Les dirigeants étaient très déçus. Les lois, décrets et mesures qui se sont succédés sont allées à l'encontre d'un développement serein et pérenne d'Uber. La philosophie de la Silicon Valley se caractérise par des personnes extrêmement rationnelles : pour eux, si une technologie permet d'assurer un meilleur service au consommateur, il faut pouvoir lui proposer, tout de suite. Il existait donc une véritable incompréhension du mode de fonctionnement politique et du temps nécessaire pour accompagner les changements en France.
Mes collègues des affaires publiques qui étaient au contact des politiques au quotidien faisaient face à une mission impossible. Ils en étaient réduits à devoir exagérer dans leur compte-rendu écrit les résultats de leurs actions, comme on le voit dans les Uber files, car ils étaient sous pression. Dans nos discussions off avec les journalistes, j'avais pour habitude de dire qu'ils « faisaient des forêts avec des brins d'herbe. » Le supposé « super pouvoir » de lobbying dont Uber aurait été doté, lui permettant de transformer la loi, n'existait pas. Ce n'était pas vrai. C'était une chimère à laquelle ils ont cru, parce qu'ils pensaient que l'argent permet de tout faire. Madame la rapporteure, vous avez souvent cité Maxime Drouineau, mais celui-ci était très jeune à l'époque, il était à peine sorti d'école trois ans auparavant, ce n'était pas un lobbyiste chevronné. De manière générale, les équipes d'Uber étaient constituées de jeunes, qui ont agi avec beaucoup de naïveté et se sont finalement heurtés à un mur.