La présente proposition de loi, issue de la majorité, doit permettre de maintenir provisoirement un dispositif de plafonnement de la revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.
J'ai pleinement conscience que ce texte est examiné dans des délais particulièrement restreints et inhabituels. Je remercie tous les groupes politiques d'avoir accepté que les débats se tiennent de manière très accélérée, compte tenu de l'urgence de la situation. Je remercie aussi les nombreux acteurs que nous avons auditionnés de s'être rendus disponibles dans un délai si bref. J'espère que nos débats et ceux du Sénat permettront de tomber rapidement d'accord sur un texte définitif, afin de protéger pour une année supplémentaire les commerçants et les locataires de hausses de loyers trop importantes, qu'ils pourraient subir en raison de l'inflation.
Contrairement à ce que j'ai entendu dire depuis le dépôt du texte, il s'agit de limiter la hausse des loyers prévue contractuellement dans les baux des commerçants et des ménages. Une telle intervention de l'État face à l'inflation est une exception française. Un tel bouclier a pour seul objectif de protéger les locataires. Il semble essentiel de le prolonger.
J'en viens aux raisons motivant l'examen de la proposition de loi. En 2022, face à l'importante inflation, qui s'est établie à 5,2 %, contre 1,6 % en 2021, nous avons adopté à l'été la loi d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, comportant des dispositions relatives à la protection du niveau de vie et des consommateurs ainsi qu'à notre souveraineté énergétique. Deux de ses articles nous intéressent ici.
Premièrement, l'article 12 prévoit un plafonnement de l'évolution de l'IRL à 3,5 % en glissement annuel, afin de protéger les locataires de hausses trop importantes de loyers lors de la revalorisation annuelle de ceux-ci. Ce plafonnement est ramené à 2,5 % pour les départements et régions d'outre-mer (Drom) et peut être modulé de 1,5 point de pourcentage supplémentaire en Corse. L'IRL, publié trimestriellement, est calculé à partir de l'indice des prix à la consommation (IPC) sur les douze mois qui précèdent. Il est donc structurellement construit pour amortir les effets de l'inflation, en les lissant dans le temps. De plus, la revalorisation annuelle du loyer fondée sur l'IRL n'est possible que si elle est expressément prévue dans le bail.
Deuxièmement, l'article 14, introduit en cours de navette parlementaire, plafonne l'évolution de l'ILC pour les seules PME, à hauteur de 3,5 % également. Cet indice est calculé à partir de l'IPC et de l'indice du coût de la construction (ICC). Il sert de référence pour la réévaluation des loyers, dans le cadre d'un bail commercial, pour les commerçants et pour les artisans. Il a fait l'objet d'une réforme importante et bienvenue par décret en mars 2022. L'indice du chiffre d'affaires du commerce de détail n'entre plus dans les paramètres de calcul de l'ILC, ce qui contribue à modérer sa hausse.
En l'état de la loi, ces mesures de plafonnement de l'évolution de l'IRL et de l'ILC ne s'appliqueront plus pour les indices publiés après le mois de juillet. Cela signifie que, si nous ne faisons rien, les loyers indexés sur ces indices pourraient recommencer à augmenter de manière plus importante, car l'inflation demeure très élevée – le programme de stabilité (PSTAB) 2023-2027 du Gouvernement l'estime à 4,9 % pour l'année 2023.
L'objet de la proposition de loi est de prolonger ces mesures de plafonnement jusqu'au premier trimestre 2024. L'article 1er les prolonge pour l'ILC et l'article 2 pour l'IRL, en conservant les dispositions spécifiques à la Corse et aux outre-mer.
Nous avons choisi l'échéance du premier trimestre 2024 car les estimations indiquent que l'ILC et l'IRL resteront à des niveaux élevés hors mesures de plafonnement. Ces indices s'établiraient à environ 6 % en glissement annuel pour le troisième trimestre 2023, pour ensuite décroître progressivement et passer sous la barre des 3,5 % au deuxième trimestre 2024. Par ailleurs, il s'agit de dispositions conjoncturelles et d'urgence : il convient de ne pas les prolonger trop longtemps, compte tenu de leur caractère dérogatoire au droit commun.
La proposition de loi ne modifie ni le niveau, ni le périmètre du plafonnement retenu dans la loi dite pouvoir d'achat, soit 3,5 %. Ces dispositions visent à protéger le pouvoir d'achat des Français et la viabilité économique de nos commerçants et de nos artisans. Nous ne souhaitons pas que les locataires et les preneurs subissent l'intégralité des conséquences de l'inflation. L'intervention du législateur vise à assurer la poursuite de relations contractuelles aussi équilibrées que possible entre les bailleurs et les locataires.
S'il est indispensable de soutenir les locataires, nous ne pouvons pas totalement déséquilibrer la situation, au risque de pénaliser trop les propriétaires et les bailleurs. Eux aussi sont touchés par l'inflation, alors même que de lourds efforts d'investissements, notamment pour réussir le défi de la rénovation énergétique des bâtiments, leur sont demandés. Quant aux commerçants retraités, le loyer de leur ancien commerce, dont ils ont cédé le fonds, représente leur principale source de revenus. Le plafonnement, nonobstant l'inflation, représente déjà pour ces personnes un effort important.
Par ailleurs, nous intervenons dans une relation contractuelle et dans le droit de la propriété. Aussi faut-il le faire avec parcimonie et justesse. Il faut donc adopter des dispositions proportionnées aux objectifs que nous visons, pour conserver une logique économique à la mesure et pour nous prémunir – j'insiste sur ce point – de tout risque de censure par le Conseil constitutionnel, alors même que le temps presse. Je rappelle que le Conseil constitutionnel admet les atteintes aux droits de propriété et à la liberté contractuelle uniquement si elles sont justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif visé. Un gel complet des loyers ou une extension absolue des dispositions seraient certainement censurés.
Je souhaite donc que nous en restions à un taux de 3,5 %. D'abord, il a été adopté dans le cadre de la loi dite pouvoir d'achat ; il a donc fait l'objet de discussions et de réflexions en amont du dépôt du projet de loi et lors de son examen au Parlement. Ensuite, je sais que nous aurons le débat, lors de l'examen de l'article 1er, sur l'extension du plafonnement de l'évolution de l'ILC aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), voire aux grandes entreprises.
Pour les raisons que je viens d'avancer, je souhaite que nous en restions à un mécanisme ciblé sur les TPE et les PME, lesquelles sont les plus menacées par les conséquences de l'inflation et les moins bien armées pour renégocier leurs baux commerciaux, par comparaison avec de plus grandes entreprises ou de grandes enseignes. Par ailleurs, les PME, micro-entreprises incluses, constituent la quasi-totalité des entreprises du secteur du commerce.
Je vous propose donc d'adopter la proposition de loi telle qu'elle a été déposée, afin de nous en tenir strictement à une prolongation des mesures débattues l'été dernier, dont je pense que nul ne contestera l'utilité, sans préjudice du débat légitime que nous pouvons avoir sur leur caractère suffisant ou non. Sans ce plafonnement, la variation annuelle de l'IRL et de l'ILC aurait atteint, d'après les estimations, environ 6,3 % sur les derniers indices publiés. Il est donc nécessaire d'agir dès maintenant, afin de maintenir cette protection pour l'année à venir.