Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 23 mai 2023 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer :

Très attaché à la nécessité de justifier l'emploi des crédits alloués par les représentants du peuple, c'est très volontiers que j'ai répondu à l'aimable invitation de votre commission pour présenter un budget important pour notre pays sur le plan tant symbolique que financier, rassemblant à la fois les crédits alloués pour l'exercice précédent et ceux qui ont été obtenus au titre de la dernière loi de programmation du ministère de l'intérieur.

Je salue à nouveau la mémoire des quatre policiers, des neuf gendarmes et des douze pompiers décédés en service en 2022 en accomplissant leur devoir, et j'ai une pensée pour les trois policiers du Nord décédés dimanche. Vous savez que si les crédits que vous allouez au ministère de l'intérieur sont destinés à la protection des Français, ce ministère est celui qui déplore le plus grand nombre de disparitions parmi ses agents publics. C'est une réalité que nous avons tous présente à l'esprit en évoquant le travail important et difficile de ces agents.

En 2022, le taux de consommation des crédits a été très élevé : 99 %, dans un contexte très soutenu pour le ministère de l'intérieur, ce qui signifie que l'argent que vous lui octroyez est bien utilisé, du moins au sens comptable du terme. Il n'y a eu ni sous-utilisation, ni surutilisation : 22,3 milliards d'euros ont été inscrits en autorisations d'engagement et 21,3 milliards d'euros en crédits de paiement ont été dépensés. Nous avons amélioré cette exécution malgré les nombreux aléas opérationnels que nous avons connus.

La sécurité civile a dû faire face à des feux de forêts sans précédent, avec 72 000 hectares brûlés. La mission Immigration, asile et intégration a assuré sans crédits nouveaux la prise en charge, qui n'avait pas été prévue dans la discussion budgétaire, de plus de 100 000 personnes déplacées d'Ukraine. Quant à l'immigration irrégulière elle a augmenté dans des proportions supérieures aux prévisions, avec une progression de 33 % des demandes d'asile par rapport à 2021. Une partie de la dépense du ministère de l'intérieur en la matière est rendue obligatoire du fait du versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et des décisions du Conseil d'État. L'action de mon ministère a également rencontré en 2022 des difficultés opérationnelles, notamment du fait de l'organisation des élections.

Comme cela a été le cas pour toutes les missions, l'année 2022 a également été marquée par des tensions liées à l'inflation, bien que cette dernière ait été maîtrisée. Il est au demeurant un peu plus facile d'y faire face au ministère de l'intérieur que dans d'autres, car une part importante de la masse budgétaire est consacrée aux ressources humaines et, de ce fait, plus sensible à l'augmentation du point d'indice qu'à l'inflation. La discussion sur les dépenses hors titre 2 (T2) est donc réduite, mais nous avons pu, en dépit de l'inflation, travailler en matière d'habillement, de matériel de protection et d'achats de véhicules, dont les plans de relance avaient souligné l'importance.

Nous avons également poursuivi la programmation de la rénovation immobilière. En effet, l'un des problèmes structurels du ministère de l'intérieur, depuis quarante ans, tient au fait que, tandis que la masse budgétaire relevant du T2 – liée aux recrutements ou aux indemnités, primes et prestations allouées aux policiers, gendarmes et autres agents de préfecture – connaît une augmentation continue, la masse hors T2 ne suit pas le même rythme, ce qui explique l'état de dégradation des casernes de gendarmerie, les difficultés des commissariats et le fait que nombre de préfectures n'aient pas effectué leur transition énergétique.

Nous avons commencé à remédier à cette situation dès mon arrivée au ministère et, pour la première fois, la croissance des crédits hors T2 est supérieure à celles des crédits en T2. Toutefois, de nombreux exercices budgétaires seront nécessaires – notamment dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) – pour rattraper ce retard. Je proposerai, en répondant à vos questions, des pistes d'amélioration profonde du fonctionnement des crédits hors T2 sans augmentation budgétaire.

En 2021 et 2022, nous avons rénové plus de 700 commissariats et brigades de gendarmerie, ce qui est sans précédent pour le ministère de l'intérieur. Certaines de ces opérations ont un caractère très symbolique, comme le nouvel hôtel des polices de Nice ou celui de Valenciennes, une opération attendue depuis plus de soixante ans et qui faisait l'objet d'une demande récurrente des élus. C'est aussi le cas de la réhabilitation des logements des gendarmes à Drancy ou de la caserne Hetzel à Marseille.

Dès 2022, nous avons commencé à préparer les grands événements qui marqueront les années budgétaires 2023 et 2024 – la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques – en matière de lutte contre les drones, de modernisation des salles de commandement et de cybersécurité.

