Nous nous sommes opposés à l'examen de la proposition de loi en procédure simplifiée, parce que nous considérons qu'elle est grave et mérite un débat politique complet. Elle est même sans doute, depuis la réforme des retraites, la loi la plus antisociale dont nous avons à discuter.
De quoi parlons-nous ? 3,5 % d'augmentation des loyers en 2023, après 3,5 % d'augmentation l'année dernière : depuis votre arrivée au pouvoir, chers collègues de la majorité, les loyers ont augmenté de plus de 7 % ! Il est particulièrement culotté de se présenter comme les défenseurs du pouvoir d'achat des locataires quand on a, en l'espace d'un an, augmenté de 7 % leur loyer ! Cela représente, en valeur absolue, un peu plus de 500 euros par an et par locataire en moyenne.
Rendez-vous compte : le logement est le principal poste de dépenses pour les catégories populaires ! Avec une telle augmentation, vous les mettez dans la détresse ! Ce sont des gens qui doivent sauter des repas pour payer leur loyer, parce qu'ils ont peur d'être en impayé et de se faire expulser. Voilà la réalité sociale que nous constatons sur le terrain et que vous allez aggraver en faisant le choix politique d'augmenter les loyers !
Si cette réalité humaine ne vous parle pas, on peut présenter les choses différemment. Du point de vue macro-économique, l'augmentation des loyers de 7 % représente dans le pays un transfert de 5 milliards d'euros, chaque année, de la poche des locataires à la poche des propriétaires. Or la propriété lucrative, dans notre pays, est très concentrée. Ces 5 milliards d'euros arrivent donc dans les poches d'une minorité de multipropriétaires, qui possèdent les biens mis en location. Précisément, 3,5 % des ménages récupéreront 2,5 milliards d'euros grâce à la loi que vous allez faire voter. J'espère que tout le monde se rend compte de ces proportions !
Il s'agit d'une mesure antisociale équivalente à la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). J'imagine que cela ne vous dérangera pas : vous l'avez adoptée lors du précédent quinquennat ! Je m'adresse à nos autres collègues : vous prenez une décision qui n'est absolument pas neutre socialement et participe au contraire à la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns.
J'en viens à l'argument avancé pour la justifier. Monsieur le rapporteur, vous avez beau jeu de dire que, si nous laissions faire, le mode de calcul de l'IRL provoquerait une augmentation des loyers plus importante. Chacun ici a conscience que le choc inflationniste rend caduc le mode de calcul de l'IRL. Nous défendrons un amendement visant à le refonder, car il est désormais inopérant.
Il s'agit de ne pas se cacher derrière son petit doigt et d'assumer le débat politique. La représentation nationale est appelée à voter pour choisir le montant des loyers. Il faut bien constater que, lorsque vous pouvez choisir, vous infligez une augmentation très importante.
Je vais même plus loin : quand il s'est agi d'augmenter les salaires, que nous vous avons proposé d'indexer sur l'inflation pour protéger le pouvoir d'achat des salariés, qu'avez-vous répondu ? Niet ! En revanche, quand il s'agit d'augmenter le montant des loyers pour préserver la rente locative de l'inflation, vous êtes au rendez-vous et déposez une proposition de loi. 3,5 plus 3,5, cela fait 7 % d'augmentation depuis que vous êtes arrivés !
Il faut assumer le débat. Vous n'êtes pas au service des gens qui travaillent dur. Vous êtes au service de la rente locative.