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Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 23 mai 2023 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre :

Les difficultés datent pour l'essentiel des années du covid. Pendant deux ans, les gens n'ont pas renouvelé leurs titres : ils ne pouvaient pas voyager, voire sortir de chez eux, et de nombreux guichets des collectivités locales et de l'État avaient fermé.

Les titres d'identité étant valables dix ans, il a donc fallu renouveler trois fois plus de titres que les 10 % habituels depuis la fin de la crise du covid, soit depuis un an et demi – et encore faut-il tenir compte du développement du télétravail et des difficultés d'accès à certains services publics, dont certains ne sont revenus que très récemment à un accès physique intégral. De surcroît, la reprise a coïncidé avec les départs en vacances d'été.

C'est vrai, il y a des gens qui attendent depuis cinq ou six mois des pièces d'identité. Je suis le premier à le déplorer et à considérer que ce service public n'est pas rendu d'une manière normale et que nous devons son rétablissement aux Français. Nous faisons tout pour cela. Il y a aussi des gens qui déposent leur demande au dernier moment, alors même qu'ils ont leurs documents de voyage, et qui n'obtiennent pas satisfaction aussi rapidement qu'auparavant parce que nous faisons passer avant eux les gens qui attendent depuis un certain temps.

Il est exact que le temps d'attente est bien plus long dans certains territoires, la région nantaise par exemple, que dans d'autres. J'aimerais quand même rappeler que cette situation exceptionnelle se produit dans quasiment tous les pays du monde, sauf bien sûr ceux où la carte d'identité n'existe pas, tels le Royaume-Uni. Pour les passeports, la difficulté est accrue par le fait qu'il en existe plusieurs types.

Aurions-nous pu anticiper cette crise consécutive aux années covid ? Sans doute. Je n'étais pas en responsabilité lors de la crise aiguë du covid, mais j'admets sans réserves que nous aurions pu l'anticiper. Le Gouvernement essaie de rattraper le temps perdu, en lien avec les collectivités locales.

Pourquoi certaines communes sont-elles plus efficaces que d'autres ? La première raison est toute bête : certaines ont la fibre optique, d'autres non. Lorsque nous déployons des DR dans des communes qui n'ont pas la fibre, notre difficulté principale est de convaincre notamment le gestionnaire Orange – c'est ce que fait la ministre Dominique Faure – de l'installer. Le premier problème est donc l'accès à un bon débit internet.

Le deuxième, ce sont les horaires. Je constate parfois que certaines collectivités locales refusent d'étendre les horaires d'accueil. Or les gens qui demandent un titre d'identité affluent le samedi, car souvent ils ne travaillent pas ce jour-là. Nous avons suggéré à plusieurs reprises aux communes, par le biais des préfets, d'ouvrir l'accès aux DR non seulement en semaine, mais aussi le week-end et singulièrement le samedi. Que cela leur pose des problèmes de gestion des heures supplémentaires et des ressources humaines, je ne le conteste pas, mais il faut en passer par là si nous voulons résoudre le problème. Certaines mairies acceptent de faire travailler leurs agents le samedi, voire le dimanche.

Troisièmement, le temps d'attente dépend aussi beaucoup du territoire. Si vous êtes environné de communes équipées de DR, votre demande est traitée structurellement plus rapidement que s'il y en a peu. Je constate par ailleurs dans ma commune, qui est plutôt pauvre, que les populations ayant besoin de titres d'identité sont plutôt celles ayant un train de vie plus aisé, qui partent en vacances à l'étranger en famille, ou en déplacement professionnel. Les difficultés les plus importantes surviennent donc souvent dans les territoires les plus aisés, où les départs en vacances sont plus nombreux que dans les territoires les plus touchés socialement.

Il y a donc de nombreuses explications au fait que les choses ne se passent pas partout de la même façon. Mais certaines disparités restent difficilement compréhensibles ; elles s'expliquent notamment par une longue période au cours de laquelle les no show étaient nombreux. Anxieux de ne pas avoir de papiers d'identité, les gens prenaient plusieurs rendez-vous et ne les annulaient pas une fois qu'ils étaient servis. Cela a représenté 30 % des demandes dans certains départements, soit 30 % d'offre de rendez-vous en moins.

Monsieur le rapporteur spécial, vous dressez vous-même le constat que l'ANTS a respecté les délais qui lui ont été fixés. C'est donc en amont que le problème subsiste.

Sur les indicateurs de performance, je comprends la demande des parlementaires. Le Gouvernement, dans ses documents budgétaires, présente la performance de l'État et de ses agences. Je ne suis pas défavorable à la prise en compte de la chaîne du service public dans son ensemble ; les parlementaires peuvent y procéder. Prenons acte que, si telle est la volonté de la commission des finances, la chaîne du service public figurera dans les prochains documents budgétaires. Une telle évolution suppose de disposer d'éléments que nous n'aurons peut-être pas en totalité lors de la discussion budgétaire, mais elle nous semble importante.

Monsieur Lefèvre, je vous remercie d'avoir rappelé les efforts du Gouvernement et les annonces de la Première ministre. Il semble difficile de dématérialiser complètement la délivrance des titres d'identité, car il faut prendre les empreintes des demandeurs. Je n'exclus pas que la technique permette un jour de les prendre à distance par le moyen d'un système numérique non falsifiable, mais rien de tel n'est envisageable dans les prochaines années. Le « paluchage », comme on dit au ministère de l'intérieur, exigera toujours un passage d'ici là.

Madame Karamanli, l'identité numérique est une réponse, mais elle n'est pas la seule. Au demeurant, la pièce d'identité numérique stockée sur votre smartphone est complémentaire de la pièce d'identité physique, qui reste un préalable. La première ne remplace pas la seconde, mais elle permettra, demain, de voyager, de régler ses achats et de faire des duplicatas en cas de perte du titre d'identité physique.

À ce propos, les fortes difficultés du service public de délivrance des titres d'identité ne doivent pas faire oublier une grande réussite du ministère de l'intérieur : nous avons fourni 15 millions de pièces d'identité numérique, au format permis de conduire, qui empêchent l'usurpation d'identité grâce à une puce électronique.

D'ailleurs, les problèmes que nous rencontrons s'expliquent en partie par le fait que le covid est arrivé lorsque nous introduisions la carte d'identité numérique. Nous avons modifié les processus de l'ANTS, des mairies et de la production des pièces d'identité : il ne semble pas qu'un retard spécifique en ait découlé, mais il n'est pas interdit de penser que les équipes étaient en partie mobilisées par l'introduction de la carte d'identité numérique. C'est une évolution importante, car elle permet de lutter contre l'usurpation d'identité, laquelle fait 800 000 victimes par an, ce qui est énorme. Elle sera totalement déployée d'ici sept ans.

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