Dans l'exécution de la mission Immigration, asile et intégration, très contrainte par le contexte international et par les décisions de justice rendues, nous n'avons pas lésiné non plus sur ce qui relève proprement du ministère de l'intérieur et de son action dans la politique de l'intégration. Conformément à la demande du Parlement, nous avons mis en place à la fois le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir) et l'application France-Visas, qui assure une plus grande efficacité dans la délivrance des visas, ainsi que le programme Administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui permet déjà à ces derniers, dans certains départements, d'obtenir leurs papiers en préfecture en un seul rendez-vous au lieu de trois précédemment.

S'agissant de la transformation numérique du ministère de l'intérieur, engagée depuis trois ans, l'année 2002 a été particulièrement importante. Le ministère de l'intérieur connaît en effet une très forte dette numérique, assez semblable à celle que j'ai connue en arrivant à Bercy, où nous avons engagé la modernisation de l'impôt et instauré l'impôt à la source. Cette dette numérique tenait à la fois à l'organisation même du service numérique du ministère de l'intérieur, à des projets qui n'avaient pas toujours été suivis au niveau approprié et, surtout, à une volonté de chaque service de travailler en silo et non pas en commun, les faisant se perdre parfois dans des dépenses trop importantes pour des résultats peu efficaces à l'échelle du service public.

Nous avons donc réorganisé le numérique au ministère de l'intérieur. Parmi les exemples de notre efficacité et de la bonne utilisation de l'argent public, je citerai le réseau radio du futur, qui substituera à la radio physique des policiers, gendarmes et pompiers une radio numérique accessible directement sur leur téléphone NEO, qui comportera des applications de géolocalisation ou d'image. Les parlementaires qui ont participé au comité de liaison sur la Lopmi ont pu en avoir une démonstration tout à fait convaincante. Je citerai également le système NexSIS, qui révolutionne notamment l'interopérabilité pour les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), et qui nous aurait été bien utile face à la tempête Alex. Quant à l'identité numérique, lancée en 2022, c'est désormais une réalité concrète, comme vous l'avez sans doute vu dans la presse. Elle aussi a été présentée aux parlementaires lors du comité de liaison. Elle permet de traiter d'une manière dématérialisée le permis de conduire et la pièce d'identité, puis, demain, la procuration, qui se fera entièrement en ligne. France-Visas, enfin, que j'ai déjà évoquée, améliore largement l'efficacité du service public dans la délivrance des visas.

J'en viens à la question de la masse salariale et du constat de la Cour des comptes, que j'ai déjà évoquée tout à l'heure dans l'hémicycle lors des questions au Gouvernement. La masse salariale du ministère de l'intérieur est par définition importante, avec 250 000 policiers et gendarmes, une administration territoriale et de nombreuses agences. Nous ne souscrivons pas en totalité au constat de la Cour des comptes, notamment pour ce qui concerne les démissions. En effet, comme nous l'avons du reste indiqué dans notre lettre complémentaire à la Cour, toute une partie des départs s'expliquent par le fait que les personnes concernées ont réussi un autre concours dans la police ou la gendarmerie, puisque nous avons augmenté de 40 % le nombre de places ouvertes, ou alors par des départs en retraite, du fait de la création de la réserve opérationnelle.

Car l'un des grands enjeux auxquels est confronté le ministère de l'intérieur est celui du recrutement : les postes que vous nous avez offerts, combinés avec les effets de la pyramide des âges, permettent désormais au ministère de recruter chaque année plusieurs milliers de personnes : il s'agit de garder un concours dynamique tout en assurant une sélection à la hauteur de ce qu'on attend des policiers et des gendarmes. Je suis heureux de constater que, pour les premiers concours que nous avons lancés avec ces masses plus importantes, le rapport entre le nombre de places offertes et le nombre de candidats est resté globalement stable, ce qui permet d'espérer qu'indépendamment de la formation, la qualité des candidats – souvent jeunes, même si j'ai supprimé la barrière d'âge pour l'accès au concours – est équivalente à celle du recrutement précédent.

Les crédits du ministère de l'intérieur ont donc été exécutés quasiment à l'euro près. Nous devons continuer à résorber la dette hors T2, s'agissant tant d'immobilier que de matériel. C'est également le cas pour la dette numérique, que les crédits de la Lopmi permettront de résorber d'ici à la fin du mandat.

Il faut aussi, bien sûr, gérer le mieux possible une masse salariale très éclatée partout sur le territoire national, en outre-mer, dans de nombreux services très différents, mais aussi à l'étranger, où policiers et gendarmes servent dans le cadre de plusieurs opérations engagées par l'État.

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