Le thème que nous avons retenu, Joël Giraud et moi, porte sur l'investissement du bloc communal face à la crise, et plus particulièrement sur un dispositif qui aide à la revitalisation des communes de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralité, le programme Petites villes de demain.
La crise énergétique et l'inflation qu'elle a engendrée apparaissent en effet comme une préoccupation majeure des communes et des intercommunalités lors de ces derniers mois. Je tiens à rappeler que les communes sont bien plus exposées à la hausse du coût de l'énergie que les autres collectivités, puisque 4 % de leurs dépenses réelles de fonctionnement (DRF) sont concernées par les dépenses d'énergie.
Bien qu'elles bénéficient de l'indexation sur l'inflation des bases fiscales, nous avons néanmoins pu constater à quel point les communes, notamment en montagne, pâtissent de l'inflation des prix de l'énergie, les poussant par exemple à fermer temporairement certains équipements publics comme les salles des fêtes, les piscines ou les gymnases.
La hausse des dépenses de fonctionnement des communes a eu une incidence sur leurs investissements : nombre d'entre elles ont ainsi reporté voire suspendu certains de leurs projets, par manque de visibilité, par crainte ou par manque de moyens. Le niveau des dépenses d'investissement du bloc communal se hisse toutefois en 2022 à 36 milliards d'euros, légèrement en-dessous de celui de 2019 (36,4 milliards d'euros). Cependant, du fait de l'inflation, le niveau d'investissement est en légère contraction, ce qui doit attirer notre attention sur les dispositions que nous pourrions prendre pour le soutenir.
Face à cette crise, il faut saluer la réactivité et l'ambition de la réponse de l'État qui a, dès 2022, mis en place une série de mesures de soutien pour les communes face à cette crise :
– la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ;
– le bouclier tarifaire permettant de plafonner les dépenses d'électricité des collectivités territoriales :
– l'amortisseur électricité ;
– le filet de sécurité.
De nombreuses communes nous ont toutefois fait part d'importantes difficultés concernant l'explosion de leurs dépenses de gaz, sans qu'elles ne puissent prétendre au dispositif du filet de sécurité. Il serait pertinent de pouvoir aider certaines communes en la matière.
L'aide de l'État a été réelle et ne s'est d'ailleurs pas arrêtée à ces mesures de protection face à la crise. L'État a également cherché à soutenir l'investissement des communes, en renforçant des lignes classiques et en créant le nouveau dispositif du fonds vert. Ce soutien s'est matérialisé dans la loi de finances pour 2023 par une hausse significative de 320 millions de la DGF communale, permettant à 90 % des communes de voir leur dotation progresser. De plus, les dotations d'investissement (DETR, DSIL, DPV, DSID) ont à nouveau été maintenues au-dessus de 2 milliards d'euros. Enfin, le fonds vert doté de 2 milliards d'euros, semble déjà être un véritable succès.
Je regrette néanmoins qu'une partie de celui-ci soit orientée vers des investissements intrinsèquement rentables, notamment l'éclairage public, ce qui pénalise des investissements nécessaires pour la transition écologique mais peu attractifs d'un point de vue financier. À ce propos, Madame la ministre, il serait intéressant de réalimenter le fonds vert à l'avenir et de modifier les priorités retenues dans son cadre pour son déploiement futur.
Ces éléments font partie de nos conclusions, au même titre que la réintégration dans les fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) des dépenses d'aménagement de terrain, qui est une mesure demandée par les collectivités, ou le maintien de l'effort au profit de la DGF du bloc communal, qui pourrait s'élever au même niveau que l'année dernière, voire au-delà. Un investissement important dans la transition écologique est primordial, tant les besoins semblent immenses, notamment en matière de rénovation thermique des bâtiments publics. L'Institut de l'économie pour le climat estimait en 2022 que les besoins de financement étaient au minimum de l'ordre de 3 milliards d'euros.
Le second aspect de notre rapport d'évaluation concerne le programme Petites villes de demain (PVD), qui aborde un grand nombre de thèmes, comme la revitalisation des centres bourgs ou la politique de l'habitat. Outre les auditions que nous avons menées, nous nous sommes rendus dans la Nièvre, dans l'Allier et en Savoie pour mesurer l'efficacité du programme. Je dois dire avant toute chose que les élus locaux rencontrés ont plébiscité le programme PVD. Celui-ci achève sa première phase d'ingénierie, les accords-cadres sont en cours de signature et la phase d'investissement débute.
