Intervention de Uma Rani

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Uma Rani, chercheuse à l'Organisation internationale du travail et auteure du rapport The role of digital labour platforms in transforming the world of work :

J'ai défini l'ubérisation comme la précarisation du travail parce que, dans de nombreux secteurs, les travailleurs des plateformes ne parviennent pas à obtenir des conditions de travail décentes.

Lorsque ces plateformes vantent le fait que chacun puisse être son propre employeur et soit maître de son temps et de ses horaires, elles attirent de nombreuses personnes. Mais en réalité, après que la personne s'est inscrite, elle n'a aucun contrôle sur son travail ou sur son temps. Elle est dépendante de la plateforme et de la réputation qu'elle y acquiert.

De plus les travailleurs des plateformes n'ont pas de revenu régulier et, dans beaucoup de cas, ils gagnent peu avec ces plateformes. L'ubérisation, c'est la précarité, dans le monde développé comme dans les pays en développement. Je pense qu'il est fondamental de comprendre ce que la technologie, les outils et les plateformes apportent à l'organisation du travail. La journée des travailleurs et leur rémunération sont définies par les plateformes au moyen d'algorithmes. Par ailleurs, la convention 180E du BIT (Bureau international du travail) interdit de faire payer des frais aux travailleurs. Or, la plupart des plateformes dérogent à cette interdiction et en tirent des revenus substantiels. Certaines plateformes demandent notamment le paiement d'un abonnement, c'est problématique.

J'ajouterai que, dans le système des plateformes, ce sont les travailleurs qui supportent les risques. Une plateforme peut très facilement quitter un marché sur lequel elle ne parvient pas à percer et laisser alors des travailleurs sans emploi. Cette vulnérabilité des travailleurs accentue leur précarité.

Les travailleurs n'ont pas de droits dans ce modèle. Il n'y a pas de négociation collective, aucun débat possible, tout est décidé unilatéralement par les plateformes. D'ailleurs, beaucoup d'entre elles ne disposent d'aucun mécanisme de résolution des conflits et lorsqu'il en existe, il est souvent à l'étranger dans le pays où se trouve le siège de l'entreprise.

Les plateformes sont une innovation technologique qui pourrait pourtant améliorer la situation des travailleurs.

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