Je tiens tout d'abord à vous remercier pour l'invitation à l'occasion de cette table ronde sur l'ubérisation de l'économie et ses conséquences sur le travail. D'une manière générale, l'économie collaborative offre de nombreux avantages pour notre société. Je tiens à souligner qu'elle a en partie créé ses propres marchés, qui n'auraient pas existé sans les avancées technologiques telles que l'invention des diverses applications pour smartphone.
Les développements technologiques comportent cependant toujours des risques que le législateur doit identifier et gérer par la suite. Afin d'illustrer cette approche, je présenterai brièvement mon appréciation de la proposition de la Commission européenne concernant la directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme.
Avec ce projet de loi, la Commission propose, par une modification du droit matériel, que les droits des travailleurs acquis au fil de l'Histoire soient aussi garantis dans les secteurs économiques numériques émergents. Elle reconnaît aussi de nombreux problèmes relatifs à la classification en tant que travailleur et liés à l'application du cadre juridique existant. C'est pourquoi la proposition de la Commission européenne contient également des dispositions visant à améliorer l'application de la législation en vigueur.
La garantie du droit des travailleurs est un pilier important de la directive proposée. Cependant, je regrette que ce droit des travailleurs n'ait pas été renforcé en ce qui concerne la portabilité des données de réputation, comme l'avait suggéré la Commission européenne dans son document initial. Seul le Parlement européen ajoute une disposition en ce sens, avec l'amendement 135 que je soutiens vivement. Cela concerne les évaluations positives comme celles émises pour les conducteurs et livreurs d'entreprises telles qu'Uber ou Lyft ou des services de livraison.
Or à mon avis, la portabilité permettrait aux employés de changer plus facilement d'employeur s'ils le souhaitent car ils ne perdraient plus leurs données de réputation. À l'inverse, cela inciterait davantage les employeurs à veiller à de bonnes conditions de travail. Il s'agirait donc d'instaurer une plus grande concurrence pour attirer les bons travailleurs.
Selon le document de travail de la Commission, la majorité des plateformes et des représentants des employeurs considèrent que la portabilité des données de réputation est irréalisable du point de vue des infrastructures techniques. En outre, certaines plateformes estiment qu'elles ne peuvent pas faire confiance aux notations des concurrents.
Les représentants syndicaux ont quant à eux soutenu l'introduction de la portabilité des données de réputations. Ils affirment en effet que la portabilité des évaluations est importante pour s'assurer que les personnes qui travaillent par l'intermédiaire de ces plateformes ne soient pas dépendantes d'une seule plateforme et ne se sentent pas emprisonnées.
Pour conclure, je pense que cet exemple démontre bien qu'il serait erroné d'envisager la protection des droits de travailleurs uniquement sous l'angle de l'application des normes traditionnelle aux nouveaux modèles d'entreprise. Le législateur devrait saisir les opportunités offertes par les nouveaux marchés numériques en utilisant également les technologies modernes pour renforcer la position des employés sur le marché du travail.