique qui pourrait impliquer une participation du microbiote.

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