La première série de questions se concentre sur la rénovation thermique, avec un premier angle portant sur le processus, notamment les décisions prises pour lutter contre la fraude et les délais de contrôle induits pour l'Anah. En avril 2023, nous avons mesuré les délais moyens de traitement d'une demande de subvention, aujourd'hui de 28 jours pour la demande de subvention et de 45 jours pour la demande de paiement. Ces délais présentent évidemment un écart-type plus ou moins important, mais le suivi permet désormais d'avoir une notion très précise des dossiers qui ne seraient pas traités dans des délais jugés appropriés. Le plus souvent, ces retards sont liés à des pièces manquantes dans les dossiers.
L'Anah a, en trois ans, réussi à faire face à l'explosion du nombre de dossiers MaPrimeRénov'. Environ 670 000 dossiers ont été déposés l'an passé, soit dix fois plus en deux ans. Dès 2021, elle a mis en œuvre une cellule d'appui pour les dossiers individuels signalés, lesquels sont déposés par des gens qui écrivent directement à l'Anah. Ce sont d'ailleurs souvent des députés qui nous signalent certains dossiers pour s'enquérir des délais de réponse. Un double contrôle est institué pour s'assurer de l'absence de blocage. Tout au long de l'année 2021, un chantier de sécurisation globale de la plateforme informatique a permis de limiter au maximum la survenance d'anomalies informatiques et de résoudre les anomalies connues. Ce processus de stabilisation est arrivé à maturité, ce qui permet des délais réduits en dépit des contrôles complémentaires. Nous sommes très vigilants à ce que l'Anah déploie les efforts nécessaires pour traiter les problèmes à la racine. Signaler des dossiers posant problème permet de recueillir des signaux faibles d'éventuels dysfonctionnements.
Quant aux contentieux engagés ces dernières semaines autour de ces délais de traitement, plusieurs référés ont été déposés à l'encontre de l'Anah, notamment de la part d'une entreprise, Drapeau, qui invoquait d'excessifs retards de versements de l'aide MaPrimeRénov'. Un premier examen des référés a conduit le juge à constater que ces délais sont essentiellement liés à une problématique répétée, des dossiers incomplets déposés par l'entreprise mandataire, ne permettant pas à l'Anah de s'assurer en particulier du consentement du ménage. Or il existe des processus de fraude où ce consentement est un petit peu « accéléré », pour le dire ainsi. Les ménages se trouvent donc pénalisés en raison de ces démarches administratives incomplètes.
Dans ce contexte, nous travaillons aussi avec les professionnels, la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la fédération française du bâtiment (FFB), pour renforcer notre coopération sur le signalement de ces mandataires faisant peser un risque sur les ménages en question et sur les entreprises, afin de lutter contre la fraude et fluidifier les rythmes des paiements. Mon collègue, le ministre chargé des comptes publics Gabriel Attal, a entamé tout un cycle de travail sur le renforcement de la lutte contre la fraude.
Dans cette optique, il nous semble important de traiter rapidement les bons dossiers, mais également de faire la chasse à tous les mécanismes, parfois assez sophistiqués, de fraude portés par des groupes, qui cherchent à capter l'argent public et ne visent nullement à rénover thermiquement les bâtiments.
Quant à l'accompagnement, Mon Accompagnateur Rénov' est un dispositif relativement récent. Vous mentionnez un besoin de renforcement. Mes collègues, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires Christophe Béchu et le ministre chargé de la ville et du logement Olivier Klein, et moi-même partageons cette analyse. Nous avons proposé un renforcement des moyens de l'Anah et des services déconcentrés d'environ 200 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en 2024, aux fins d'animer le réseau des accompagnateurs, de procéder à l'instruction des demandes d'agrément et d'opérer les contrôles nécessaires. Il apparaît en outre un enjeu de structuration de ce marché et de l'accompagnement dans la rénovation thermique. L'arrivée de nouveaux opérateurs aux côtés des opérateurs historiques est indispensable à cette aune. Un travail de qualification est mené pour faire face à la problématique liée au modèle économique. Cet accompagnement est-il correctement financé ? Différents niveaux de prise en charge de la prestation d'accompagnement seront proposés dans les prochaines semaines. Je confirme la réception de la demande invitant à rehausser ces forfaits afin de les convertir en accompagnement de qualité pour les ménages. Le paramétrage des aides est également étudié et fera l'objet de propositions de la part de mes collègues, Messieurs Olivier Klein et Christophe Béchu, et moi-même.
