Je ne suis pas sûr qu'il faille demander aux communes de contribuer davantage, car les plus petites sont déjà, en proportion, les plus sollicitées, alors même que leurs moyens sont très limités. En revanche, on pourrait imaginer que les intercommunalités, qui ont davantage de recettes, soient au rendez-vous. C'est le cas pour les métropoles, qui exercent une partie des compétences des Sdis.
Les régions pourraient participer davantage elles aussi, dans la mesure où elles sont chargées du tourisme et du développement économique, domaines pour lesquels les feux de l'été dernier ont été désastreux, notamment dans les Landes et en Gironde. Elles jouent également un rôle important en matière d'aménagement du territoire et de transition écologique – certaines ont produit des plans très élaborés en la matière. Or le lien entre le réchauffement climatique et les incendies est évident. Je salue le président de la région Nouvelle-Aquitaine, qui s'est dit prêt à contribuer à des transitions de grande ampleur dans le cadre des compétences régionales. L'an dernier, plusieurs feux se sont déclenchés à proximité des lignes de train express régional en raison de la combinaison de la chaleur, d'un manque de débroussaillage et de la vétusté du réseau. Je suis sûr que de nombreuses régions souhaitent avancer en matière de lutte contre les incendies, y compris à travers une contribution volontaire.
En ce qui concerne la flotte aérienne, nous avons trois problèmes, qui tiennent à la vétusté des appareils, à leur nombre et à la capacité d'en produire.
Pour remédier à la vétusté, nous renouvelons la flotte, notamment celle d'hélicoptères. Nous en avons commandé trente-six à Airbus ; ils seront opérationnels dès 2024. Les capacités de bombardement d'eau et de surveillance augmentent au fil du temps. Le renouvellement de la flotte améliore donc la sécurité des équipages, qui interviennent dans des conditions très difficiles – le vent, par exemple, est une des principales sources de risque – et augmente les capacités de largage.
Il existe deux catégories d'avion : les appareils de reconnaissance et ceux de largage, du type Canadair, tout en sachant que certains avions de reconnaissance transportent également du retardant, ce qui permet donc une action immédiate. En Australie et aux États-Unis notamment, on a vu intervenir des gros avions associant de la sorte reconnaissance et largage de produits. Nous nous sommes demandé si nous devions faire pareil.
Nous travaillons avec plusieurs constructeurs d'avions assez connus pour essayer d'utiliser pour la reconnaissance des avions n'ayant pas été conçus dans ce but. L'enjeu n'est pas tant de larguer de l'eau que de repérer très rapidement les feux : plus vite on identifie un incendie, moins on a besoin d'eau pour l'éteindre.
Une partie de la flotte aérienne pourrait aussi être remplacée par des drones militaires – d'où le lien avec l'opération Héphaïstos, dans sa nouvelle version. En effet, contrairement aux avions de reconnaissance et aux hélicoptères, ces drones peuvent voler la nuit, ce qui permet de voir l'intensité du feu et de déterminer la manière et le lieu où il convient d'intervenir.
En matière de reconnaissance, le nombre d'appareils n'est donc pas le seul critère : ceux dont nous disposerons seront plus rapides, plus efficaces, dotés de technologies plus avancées, et des drones pourront venir s'y ajouter.
S'agissant du largage, la difficulté tient au fait qu'il faut commencer par construire en Europe une usine qui produira des Canadair, ce qui est en cours. Tous les pays européens sont confrontés au même problème. Nous aurons donc un nombre limité de Canadair pendant un certain temps, mais il est prévu de l'augmenter. Vous avez voté la trajectoire financière permettant de les acquérir dans le cadre de la Lopmi. Si d'autres pays sont capables de produire des avions bombardiers d'eau avant l'achèvement de l'usine en question, nous les achèterons bien volontiers.
Entre-temps, nous devons louer des appareils, notamment des hélicoptères. Cela ne me choque pas. Vous dites que le coût de la location est important. La comparaison n'a pas été menée pour l'été dernier, mais si nous faisions le calcul, le coût de la location ne serait sans doute pas très différent de celui de l'achat, car lorsqu'on loue un appareil, on n'en assure pas la maintenance. Or, dans ce domaine, non seulement il n'est pas facile de trouver des techniciens – vous l'avez dit, les postes budgétés ne sont pas toujours pourvus – mais leurs services se paient très cher la nuit lorsqu'il s'agit d'employés de sociétés privées. S'il convient donc de travailler sur l'attractivité du métier et d'augmenter les rémunérations, la location d'appareils peut aussi se révéler un bon « deal ». C'est ce que nous faisons l'hiver pour assurer la protection dans les montagnes : en plus des hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile, nous louons aussi, parfois, des appareils de reconnaissance. Le personnel des sociétés en question paie d'ailleurs le prix de son héroïsme : l'hélicoptère qui s'est écrasé en montagne il y a deux ans avait été loué et, outre les CRS, les personnes qui se trouvaient à bord et ont trouvé la mort dans l'accident étaient des employés de la compagnie privée.
Il n'y a pas de contradiction à considérer que le réchauffement climatique est responsable d'une partie de la situation et à constater que le comportement humain explique les départs de feu : les deux phénomènes se conjuguent. Il faut à la fois entretenir la forêt, consacrer des moyens très importants à la transition de notre modèle de sécurité civile pour répondre aux calamités supplémentaires auxquelles nous serons confrontés, et faire davantage de prévention.
Je vous donnerai quelques exemples tout bêtes. Tous les pompiers vous diront que la suppression des cendriers dans les voitures pose d'énormes problèmes de sécurité civile. De même, les barbecues en forêt et le défaut de débroussaillement sont responsables d'une grande partie des feux. Moi non plus je ne suis pas en mesure de distinguer ce qui relève de l'activité criminelle et ce qui relève de l'incendie involontaire, mais quand une trentaine de départs de feux se produisent dans le même massif au même moment, on se doute bien, même si l'on ne trouve pas le responsable, qu'il ne s'agit pas là d'événements purement accidentels.
Notre modèle de sécurité civile a tout de même fait la preuve de sa résilience. On peut le critiquer tant qu'on veut, et oui, les mégafeux sont une catastrophe écologique, mais nous n'avons pas à déplorer le moindre mort, contrairement à ce qui s'est passé chez tous nos voisins européens – alors que des vacanciers avaient été entourés par les flammes, notamment en Gironde et dans les Landes. Moins d'une quinzaine de maisons ont été détruites, toutes les entreprises et exploitations agricoles ont été dédommagées. Grâce aux agriculteurs et aux collectivités locales, nous avons su faire face à la situation. Il est vrai que des difficultés importantes doivent être résolues et que nous devons opérer une transition, mais si nous nous comparons, nous pouvons être très fiers de notre modèle et de l'héroïsme des pompiers et du personnel navigant.