Intervention de Barbara Gomes

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Barbara Gomes, maîtresse de conférences en droit privé à l'Université d'Avignon :

Je crois que les plateformes qui seront au centre de nos débats ne sont pas des plateformes d'emploi. L'emploi, c'est une activité – le travail – qui donne accès à un statut avec des régimes qui s'appliquent aux salariés. Or ces plateformes proposent beaucoup de travail mais peu de statuts. Donc, ce ne sont pas des plateformes d'emploi.

Ce point n'est pas anodin puisque les plateformes de travail jouent justement sur leur qualification pour éviter de se voir appliquer certains régimes juridiques. Ce sont des modèles qui ont des stratégies extrêmement brutales. Lorsqu'elles arrivent sur un territoire où elles veulent s'implanter, ces plateformes n'étudient pas les règles et ne s'intéressent pas aux législations applicables. À l'inverse, elles essaient de faire plier les normes en vigueur pour qu'elles correspondent à leur modèle, un modèle où l'entrave terrible que représente le droit social aurait disparu.

Ces plateformes prétendent être de simples intermédiaires. Il en existe effectivement qui sont des intermédiaires et permettent l'accès à un marché, avec de véritables travailleurs indépendants. L'enjeu est d'identifier parmi ces plateformes celles qui sont véritablement des intermédiaires et celles qui utilisent la catégorie plateforme comme un outil de gestion et d'organisation de la main-d'œuvre. Ces dernières se qualifient de plateforme d'intermédiation dans l'unique but de ne pas respecter le droit, et le droit social en particulier. Cela a des conséquences pour les travailleurs qui seront soumis à un contremaître numérique qui appliquera automatiquement et sans possibilité de négociation les directives patronales transformées en langage informatique.

Je voudrais par ailleurs souligner que si la directive en préparation va dans le bon sens, certains de ses aspects doivent être retravaillés. Je pense notamment à la place centrale que doivent avoir les représentants du personnel. Il faut que nous ayons des organisations syndicales et des élus du personnel qui aient un droit de regard sur la gestion économique et sociale des activités et qui puissent vérifier que les droits des travailleurs sont respectés.

Je pense que les représentants du personnel sont les mieux placés pour demander un droit de regard sur l'effet des algorithmes sur le travail. Il faudrait donc proposer à ce titre que dans les entreprises – plateformes ou non – qui utilisent des algorithmes dans la gestion et l'organisation du travail, les représentants du personnel puissent avoir accès à un data scientist pour les aider à comprendre le fonctionnement de ces algorithmes.

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