Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui Monsieur Grégoire Kopp, en tant qu'ancien conseiller « médias et communication » du secrétaire d'État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, M. Alain Vidalies, et ancien directeur de la communication de la société Uber France. Monsieur Kopp, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être rendu disponible pour répondre à nos questions.
À partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international des journalistes d'investigation ont publié ce qu'il est désormais convenu d'appeler les Uber files : s'appuyant sur 124 000 documents internes à l'entreprise américaine datés de 2013 à 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes réservé jusqu'alors aux taxis.
Dans ce contexte, notre commission d'enquête a, d'une part, pour objet d'identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour pouvoir s'implanter en France, le rôle des décideurs publics de l'époque et émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts ; d'autre part, pour ambition d'évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales de l'ubérisation - du développement du modèle Uber en France - et les réponses apportées et à apporter par les décideurs publics en la matière.
Votre audition s'inscrit dans le cadre du premier objectif de notre commission d'enquête puisque vous êtes à la fois un témoin de l'action gouvernementale dans le secteur du transport public particulier de personnes lors de l'émergence des plateformes numériques telles qu'Uber entre 2013 et 2015 ainsi qu'un acteur majeur de la stratégie de lobbying d'Uber à partir de juin 2015 lorsque vous endossez la fonction de chargé de communication au sein de cette entreprise jusqu'en 2017.
D'une manière générale, nous souhaiterions connaître votre appréciation des révélations des Uber files et des critiques émises depuis le début de nos travaux sur la stratégie d'implantation de la société Uber en France et, plus particulièrement, sur sa stratégie de lobbying auprès des acteurs publics.
De façon plus précise, plusieurs questions nous intéressent. Quel était votre rôle précis au sein du cabinet du secrétaire d'État chargé des Transports, M. Vidalies ? Pendant la crise des taxis-VTC, avez-vous tenté de faire valoir la position d'Uber et d'autres plateformes de VTC auprès des ministres et des principaux acteurs du Gouvernement afin de favoriser leur implantation et d'obtenir des modifications législatives et réglementaires en leur faveur ? Avez-vous obtenu dans ce cadre des modifications réglementaires et législatives vous paraissant aller dans le sens de l'intérêt d'Uber et plus généralement des plateformes de VTC au moment de votre présence au sein de l'entreprise ?
Avez-vous par ailleurs été témoin d'actions de lobbying de la part des représentants des sociétés de taxis pour empêcher l'émergence des VTC ? Je note par exemple que vous avez souligné, dans les informations transmises en amont de cette audition, que Mme Vanessa Parodi, ancienne conseillère communication du ministre Michel Sapin avait été recrutée par la G7 en février 2016 comme chargée des affaires publiques et de la communication, peu de temps après votre départ chez Uber. Qu'en tirez-vous comme conclusion ?
Pouvez-vous nous décrire les raisons pour lesquelles vous avez rejoint la société Uber en juin 2015 comme directeur de la communication pour la France ?
Enfin, dans les documents que vous nous avez transmis, votre courriel de départ de la société Uber met en évidence le fait que vous n'auriez pas toujours été d'accord avec Pierre-Dimitri Gore-Coty et Thibaud Simphal. Je cite : « Merci Pierre-Dimitri et Thibaud de m'avoir recruté malgré les divergences de vues et éclats de voix, et permis de vivre tant d'heures de débats parfois quasiment philosophiques ». Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistaient ces divergences ? Nous aurons bien d'autres questions à vous poser, avec mes collègues, mais je vous propose d'entamer notre discussion à ce stade.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».