Monsieur le ministre, permettez-moi de joindre ma voix à l'émotion collective suscitée par le décès tragique de trois policiers à Roubaix. Gardons à l'esprit que ce dont nous traitons aujourd'hui n'est pas seulement une question technique ou budgétaire, mais un domaine où l'humain domine et où le service public, dans ce qu'il a de plus noble, est au service de l'intérêt général.
En tant que rapporteure spéciale, je me réjouis comme vous de constater que l'année 2022 est, en ce qui concerne la mission Sécurités, considérée par la Cour des comptes comme une année à la gestion réussie, ne présentant pas de sous-budgétisation ni de tensions majeures. Les crédits des forces de sécurité intérieure et de la sécurité routière représentaient en 2022 près de 97 % des crédits de paiement exécutés de cette mission. Les dépenses d'investissement n'en ont pas moins progressé de 46 % en crédits de paiement et de 118 % en autorisations d'engagement, grâce à une dotation initiale en hausse sensible de 6,7 % en AE et 4,1 % en CP.
J'ai été pour ma part chargée de trois programmes et du compte d'affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.
Les crédits exécutés du programme 152 Gendarmerie nationale connaissent une progression de 440 millions d'euros en CP, soit environ 4,8 %, par rapport à 2021. L'écart par rapport au montant prévu en loi de finances initiale est modéré : 2 % en CP et 0,4 % en AE. Si les dépenses de fonctionnement progressent de 5,1 % en AE et de 13,2 % en CP, la hausse des investissements est bien plus sensible : 71,6 % pour les autorisations d'engagement et 34,4 % pour les crédits de paiement. L'acquisition de véhicules constitue le premier poste d'investissement de la gendarmerie nationale, qui a pu commander 90 véhicules blindés polyvalents et 459 véhicules de maintien de l'ordre. Les opérations immobilières demeurent le deuxième poste d'investissement.
Les analyses de la Cour des comptes appellent toutefois l'attention sur les emplois, qui représentent 85 % des dépenses du programme. Tant les sorties que les entrées ont été, comme en 2021, plus nombreuses que prévu et le schéma d'emploi réalisé est en retrait de 31 ETP, par rapport à une programmation de 154 ETP. Le plafond d'emplois, qui s'élevait à 101 348 équivalents temps plein travaillé (ETPT), a été consommé à hauteur de 99 754. Seraient notamment en cause une concurrence avec les polices municipales et la hausse des détachements vers d'autres administrations. D'importants efforts ont certes été fournis au cours du précédent quinquennat, mais nous devons rester attentifs aux emplois, d'autant que les vacances qui résultent d'une importante rotation du personnel « réduisent le potentiel opérationnel des forces de sécurité intérieure », comme le souligne la Cour des comptes – mais vous êtes très attentif à cette question, comme vous venez de le rappeler.
Estimant que l'attractivité et la fidélisation ne peuvent être assurées par les seules revalorisations indemnitaires, dont l'effectivité apparaît ici limitée, la Cour des comptes insiste sur la nécessité d'une amélioration des conditions de travail des personnels et d'une gestion dynamique des ressources humaines. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer l'état de vos réflexions sur cette question, qui concerne aussi bien la police que la gendarmerie ?
J'en viens précisément au programme 176 Police nationale. Comme l'an dernier, le montant exécuté – en l'occurrence, 12,14 milliards d'euros en AE et 11,8 milliards d'euros en CP – est très proche de la programmation initiale. Les deux principaux postes d'investissement sont, comme pour la gendarmerie mais dans un ordre inversé, l'immobilier et les véhicules. Les emplois représentent 87 % des dépenses du programme et sont marqués, comme pour la gendarmerie, par une légère sous-exécution du plafond d'emplois et du schéma d'emploi.
Pour ce qui concerne la sécurité routière, les crédits de paiement exécutés du programme 207 Sécurité et éducation routières progressent de 22,2 % en CP : c'est autant d'argent consacré à sauver plus de vies sur les routes. S'y ajoutent les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Après deux années marquées par la pandémie de covid-19 et les restrictions de circulation qu'elle a imposées, les recettes d'amendes de la circulation ont progressé de 243 millions d'euros. Du point de vue des dépenses, à la forte sous-exécution de l'année 2021 succède une exécution très proche de la programmation initiale, pour atteindre un montant de près de 1,5 milliard d'euros.
Ce CAS est parfois décrié et sa suppression pure et simple est parfois évoquée. Quelles sont les évolutions qui pourraient amener une simplification ?