Je suis très heureuse d'être avec vous cet après-midi pour ce temps parlementaire devenu incontournable en matière de contrôle et d'évaluation de la politique menée par le gouvernement. Cette audition constitue indéniablement un temps fort de l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement. Elle est l'occasion pour notre ministère de vous présenter l'exécution budgétaire 2022 de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT), et de tracer quelques perspectives financières plus large sur la situation financière des collectivités territoriales.
En premier lieu, l'exécution budgétaire de la mission RCT est maîtrisée et conforme à l'autorisation budgétaire confiée par le Parlement en lois de finances initiale et rectificative. En effet, la consommation annuelle des crédits est quasiment intégrale et les sous-consommations et reports de crédits observés sont aisément explicables.
La mission Relations avec les collectivités territoriales est composée de deux programmes budgétaires ayant vocation à soutenir l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales. Le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements porte sur les dotations de soutien à l'investissement local, les dotations générales de décentralisation, plusieurs dotations particulières (dotation biodiversité, dotation titres sécurisés) et des crédits spécifiquement dédiés à certains territoires (volet « écoles » du plan « Marseille en grand », dotation exceptionnelle d'investissement au département de la Seine-Saint-Denis).
Le programme 122 Concours spécifiques et administration concerne notamment la dotation « calamités publiques » (DSEC), les crédits liés aux travaux de reconstruction après la tempête Alex (fonds de reconstruction exceptionnel) et les subventions exceptionnelles aux collectivités en difficulté financière.
À travers cette mission RCT, l'État poursuit trois objectifs principaux :
– accompagner l'investissement local, notamment dans les territoires les plus fragiles, en milieu rural comme dans les quartiers de la politique de la ville ;
– attribuer des ressources, notamment de fonctionnement, aux collectivités territoriales, qui permettent notamment de soutenir les territoires les plus fragiles ou en difficulté, à travers la DSEC, l'aide d'urgence ou la dotation titres sécurisés (DTS) ;
– compenser les charges transférées aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation ou les pertes de produit fiscal induites par les réformes des impôts locaux.
Le principal programme de la mission, le programme 119, représente près de 95 % des crédits de la mission. La consommation 2022 s'est établie à 4,43 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une baisse de 70 millions par rapport à l'exécution 2021 et de 227 millions par rapport aux ouvertures de crédits votés. Cette baisse des engagements s'explique toutefois aisément pour deux raisons principales :
– l'extinction de dispositifs exceptionnels ou liés à la crise sanitaire, comme la fin de la dotation de soutien à l'investissement (DSIL) exceptionnelle ou encore du fonds d'urgence en faveur des départements (689 millions d'euros) ;
– plusieurs reports de crédits sur 2023 pour quelques projets, dont le portage gouvernemental ne fait aucun doute, à l'instar du Plan « Marseille en grand » et du plan pour la Seine-Saint-Denis notamment, à la demande des collectivités territoriales et des préfectures concernées (283 millions en AE).
Il convient enfin d'évoquer l'absence de dégel en fin d'année des AE des dotations d'investissement.
Je tiens par ailleurs à souligner que le niveau d'engagement des dotations d'investissement classiques, comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la DSIL, la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) a quant à lui progressé de 300 millions d'euros par rapport à 2021. Le taux d'engagement par les préfectures frôle 100 %.
Les dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales représentent ainsi un levier puissant d'accélération et d'orientation de l'investissement local. En 2022, l'État a ainsi accordé 2,2 milliards d'euros de subventions aux collectivités locales, permettant de soutenir plus de 28 000 projets d'investissement, pour une dépense d'investissement totale de 8,9 milliards. L'effet de levier est ainsi très élevé et se chiffre à près de 4 : un euro investi par l'État génère quatre euros d'investissement dans les territoires.
Je me félicite également que la transition écologique des territoires reste la priorité de ces dotations : en 2022, près du tiers des projets subventionnés au titre de la DETR et de la DSIL concourent à la transition écologique, soit une progression de cinq points par rapport à 2021.
Cependant, les dotations classiques sont polyvalentes et ont vocation à financer de nombreuses politiques publiques : rénovation thermique des bâtiments publics ; création de services publics locaux ; mise en accessibilité des bâtiments publics ; accès aux soins (maisons de santé) ; mobilités ; entretien des réseaux d'eau et d'assainissement ; préservation du patrimoine ; équipements sportifs.
