Intervention de David Amiel

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Amiel, rapporteur spécial (Énergie, climat et après-mines, Service public de l'énergie et compte d'affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale) :

Je souhaite concentrer mon intervention sur la question de l'efficacité de MaPrimeRénov'. Comme vous le savez, sa création et l'augmentation considérable de son budget ont marqué ces dernières années une rupture historique dans les modalités de soutien des ménages à la rénovation énergétique. En quelque sorte, cela a permis de faire entrer la rénovation énergétique dans les mœurs, avec une augmentation très importante du nombre de bénéficiaires de rénovations, près de 670 000 pour l'année 2022, et une efficacité accrue des gestes par rapport aux dispositifs antérieurs, en particulier le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Néanmoins, une accélération considérable de la rénovation est indispensable pour tenir nos objectifs de rénovation et de souveraineté énergétique. Madame la ministre, vous avez récemment évoqué le mur énergétique auquel nous faisons face. Dans cette optique, il faudra encore massifier notre accompagnement. Le premier élément qui ressort des auditions est qu'il faudra continuer à améliorer sa mise en œuvre. Ce dispositif doit continuer à être fiabilisé afin de pleinement pouvoir exploiter son succès.

Pour lutter contre la fraude, qui consiste notamment à usurper des identités de demandeurs ou d'entreprises, des contrôles renforcés ont été mis en œuvre par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), avec toutefois des délais qui ont pu être allongés en conséquence. Je souhaite, Madame la ministre, pouvoir vous interroger sur la manière dont vous percevez ces efforts de lutte contre la fraude, mais aussi de simplification et de raccourcissement nécessaire des délais pour les entreprises et les ménages. Il faudra pouvoir poursuivre cette simplification et améliorer cet accompagnement.

Il faut noter plusieurs évolutions très positives ces derniers mois en la matière. Mon collègue Emmanuel Lacresse et moi-même nous félicitons du lancement de France Rénov', qui permet la mise en place d'un véritable service public de la rénovation de l'habitat, offrant une couverture nationale avec 554 espaces-conseils, ainsi que de Mon Accompagnateur Rénov', depuis le 1er janvier 2023. Ce dispositif permet de fournir aux ménages des conseils sur le diagnostic préalable aux travaux et sur le plan de financement, et ainsi de les aider dans ces procédures. À ce titre, je crois que le soutien aux dispositifs d'accompagnement, et en particulier à Mon Accompagnateur Rénov', devra faire partie des priorités pour les années à venir.

Il faudra enfin prioriser le ciblage de MaPrimeRénov' en 2022. Sur les 670 000 rénovations aidées, 10 % peuvent être considérées comme des rénovations globales. Il faudra sans aucun doute inciter davantage les ménages à s'orienter vers des rénovations globales multigestes. Mon Accompagnateur Rénov' jouera son rôle, mais il faudra peut-être aussi modifier les paramètres de MaPrimeRénov' pour la rendre plus incitative. Quelles sont les orientations à l'étude en ce sens ? Par ailleurs, il est apparu lors des auditions que MaPrimeRénov' est un outil indispensable, mais pas pour autant un outil suffisant. Il faudra aussi développer de nouveaux outils, avec une nouvelle logique, pour affronter ce changement d'échelle.

MaPrimeRénov' cible en effet les ménages très modestes et modestes, qui représentent 84 % du montant total des primes accordées. Cela traduit un objectif social important pour une telle aide budgétaire, ce qui constitue d'ailleurs un net progrès par rapport au CITE, mais il en découle aussi que de nombreuses classes moyennes n'ont pas forcément les moyens de financer la rénovation et les travaux auxquels elles doivent faire face. Il convient de changer de logique, ou en tout cas de prévoir une logique supplémentaire. L'État ne peut pas tout payer, mais les ménages ne peuvent pas tout avancer.

Il convient donc de mobiliser des instruments financiers innovants pour avoir des aides budgétaires. Parmi les propositions de notre rapport figurera la possibilité de généraliser le prêt avance rénovation, en supprimant par exemple le plafond de ressources qui le prive aujourd'hui d'une part de son effectivité. Le prêt avance rénovation délivré par les banques permet de rénover son logement et de n'avoir à rembourser ni le montant principal ni les intérêts, jusqu'à la revente de son logement, donc au moment de sa mutation (revente ou succession).

En outre, MaPrimeRénov' est avant tout conçue comme une aide pour la rénovation du logement individuel et elle reste aujourd'hui peu utilisée dans les copropriétés et dans les milieux urbains denses.

Il conviendra bien sûr de simplifier les modalités de décision au niveau de la copropriété. Je sais que le gouvernement travaille à cette question. Le ministre Olivier Klein y a souvent fait référence, mais il faudra aussi, selon nous, mettre en œuvre dans les prochaines années une planification territoriale, quartier par quartier, qui organise la rénovation en la pensant avec la décarbonation et l'adaptation au changement climatique. Plusieurs outils budgétaires peuvent y contribuer. Cela peut notamment être le cas au niveau des grandes propriétés problématiques. Un « fonds tours » pourrait être constitué sur le modèle du fonds pour le recyclage des friches. Cette démarche peut aussi être envisagée au niveau du quartier. La réussite obtenue autour du plan « Action Cœur de Ville », en réunissant différents financeurs et acteurs, pourrait aussi nous inspirer pour la rénovation et la construction des quartiers verts.

Enfin, face à l'ampleur de l'enjeu et à la nécessité de structurer une filière, d'assurer l'existence d'instruments adaptés à la diversité des ménages et des territoires, une programmation pluriannuelle des aides à la rénovation énergétique nous semblerait utile pour donner de la visibilité aux ménages comme aux acteurs professionnels. Là aussi, Madame la ministre, nous souhaitions vous interroger sur la manière dont vous envisagiez les choses, notamment dans le cadre des travaux que vous conduirez sur la loi de programmation énergie-climat.

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