Je souhaite notamment que l'on travaille sur la question du reste à charge zéro, a minima pour les ménages les plus modestes, et d'une prise en compte des financements. Pour les autres ménages, il convient de bien accompagner l'avance financière, si c'est possible. Vous avez ainsi formulé plusieurs suggestions dans votre propos liminaire sur le prêt avance rénovation et sur la possibilité de le déplafonner. La position n'est pas arrêtée à ce stade, mais l'objectif doit être, collectivement de réduire au maximum la facture pour les ménages les plus modestes, et de sécuriser leur accompagnement. Pour les autres ménages, il convient de leur permettre de financer leurs travaux dans la durée, et non immédiatement, et de leur proposer des modèles de financement privés, dans un cadre public-privé qui fonctionne avec les banques. Tel est l'enjeu du dispositif éco-PTZ et de la combinaison de l'offre MaPrimeRénov' et éco-PTZ.
Pour les copropriétés, comment débloquer les financements et faciliter le passage à l'acte ? Nous n'avons pas, à ce stade, prévu de « fonds tours », mais je pense que cette idée a déjà été soumise à mon collègue, Olivier Klein. En tout état de cause, là aussi, un travail est mené au ministère de la ville et du logement pour intégrer les copropriétés dans le dispositif. Il porte à la fois sur la décision, sur la question du mécanisme de la décision, sur la question des modalités de financement et sur le déblocage des crédits.
Concernant la programmation pluriannuelle, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », prévoit que la loi de programmation énergie-climat établisse des trajectoires pluriannuelles. Je serais surprise si cette dimension ne figurait pas dans la proposition de loi présentée à l'Assemblée nationale et au Sénat. Dans les groupes de travail lancés, donner de la visibilité aux acteurs dans le cadre de certaines grandes actions fait partie des réflexions menées, sachant que le travail du projet de loi de finances est d'établir une vision budgétaire et la perspective de programmation des dépenses. Cependant, sécuriser une filière dans la réalisation de grandes actions, menées en appui de notre programme pluriannuel de l'énergie, me paraît assez fondé.
S'agissant du contexte des aides, comment le budget intervient-il en soutien pour encourager et reprendre toutes les actions de notre politique énergétique au service de trois objectifs : défendre notre souveraineté énergétique pour baisser notre dépendance, fournir une énergie à un prix abordable et encourager la production ? Il faut d'abord s'accorder sur la stratégie énergétique, objet des travaux que nous avons lancés. Il convient ainsi de se mettre d'accord sur le diagnostic relatif à notre positionnement énergétique. Les données dont nous disposons mettent en lumière le mur énergétique auquel nous serons confrontés en 2030, en 2050 et après 2050.
Après 2050, la situation ne sera pas stable. Il faudra continuer à s'interroger sur les modalités de production, puisque les réacteurs nucléaires arriveront, assez mathématiquement, en fin de vie. À quelle échéance ? Je l'ignore, mais on parle d'une capacité de production qui, suivant les années, varie entre 280 et 400 térawattheures, soit un écart conséquent.
De manière plus large, il convient de prendre en compte l'ensemble de notre système énergétique, afin de définir ce que l'on fait pour remplacer la variable gaz et la variable carburant, qui représentent l'essentiel de nos émissions de gaz à effet de serre dans notre mix énergétique. Quel est le programme mis en place pour produire de la chaleur renouvelable, du biogaz, des énergies renouvelables dans toute leur diversité ? On parlait de géothermie, d'éoliennes terrestres, marines et photovoltaïques et d'énergie nucléaire avec des échéances de nature différentes. Une décision qui serait prise aujourd'hui dans l'optique d'une production d'électricité avant 2030 ne peut concerner que le photovoltaïque, l'éolien terrestre et le biogaz, ou porter sur l'amélioration du fonctionnement de notre production nucléaire existante. Après 2030, une décision pourrait être prise aujourd'hui pour connecter de l'éolien marin sur notre réseau, puis du nucléaire. Il est nécessaire de bâtir simultanément le plan avant 2030 et le plan post 2030.
