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Intervention de Florian Chauche

Réunion du mardi 23 mai 2023 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorian Chauche, rapporteur spécial :

Pour commencer, je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui m'ont accordé du temps lors des auditions et visites que j'ai menées dans le cadre de ce rapport d'évaluation.

J'ai pu m'appuyer sur le rapport de l'Inspection générale de l'administration d'octobre 2022 et sur l'audition de ses auteurs. Ce document présente l'avantage d'analyser dans la durée l'évolution des dépenses des Sdis, de leurs interventions et de leurs modes de financement. J'ai bien évidemment rencontré les organisations syndicales des Sdis, dont je salue l'engagement et que je remercie pour la qualité de nos échanges ainsi que pour leur franc-parler. Je remercie les préfets du Var et des Vosges qui ont partagé avec moi leur expérience en matière de gestion de crise. La comparaison entre deux départements inégalement confrontés à des incendies était intéressante.

Puisqu'il était question du financement des Sdis et de son adéquation au changement climatique, j'ai auditionné des chercheurs de l'Institut de l'économie pour le climat. Il était aussi indispensable d'entendre les représentants de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France, qui sont les premiers financeurs des Sdis. Je tiens à remercier aussi la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, ainsi que les personnels et les représentants syndicaux de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes, dont la visite a été particulièrement instructive.

Je souhaite, enfin, avoir un mot pour les personnels de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers et de l'Entente Valabre, où j'ai pu mesurer le professionnalisme et le degré de compétence de nos forces de sécurité civile. La France dispose d'un pôle d'excellence que beaucoup de pays lui envient en matière de formation et de préparation aux incendies et à la gestion de crise.

Si j'ai choisi cette thématique, c'est parce que j'ai été frappé, lors de l'examen du projet de loi de finances, de voir à quel point la sécurité civile était un sujet transpartisan. Tous les groupes politiques avaient déposé des amendements au PLF sur l'exonération de malus écologique et le tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). De nombreux groupes avaient également déposé des amendements pour faire évoluer la fraction de TSCA dédiée au financement des Sdis. Nous sommes nombreux sur ces bancs à vouloir offrir à nos Sdis des moyens supplémentaires et je regrette que le Gouvernement, en faisant un usage répété de l'article 49.3 lors de l'examen du projet de loi de finances, nous ait empêché d'en débattre. Je crois sincèrement qu'il aurait été possible de trouver un accord, et que c'est toujours le cas. Nous l'avons d'ailleurs constaté la semaine dernière, lors de l'examen de la proposition de loi relative à la lutte contre le risque incendie, où nous avons voté à la quasi-unanimité pour l'exonération de malus écologique pour nos Sdis et pour un tarif réduit de TICPE, ainsi que pour rejeter les amendements de suppression du Gouvernement sur ces sujets.

Notre modèle fait face à deux problèmes majeurs : d'une part, une sursollicitation de nos sapeurs-pompiers dans le domaine sanitaire et, d'autre part, le défi climatique, qui va induire une forte augmentation des crises et de leur intensité, et face auquel nous sommes insuffisamment préparés. Entre 2002 et 2021, le nombre d'interventions réalisées par nos sapeurs-pompiers est passé de 3,6 à 4,7 millions, mais seules les interventions de secours aux personnes ont augmenté ; elles représentent désormais plus de 80 % du total. Cela n'est pas sans conséquences : les Sdis ont logiquement investi prioritairement dans des véhicules de secours et d'assistance aux victimes, au détriment des véhicules d'intervention et de lutte contre les incendies, comme les camions-citernes feux de forêt (CCF).

Surtout, près de 20 % des interventions des Sdis ne relèvent pas de leur mission. Je pense aux fameuses carences ambulancières ou aux activités d'aide à la personne. Cela pose un certain nombre de problèmes. Le premier est d'ordre financier, puisque l'indemnisation des carences ambulancières ne couvre pas le coût réel de l'intervention et que le nombre de carences indemnisé est encore trop faible. Le deuxième est d'ordre opérationnel : il arrive souvent que les pompiers doivent attendre plusieurs heures une prise en charge dans un hôpital, ce qui n'est pas acceptable.

Tout cela entraîne une perte de sens pour de nombreux sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels, des difficultés de recrutement et de nombreuses démissions, ce qui est inédit. Les volontaires ont aussi tendance à s'engager pour une durée plus courte. Soit dit en passant, les exonérations de cotisations patronales n'y changeront rien : si vous souhaitez recruter 25 000 sapeurs-pompiers supplémentaires, Monsieur le ministre, il va falloir prendre des mesures pour les recentrer sur leur cœur de mission et redonner ainsi du sens à leur engagement. La loi Matras a certes apporté des avancées mais vous devez poursuivre ce travail avec le ministère de la santé.

