Je pense, par exemple, au groupe Wagner, présent en République centrafricaine (RCA), au Mali, et qui l'a été en Syrie. Les organisations non étatiques disposant de moyens comparables à ceux des États doivent-elles être considérées comme combattantes ? Est-il possible d'engager des moyens militaires pour les neutraliser ?
S'agissant de l'Ukraine et de la frontière Est des pays de l'OTAN, je souligne que l'armée de l'air et de l'espace a mis moins de quatre heures, depuis Mont-de-Marsan et Istres, pour engager des Rafale et des MRTT. Une telle réactivité s'explique par une parfaite intégration avec l'OTAN grâce à des exercices quasiment annuels réalisés sur une grande échelle. C'est en l'occurrence le commandement aérien allié (AIRCOM) – la branche « Air » de l'OTAN en Europe – qui était à la manœuvre et a demandé à différentes nations de contribuer à l'installation d'une présence dissuasive le long des frontières Est de l'OTAN pour éviter que le conflit déborde.
Nous avons également la capacité, à l'instar de la MMF (Multinational MRTT fleet), de ravitailler des appareils en vol mais il n'en reste pas moins que le manque de ravitailleurs est un vrai problème pour l'OTAN, notamment, pour les forces aériennes européennes. Notre capacité MRTT (Multi Role Tanker Transport) repose sur quinze appareils ce qui correspond, grossièrement, aux besoins liés aux raids nucléaires – la sanctuarisation d'une telle capacité au profit du raid nucléaire interdirait toutefois les missions conventionnelles. J'ajoute que le MRTT est une formidable machine puisqu'il peut emporter 270 personnes à bord tout en ravitaillant des chasseurs.
Les missions des Rafale et des Mirage 2000-5, depuis Saint-Dizier, Mont-de-Marsan et l'Estonie, ont relevé de la présence aérienne mais aussi, jusqu'à la fin du mois de mai, avec le C-160 Gabriel, puis, avec des Mirage 2000D et un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), du renseignement. Nous disposons aussi depuis peu d'un système MAMBA sol-air moyenne portée, déployé en Roumanie, qui est à même d'intercepter n'importe quel aéronef et dont le radar nous permet de voir ce qui se passe au-dessus de la Crimée et de la mer Noire.
Les principaux retours d'expérience concernent le nombre de chasseurs et de ravitailleurs nécessaires pour sanctuariser la dissuasion. Nos stocks, notamment de missiles air-air comme les MICA (missile d'interception, de combat et d'auto-défense) ou les METEOR ne sont pas à un niveau suffisant : nous arriverions le cas échéant assez rapidement à bout de chargeurs.
Nous utilisons principalement les drones dans un milieu permissif au-dessus du Sahel mais l'OTAN utilise des Reaper à proximité de l'Ukraine afin d'avoir des renseignements visuels et audio, avec des écoutes électromagnétiques. Le Reaper Block 5 disposera bientôt d'un pod de reconnaissance électromagnétique qui permettra de compléter notre panoplie.
La revisite, dans le domaine spatial, est un vrai problème.
Il importe de développer les capacités SEAD – suppression des défenses aériennes ennemies – abandonnées depuis la fin des années 1990 mais indispensables pour pénétrer les défenses aériennes russes du type S-300 et S-400. Pour cela, le programme Armement Air Sol Futur (AASF) doit être avancé.
Enfin, notre C2 (chaîne de commandement et de conduite) de Lyon est assez performant mais la connexion avec l'OTAN et nos alliés demeure essentielle pour être au cœur des opérations, voire, dans des cas spécifiques, à leur tête.
La vente d'avions d'occasion permet à certains pays d'avoir des Rafale et présente l'intérêt, pour nous, de contribuer à l'achat d'avions neufs, d'un standard supérieur. La différence de coût est analogue à celle d'un changement de véhicule pour un particulier. Nous avons ainsi vendu à la Grèce douze avions pour près de 400 millions d'euros et nous en avons acheté autant pour plus d'1 milliard. Le délai entre une commande et une livraison, pour un Rafale, est de trois ans, ce qui est relativement long en raison de la chaîne de sous-traitance – je pense en particulier aux premières pièces maîtresses de l'avion, en titane – qui ne peut pas être plus réactive. Sans doute l'« économie de guerre » dont a parlé le Président de la République suppose-t-elle de réfléchir à la confection en amont d'un certain nombre de pièces critiques afin d'accélérer la production.
Les conséquences de la légère baisse du format Rafale dans les deux années à venir concerneront moins les contrats opérationnels que les capacités d'entraînement des pilotes : cette année, 164 heures par pilote de chasse contre environ 147 heures pour les deux ans à venir. Notre potentiel technique est moindre puisque nous disposons de moins d'avions et que le nombre de pilotes est le même. La situation demeure toutefois acceptable, à condition que les avions des tranches dites « 4T2 », « 4T+ » et « 5T » soient livrés dans les temps.
Le choix d'un avion moins performant est une option mais il faut se demander si nous pourrions réaliser nos missions correctement. La première d'entre elles, la pénétration nucléaire, suppose de ne pas se heurter au premier mur de système de défense sol-air, ce qui implique d'avoir des avions suffisamment performants. Parmi les critères d'appréciation figureront forcément celui du coût à l'achat mais, aussi, de la maintenance.