Enfin, le soutien de l'État est ciblé sur les zones les plus fragiles, notamment les quartiers prioritaires de la ville et les communes rurales : en 2022, la DETR a permis de soutenir 22 000 projets dans les territoires ruraux, dont les deux-tiers sont portés par des communes de moins de 2 000 habitants.
Le taux de consommation des crédits de paiement (CP) du programme 119 est marqué par un certain ralentissement de l'exécution des projets d'investissement financés par les dotations d'investissement, en particulier sur la DSIL exceptionnelle de France Relance. Cette diminution s'effectue principalement sous l'effet de deux éléments. Il s'agit d'une part de la conjoncture économique : le contexte inflationniste renchérit les projets et en fragilise certains. Le manque de matières premières et de main d'œuvre a également généré des retards d'exécution des travaux. D'autre part, il faut relever des retards et abandons de projets du fait des collectivités elles-mêmes, notamment pour traduire de nouvelles priorités politiques à l'issue des élections municipales du printemps 2020. Tous les crédits non consommés ont été toutefois intégralement reportés en 2022 : aucun n'a été annulé.
Le second programme de la mission, le programme 122, est dédié notamment aux dotations exceptionnelles. La consommation était ici de 329 millions d'euros en AE et de 270 millions en CP en 2022, soit une augmentation de 11 % en AE et de 34 % en CP par rapport à 2021. Cette augmentation s'explique notamment par une plus forte consommation des crédits des fonds mobilisés à la suite de la tempête Alex, ainsi que par des aides exceptionnelles versées pour les communes forestières qui rencontraient des difficultés dans la gestion de la crise des scolytes.
En second lieu, je souhaite profiter de ce moment pour partager avec vous les premiers éléments sur la situation financière des bénéficiaires de cette mission budgétaire, c'est-à-dire les collectivités territoriales elles-mêmes. La situation financière des collectivités territoriales est maîtrisée au 1er janvier 2023.
Ainsi, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ont connu une hausse de 21 % de leur épargne brute (38,6 milliards d'euros) et de 33 % de leur épargne nette depuis 2017 (24,2 milliards), pour un niveau de trésorerie élevée et en hausse (+ 38 % par rapport à 2017, soit 57 milliards). Ensuite, l'encours de dette est maîtrisé et le ratio de désendettement est de 4 ans, loin des seuils d'alerte compris entre 10 et 12 ans.
Cette bonne situation financière résulte de trois facteurs principaux :
– la capacité des collectivités locales à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement pour faire face aux crises ;
– le dynamisme de leurs recettes fiscales (taxes foncières, impôts économiques), dont l'assiette est insensible aux effets de la conjoncture économique ;
– le soutien continu de l'État depuis 2017 (plan de relance, fonds vert de 2 milliards d'euros, filet de sécurité, amortisseur et bouclier tarifaire).
Cette bonne situation des finances locales sera amplifiée en 2023 avec une dotation globale de fonctionnement (DGF) en augmentation de près de 230 millions d'euros, soit une hausse exceptionnelle, qui n'était pas intervenue depuis 13 ans. En 2023, 90 % des communes ont vu leur DGF augmenter, contre seulement 50 % en 2022. L'accroissement de la DGF est le levier le plus efficace pour donner des moyens de fonctionnement aux collectivités, en plus des moyens en investissement, et pour réduire les inégalités territoriales, cause à laquelle je suis, comme vous le savez, particulièrement attachée.
Malgré cette situation globalement positive, je n'oublie pas la situation des 4 800 communes qui avaient en 2022 une épargne nette négative et qui sont donc contraintes de financer tous leurs investissements par de la dette nouvelle ou des subventions. Dans le contexte actuel, caractérisé, d'une part, par de fortes incertitudes économiques et, d'autre part, par un besoin d'investissement massif en faveur de la transition écologique et énergétique, je vous confirme que le gouvernement s'engage résolument à poursuivre et à amplifier son soutien auprès des collectivités.
J'espère que ce tableau, que vous ne manquerez pas de compléter, vous a permis de percevoir une bonne image de l'exécution financière en 2022 de la mission RCT et de la situation financière des collectivités territoriales début 2023.