Le 24 octobre 2016, excédé par les pressions d'Uber sur les parlementaires et l'intense activité de lobbying auprès de l'exécutif avant le vote définitif de la loi, j'ai twitté :
« J'ai fait un rêve qu'il y ait un jour assez de parlementaires pour demander une commission d'enquête parlementaire sur les pratiques de lobbying d'Uber. »
Je suis donc très heureux d'être devant la représentation nationale.
Uber a cherché sciemment à imposer un état de fait à l'État de droit. Si à l'époque une forme d'hégémonie culturelle au sein des élites considérait qu'Uber était l'avenir des transports et que les taxis appartenaient au passé, les beaux discours d'une ubérisation heureuse se sont vite transformés en cauchemar réel pour les chauffeurs. Ils ont connu la paupérisation, la précarisation et le surendettement. Il faut y ajouter une forme de mise en danger des clients et des troubles à l'ordre public.
Serait-il acceptable qu'aujourd'hui en France, une entreprise paie des manifestants contre des dispositions visant à rétablir l'ordre public ?
Je ne le pense pas. Pourtant, Uber l'a fait.
En tant que médiateur, je ne me préoccupais ni de la multinationale Uber ni de l'entreprise de taille intermédiaire (ETI) G7, mais des chauffeurs et de leurs clients.
Il a fallu beaucoup d'énergie pour rétablir l'ordre là où certains essayaient d'instaurer le désordre – je dirai même le Far West – et l'ère du travail dissimulé.
Uber a défié l'État et le Parlement. Uber a refusé le dialogue avec les représentants des chauffeurs. Uber a refusé, par lettre du 26 février 2016, de transmettre les éléments nécessaires pour la sortie de crise.
Pour toutes ces raisons, Uber a été responsable de l'explosion sociale dans la rue.
La loi que j'ai portée a été la première loi de régulation face à l'ubérisation. Le conflit a posé la question du travail digne, de la nécessaire institution du travail pour protéger les personnes. Il a aussi posé la question du dialogue social et de la nature d'un conflit qui mobilise des organisations représentatives et des collectifs issus du dialogue social informel.
Avant de répondre à vos questions, je tiens à rendre hommage à Thierry Wahl, inspecteur général des finances qui nous a quittés récemment, qui m'a accompagné tout au long de la mission. Je salue également l'ensemble des fonctionnaires mobilisés et l'ensemble des personnes qui ont concouru à trouver une solution à ce conflit.La France peut s'enorgueillir d'avoir des femmes et des hommes engagés pour l'intérêt général et le service public.