Les métiers du MCO sont en tension, en particulier depuis le redémarrage spectaculaire des compagnies aériennes après la crise du covid. Nous pouvons proposer à ces personnels des missions qu'ils n'accompliraient pas ailleurs mais la question de leur fidélisation se pose et elle passe par la rémunération, laquelle dépend de la grille indiciaire et des primes. Des progrès ont été accomplis dans le domaine de la maintenance aéronautique avec l'indemnité de mise en œuvre et de maintenance des aéronefs (IMOMA), qui se situe entre 100 et 200 euros par mois pour les mécaniciens, les sous-officiers et les officiers. Il n'en reste pas moins que les moyens sont limités. Nous sommes intéressés par les « rejoyners », ces personnels – y compris des pilotes – qui intègrent l'armée de l'air pour se former et qui, après un détour par le civil, peuvent être réengagés, riches d'une expérience différente. Cela implique parfois une révision des statuts et quelques adaptations dans le recrutement – je songe par exemple aux limites d'âge –, autant de questions que nous soulèverons dans le cadre de la LPM. Nous avons besoin de souplesse !
Des ouvriers de l'État travaillent dans les Ateliers industriels de l'aéronautique (AIA) et cela se passe à mon sens plutôt bien. Le problème est de savoir jusqu'où nous pouvons dépendre du secteur civil. Lorsque nous contractualisons la disponibilité d'un avion en moins de six heures, nous devons néanmoins pouvoir disposer de militaires susceptibles de s'engager dès le déclenchement d'une crise, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, comme pour l'accomplissement de nos missions permanentes telles que la dissuasion ou la posture permanente de sûreté-Air. Il n'est pas question de réinternaliser des contrats mais nous voulons nous assurer qu'en cas de verticalisation – de contractualisation avec un industriel unique – nous puissions disposer d'une petite capacité de réaction immédiate et nous désolidariser d'un contrat forcément optimisé. Nous y travaillons avec la DMAé, la direction de la maintenance aéronautique.
S'agissant de l'indice de traitement, un travail important a été réalisé avec la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Par ailleurs, des discussions auront probablement lieu dans les prochains mois dans le cadre de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD).
En ce qui concerne Source Solde, aucun problème ne nous a été signalé.
Le moral, quant à lui, est très bon : grâce à la LPM en cours, des MRTT remplacent des C-135, des Rafale remplacent des Mirage 2000, des A400M remplacent des Transall. L'armée de l'air bouge, même si la situation n'est certes pas toujours facile à gérer en matière de ressources humaines, de formation, de qualification, d'infrastructures, etc. À cela s'ajoute, depuis 2019, la politique spatiale, ce qui contribue à la dynamique positive d'ensemble.
Un tel effort, si nous voulons un outil plus performant et plus optimisé, ne doit pas être interrompu par un étalement des différentes livraisons, ce qui supposerait de remplir nos missions à partir des vieux matériels : le C135 a été acquis en 1962 et le Transall en 1967 ; certains Mirage 2000 viennent d'être retirés après trente-cinq ans de service et d'autres iront jusqu'à quarante ans.
Lorsque je me suis engagé dans l'armée de l'air, il y a 36 ans, nous disposions de 750 avions de chasse mais ils étaient « mono-mission ». Un Rafale, en revanche, permet de remplir les missions de plusieurs appareils, quoiqu'il ne soit pas doué d'ubiquité : un plancher de 185 appareils est probablement trop bas ; sans doute faudrait-il tendre vers un plancher de 225 avions afin de pouvoir remplir sereinement nos missions.
Ce sont les flottes les plus anciennes qui sont les moins disponibles. À l'aéroport international de Nouméa, la Tontouta, nous avons de la chance lorsqu'un PUMA est disponible sur les trois dont nous disposons. Je rappelle que la moyenne d'âge de la flotte PUMA est de quarante-trois ans et celle du C-135, de presque soixante ans. Lorsque l'on dispose d'un très petit nombre d'avions, le MCO coûte relativement cher ; avec le Rafale, nous arrivons à un plancher et, avec le Transall, nous avons été obligés de maintenir un outil industriel et des compétences qui coûtent très cher. L'armée de l'air et de l'espace doit donc poursuivre sa modernisation. Le MRTT coûte moins cher que le C-135 alors que ses capacités sont démultipliées ; l'A400M, avec une charge offerte de 35 tonnes, coûte finalement moins cher qu'un Transall ou un C-130, dont la charge offerte est de 8 tonnes.
Les tensions du MCO portent principalement sur la flotte de PUMA, de C-130 H – la plupart des avions a 35 ans et deux en ont 45. L'armée de l'air et de l'espace soutient le projet européen FCTM (futur cargo tactique médian) – qui disposerait d'une vingtaine de tonnes de charge offerte – pour remplacer le C-130 et le CASA.
Nous avons en effet perdu dix-sept bases et les 17 000 personnes qui vont avec. Nous recrutons environ 3 500 à 4 000 personnels par an. Pendant la crise sanitaire, nous avons bénéficié, en quelque sorte, d'un effet d'aubaine avec une diminution des départs faute de débouchés dans le civil. Chaque métier de l'armée de l'air ayant un équivalent dans le civil, l'appel d'air, si j'ose dire, est important, et nous ne pouvons pas lutter contre les salaires proposés. Un sergent-chef, codeur à Mont-de-Marsan, gagne un peu moins de 2 000 euros par mois et triplerait du jour au lendemain son salaire dans le civil. En matière contractuelle, nous devrions être plus souples afin de pouvoir aller chercher des talents.
La base de Cazaux est mobilisée pour faire face aux incendies et la brigade des pompiers de l'air, qui y est installée, participe aux actions du service départemental d'incendie et de secours (SDIS 33). Nous avons également utilisé un drone Reaper pour surveiller les feux de forêt, les vidéos étant directement envoyées au SDIS. Enfin, le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace a décidé d'évacuer les appareils pour prévenir une dégradation des conditions.