S'y ajoutent plusieurs enjeux majeurs. Comment accompagnons-nous la baisse de notre consommation d'énergie, en matière de sobriété énergétique ? Comment intégrer les incitations dans notre modèle d'accès à l'énergie ? Comment flexibilisons-nous nos besoins d'énergie, sujet également important ? Plus nous serons en mesure de flexibiliser notre consommation d'énergie, plus nous serons capables de produire sur notre territoire, plus les prix baisseront. Le premier levier de baisse des prix est d'être en capacité de produire de l'énergie à coût compétitif. Le mix énergétique nous le permet : les productions d'énergie photovoltaïque, d'éolien terrestre, d'éolien marin et d'énergie nucléaire sont compétitives. Nous devons en outre être capables de flexibiliser, c'est-à-dire de reporter une consommation ou d'interrompre pendant 20 minutes le chauffage dans un bâtiment qui a de l'inertie, parce qu'il a été rénové thermiquement.
Nous sommes en fait capables d'écraser la volatilité des prix du marché dès lors que nous sommes en pleine maîtrise de tout notre système énergétique. C'est vers cet objectif que nous devons tendre. Dans cette optique, il est important d'avoir une visibilité budgétaire sur les différents leviers dont nous disposons, à l'image du « fonds Chaleur », de la valorisation des appels à projets sur de nouvelles énergies. Vous avez raison d'affirmer que les énergies renouvelables sont plutôt contributives au financement de notre budget. Toutefois, il est nécessaire d'accompagner la maturité de la filière de l'éolien flottant et donc de consacrer des financements au portage de ces modèles. Ces démarches auraient vocation effectivement à s'inscrire dans une vision plus globale de la compréhension de notre politique énergétique.
Cet enjeu va de pair avec les investissements technologiques sur les prochaines générations de réacteurs dans le secteur nucléaire, sur la question des déchets et sur une vision complète des réseaux, puisqu'aujourd'hui, les réseaux s'appuient sur le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE). Ces derniers vont devoir être rebâtis dans les années qui viennent, ce qui suppose des niveaux d'investissement considérables. Il convient donc certainement d'instiller une notion de résilience dans le programme 345. De quelle manière, sachant que certains financements sont portés par l'entreprise EDF, et d'autres par l'actionnaire qu'est l'État, par le budget, par les charges de service public de l'énergie (CSPE) ou par le TURPE ?
Quant au cadre européen, je souhaite dire quelques mots sur la réforme du marché de l'électricité. Le texte présenté par la Commission européenne vise en particulier trois objectifs. Le premier objectif est de mettre en place des contrats de long terme, pour lutter contre la volatilité. Il s'agit soit de contrats par différence, c'est-à-dire le système qui existe aujourd'hui sur les énergies renouvelables, soit des contrats privés de gré à gré, mais qui donnent aussi une visibilité de long terme. Ces derniers contrats permettent d'écraser la volatilité, mais sont probablement des contrats plus destinés à des acteurs sophistiqués de type hyper électro-intensif ou électro-intensif. Ils valorisent non seulement l'accès à de l'électricité abondante, mais aussi leur capacité à effacer et à avoir des profils de consommation qui vont dans le sens contraire des pics de consommation. Enfin, il existe un système de protection du consommateur, un système prudentiel obligeant le fournisseur à avoir une couverture prudentielle, et à montrer qu'il a pris des contrats à long terme, de façon à garantir sa capacité à livrer de l'électricité sur le long terme. Il en découle différents sujets, notamment sur le rôle de l'autorité de régulation, pour lequel nous avons des propositions à faire : des discussions sont en cours entre les différents États membres. La prochaine réunion est programmée le 19 juin, afin de définir une orientation globale des États membres, ce qui permettrait ensuite d'engager le trilogue au cours du deuxième semestre 2023. Parallèlement, le Parlement européen a déjà démarré ses travaux avec des votes en commission qui sont prévus en juillet et un vote final en septembre, lui permettant ainsi d'aborder le triologue.