Intervention de Alma Dufour

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlma Dufour, rapporteure spéciale (Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durable) :

Comme l'a dit mon collègue, Monsieur Rome, aucun des acteurs auditionnés n'a pu réellement nous donner des arguments définitifs sur les gains réels qu'apporterait la fusion au regard des risques qu'elle comporte quant au départ accéléré des salariés et à la désorganisation des services, alors que ces derniers sont confrontés à une forte charge de travail. L'argument principal mis en avant par les personnes que nous avons pu auditionner, y compris au sein de votre cabinet, Madame la ministre, est qu'il n'y a jamais eu autant de travail dans le nucléaire (relance des EPR, nouvelles technologies à l'étude et grand carénage à venir d'une partie très importante de nos réacteurs).

Sur ce point, personne ne peut discuter de la masse de travail à venir : vous l'avez dit vous-même, la résilience des prix de l'énergie sur le moyen terme en France dépend de notre capacité à éviter les risques de coupure. La question est de savoir comment s'y prendre pour éviter ces risques de coupures. Néanmoins, le réel enjeu par rapport à cette masse de travail supplémentaire semble résider dans le besoin en travailleurs, en ingénieurs, en experts, et non dans une fusion directement. Puisque nous avons besoin de ressources humaines supplémentaires, suite aux décisions prises sur la relance, quel est le plan du gouvernement concernant l'augmentation des effectifs au sein de l'ASN et de l'IRSN ? Qu'en est-il de l'augmentation des rémunérations des salariés, afin de rendre la profession plus attractive qu'elle ne l'est aujourd'hui par rapport à la concurrence du privé ?

L'ASN a demandé 29 ETP supplémentaires de cette année jusqu'en 2027, alors que, de son côté, l'IRSN a sollicité 38 ETP supplémentaires. Or pour l'instant, seule la moitié des ETP a été accordée, soit 15 ETP pour l'ASN et 20 pour l'IRSN. La DGPR, que nous avons auditionnée, nous assure de l'intention de l'État de débloquer la totalité des ETP demandés. Malheureusement, ces chiffres ne sont pas aujourd'hui dans la loi de programmation des finances publiques.

Comment être rassurés, sachant que l'ASN et l'IRSN ont une estimation conservatoire des besoins supplémentaires, connaissant le climat de contraintes budgétaires général qui pèse sur l'ensemble des établissements publics ? En réalité, les besoins semblent plus importants encore, d'autant plus s'il y a une volonté d'accélérer les calendriers tout en ne rognant pas sur les enjeux de sûreté ou si l'on souhaite adapter l'expertise actuelle à l'aggravation notable des impacts du changement climatique, notamment dans certaines régions du sud de la France.

Il en va de même concernant l'attractivité des métiers. Tous les acteurs auditionnés nous ont confirmé leurs craintes de voir les agents de l'ASN et de l'IRSN partir dans le secteur privé, considérant la faiblesse comparative de leur rémunération et les incertitudes pesant sur l'organisation et, de facto, sur la fusion. Une fois encore, il n'y a pas de proposition concrète d'augmentation salariale, certainement pas concernant les fonctionnaires, mais pas davantage d'annonces claires concernant l'ouverture à l'ASN de la possibilité de recruter des CDI. Nous alertons sur le risque de créer des distorsions de traitement entre fonctionnaires et nouveaux contractuels, qui ne feraient que précipiter les départs des agents déjà recrutés en tant que fonctionnaires à l'ASN ou l'IRSN.

Enfin, les enjeux de la fusion ne sont apparus qu'en dernier lieu, lorsque nous avons auditionné la Direction de l'ASN lors de notre rapport spécial que nous avons présenté tout à l'heure. Cette dernière s'inquiète du retard pris dans les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables, qui risque de générer des tensions de plus en plus fortes entre offre et demande d'électricité dans les prochaines années en France, puisque les nouveaux EPR ne seront pas disponibles avant 2037, voire 2040, et de créer pour l'ASN et l'IRSN un environnement susceptible de nuire à la protection de la sûreté nucléaire.

Alors que la fusion semble être programmée dans l'immédiat, les recrutements et les conditions de travail semblent pouvoir attendre. De même, les économies d'énergie et les ENR traînent aussi en termes d'objectifs chiffrés. Comment comptez-vous en conséquence tenir vos objectifs, si vous ne rassurez pas les salariés de l'ASN et de l'IRSN dès aujourd'hui, avec des annonces claires sur les ETP et sur leur traitement salarial ? Merci beaucoup.

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