J'en viens au changement climatique. Il est inutile de détailler ses conséquences pour nos forces de sécurité civile. Les événements récents ont montré à quel point le risque s'est étendu géographiquement et à quel point il s'est intensifié. Les épisodes de grêle, l'été dernier, et d'inondations en ce moment dans l'Allier témoignent également de l'accroissement des événements climatiques extrêmes, auxquels nous devons nous préparer. Or, force est de constater que nous ne sommes pas prêts à faire face aux conséquences du changement climatique. Le nombre de camions-citernes feux de forêt, qui sont un outil de base dans la lutte contre les incendies, est passé de 5 117 en 2002 à 3 143 en 2020. Et ce matériel moins nombreux est aussi en moins bon état, puisque le taux de vétusté du matériel mobile d'incendie est passé de 51 % en 2011 à 61 % en 2021.

La mise en place des pactes capacitaires est bienvenue et je la salue, mais elle ne permettra pas de rattraper le retard accumulé. Le coût de ces engins a par ailleurs explosé et il faut désormais compter deux ans entre la commande et la livraison. Nos Sdis vont devoir faire des efforts d'investissement énormes et ceux-ci ne seront pas répartis équitablement, car 40 % du parc national des CCF est regroupé dans seulement seize départements. Si les départements du pourtour méditerranéen, historiquement confrontés au risque incendie, sont relativement bien armés et préparés, d'autres territoires ont tout à faire : acheter du matériel, former leurs sapeurs-pompiers et sensibiliser la population.

S'agissant des moyens aériens de l'État, je regrette que les recommandations de la mission interministérielle de 2010 n'aient pas été suivies. Nous aurions dû et pu adapter le dimensionnement de notre flotte aérienne à l'extension du risque incendie. Au lieu de cela, on a attendu au maximum avant de remplacer les Tracker et on se retrouve, pour l'été 2023, avec une flotte aérienne en moyens propres de douze Canadair, huit Dash et trois Beechcraft, une flotte quantitativement identique à celle des années 1990, alors même que le risque a augmenté, que la durée des feux s'est allongée et que le territoire à défendre s'est étendu. Nous voilà donc contraints de procéder à des locations onéreuses, que nous aurions pu éviter en anticipant.

Vous l'aurez compris, je suis convaincu que nous devons augmenter significativement les moyens alloués à nos Sdis et j'ai des propositions à vous faire en ce sens.

Je crois, premièrement, qu'il convient d'augmenter le taux de la TSCA pour dégager des moyens supplémentaires pour les Sdis. Afin de ne pas faire peser cette hausse indistinctement sur l'ensemble de nos concitoyens, il serait judicieux de moduler le taux en fonction du coût d'achat des véhicules. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, l'idée d'un mécanisme de péréquation. Ne pourrait-on pas envisager de consacrer une partie de l'augmentation de la TSCA à un fonds de solidarité et d'investissements au profit de nos Sdis les moins bien dotés ? Surtout, l'utilisation de cette ressource pose un problème de lisibilité, puisque les Sdis pensent que les départements ne la leur reversent pas intégralement. Il faut mettre fin à cette opacité et faciliter l'accès à l'information, afin de ne pas alimenter ces fantasmes.

Le fait que la contribution des communes soit plafonnée à l'évolution de l'inflation pose également des problèmes. En Gironde, par exemple, la forte augmentation de la population entraîne un accroissement des interventions du Sdis, à moyens constants. Je connais les difficultés financières des communes et je ne dis pas qu'elles ne contribuent pas assez au financement des Sdis, mais il me paraîtrait judicieux de relever le taux plafond de la taxe de séjour sur les hébergements luxueux, afin de faire contribuer ceux qui en ont les moyens et qui, par ailleurs, contribuent le plus fortement au changement climatique. Ainsi, les communes qui le souhaitent pourraient dégager des moyens supplémentaires pour le financement des Sdis.

Enfin, le rapport de l'IGA souligne que les ressources qui financent les Sdis sont sans lien direct avec l'activité des sapeurs-pompiers. Les pompiers le réclament depuis longtemps. Il est temps de réfléchir à une contribution directe de la part des compagnies d'assurances. Ces dernières en ont les moyens ; elles réalisent des bénéfices importants, notamment grâce à l'action des sapeurs-pompiers, qui protègent les personnes et les biens.

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