Lancé en 2020 et doté de 3 milliards d'euros, le programme PVD concerne aujourd'hui 1 644 communes et s'est révélé être un véritable outil de soutien à l'ingénierie locale. Le financement d'un chef de projet à 75 % par l'ANCT, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et la Banque des territoires a indéniablement beaucoup apporté à ces communes PVD, qui sont, pour les trois-quarts d'entre elles, rurales. À la fin de l'année 2022, 888 millions d'euros de crédit avaient été engagés.
Nous avons également rencontré plusieurs chefs de projet au cœur de la mise en place des investissements des communes PVD. Il s'agit de personnes volontaires et dynamiques dont je souhaite saluer ici l'engagement. Ceux-ci sont d'ailleurs parfois accompagnés de managers de commerces ou de volontaires territoriaux en administration (VTA) avec qui ils forment des équipes efficaces. Ils sont l'ossature du programme PVD : ils réalisent les projets à côté des élus, accomplissent des démarches administratives parfois complexes et permettent de capter des financements au bénéfice des communes.
Si des difficultés de recrutement ont pu être rencontrées au lancement du programme, celles-ci semblent à présent s'estomper. Nous avons aussi pu constater l'effet positif de PVD sur les territoires. Le programme a permis l'élaboration de véritables projets de territoire associant les élus, les acteurs économiques, la population, les services de l'État et les diverses strates de collectivités. Il interagit également avec d'autres dispositifs comme les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), les plans climat air énergie territorial (PCAET) ou les opérations de revitalisation de territoire (ORT).
Je tiens également à souligner l'implication des directions départementales du territoire (DDT) et des services préfectoraux qui animent le réseau PVD et permettent le partage de bonnes pratiques au niveau national. Ainsi, certaines communes PVD autrefois isolées se trouvent enrichies d'une expertise et de moyens d'envergure. Enfin, nous avons constaté que le programme PVD constitue une véritable image de marque pour les communes engagées. Il a souvent remplacé utilement des initiatives locales préexistantes en permettant de porter un projet transversal et cohérent qui touche toutes les problématiques locales. Les investisseurs, les chargés de projet comme les communes elles-mêmes bénéficient de cette image reconnue au niveau national.
Nous sommes actuellement à un moment charnière du programme PVD avec le début de la phase opérationnelle et la sortie des premiers investissements. Vous le savez comme moi, Madame la ministre, il s'agit d'un moment délicat, qui suscite certaines inquiétudes de la part des communes. Je remercie à ce titre le maire d'Entrelacs qui a été le premier à m'alerter sur ces craintes.
En effet, si l'apport financier de l'État est manifeste et salué pour la phase d'ingénierie, il n'existe pas de financements spécifiques dédiés aux projets eux-mêmes. Les communes PVD qui ont bâti des projets ambitieux pour leur territoire craignent donc maintenant de ne pas pouvoir engager concrètement leurs projets.
L'ANCT nous a indiqué qu'il n'existe aucune inquiétude majeure sur les volumes et capacités de financement à mobiliser. Toutefois, si les communes PVD bénéficient d'une priorité dans les financements, elles ont peu de visibilité sur ces dotations qui sont octroyées chaque année. Sans créer une dotation spécifique, que penseriez-vous, Madame la ministre, d'une forme de sécurisation des financements dirigés vers les communes PVD qui pourrait se matérialiser par une pluriannualité des engagements budgétaires à leur bénéfice ?
Je tiens également à faire remarquer que cette priorité de financement pour les communes PVD tend également à faire naître des craintes auprès des communes qui ne sont pas membres du programme. Une autre difficulté du programme rapportée par les élus locaux est sa relative complexité : la multiplicité d'acteurs publics peut en effet induire un manque de visibilité des différents outils mis à disposition. Cette complexité s'applique également aux recherches de financement, qui peuvent représenter un travail à part entière, pénalisant parfois le travail d'animation et de développement des chefs de projet.
Malgré ces interrogations légitimes, je veux en conclusion saluer à nouveau le programme PVD. Il revitalise des collectivités et contribue à créer une culture d'ingénierie au cœur de nos territoires. Dès lors, quel sera l'avenir de ce programme, qui a fait émerger des expertises locales ? Nous pensons qu'il serait dommage que les collectivités perdent en 2026 ce qu'elles ont bâti depuis 2020. Dans le même temps, nous comprenons que c'est parce qu'il est inscrit dans un temps court que le programme est efficace. Vous avez enfin évoqué la possibilité de descendre à une maille inférieure.
Nos principales recommandations consisteraient à ce stade à rendre pluriannuel le financement concernant le programme PVD, à assurer un soutien à l'ingénierie jusqu'à la phase d'avant-projet définitif, à renforcer la visibilité des différents acteurs et à poursuivre la simplification administrative et l'assistance aux communes sur ce point.