Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de le général Frédéric Parisot

Réunion du mercredi 20 juillet 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général Frédéric Parisot, major général de l'armée de l'air et de l'espace :

Monsieur le président, mesdames et Messieurs les députés, je suis ravi d'être parmi vous, depuis la Nouvelle-Calédonie, pour présenter, au nom du chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, notre armée. Le major général est le numéro deux de cette dernière. Je suis également à la tête de l'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, qui se trouve à Paris et où 230 personnes travaillent au quotidien avec les autres armées, directions et services ainsi que l'état-major des armées.

Mon propos s'articulera en trois parties. Dans un premier temps, je présenterai en quelques mots et quelques chiffres notre armée de l'air et de l'espace. Je reviendrai ensuite rapidement sur l'analyse de la situation internationale, en développant les défis auxquels elle nous confronte sous l'angle de la puissance aérospatiale. Enfin, je tirerai les conséquences qu'entraînent ces défis, en m'appuyant sur la vision stratégique du général Mille, notre chef d'état-major.

Avant d'entrer dans l'aspect descriptif de notre armée de l'air et de l'espace, permettez-moi d'abord exprimer une conviction, partagée par tous les aviateurs : la France est une puissance aérospatiale, et cette caractéristique, qui est avant tout un héritage, est un atout extraordinaire pour notre pays. C'est, bien sûr, un avantage décisif sur le plan militaire et diplomatique, et cela constituera le fil rouge de mon exposé, mais c'est également un atout industriel et économique au service de notre pays. En effet, son ADN d'aviateur a permis à la France de faire naître des champions comme Airbus, Dassault, Arianespace, Thalès ou Safran. Grâce à eux, une nation comme la nôtre peut, dans un XXIe siècle dominé par les grandes puissances, continuer à compter sur la scène économique internationale, à côté de secteurs d'excellence comme le luxe ou le tourisme. L'aviation est née en France, nous avons écrit une part essentielle de son histoire et le maillage de notre territoire par une multitude d'aéroports et d'aérodromes en est une traduction tangible. L'aviation fait partie de notre histoire commune et elle constitue un héritage exceptionnel qu'il nous appartient de faire vivre en l'adaptant à la diversité et l'imprévisibilité des circonstances et des menaces.

Sur le plan diplomatique et militaire, être une puissance aérospatiale offre une garantie de souveraineté et de liberté d'action, la faculté d'agir rapidement, avec précision, efficacité et proportionnalité, et une capacité de rayonnement et d'influence très précieuse. L'arme aérienne est l'arme du politique par excellence, produisant des effets immédiats et décisifs sur l'ensemble du spectre de la conflictualité : réactivité, fulgurance, allonge à l'échelle du globe, faible empreinte au sol, effets gradués, réversibilité et maîtrise de l'escalade, tout en garantissant la liberté d'action et l'accès aux espaces communs, maritimes, aériens et spatiaux. De la guerre du Golfe à l'évacuation de Kaboul en août dernier, en passant par l'opération Résilience sur le territoire national, la puissance aérospatiale a été cruciale aussi bien pour les opérations militaires nationales ou alliées que pour incarner sur la scène international la détermination politique et la volonté d'agir sans nécessairement déployer des moyens lourds à forte empreinte au sol pour des issues non maîtrisées. Tous ceux qui négligent la puissance aérienne le paient très cher, et ce n'est pas le déroulement de la guerre russo-ukrainienne qui le contredira.

Ces convictions profondes animent les 40 800 aviateurs de l'armée de l'air et de l'espace. Qui sont-ils ? Un premier aspect remarquable est la répartition entre officiers, sous-officiers et militaires du rang. L'armée de l'air et de l'espace est celle dans laquelle la proportion d'officiers est la plus élevée, avec plus de 17 % de son personnel. Cela s'explique par la très forte responsabilité qu'endossent nos équipages et nos équipes sur le terrain. Nos jeunes pilotes de chasse, d'hélicoptère ou de transport, nos opérateurs spatiaux ou de drones, doivent savoir prendre de lourdes décisions dans des temps très courts. C'est la raison pour laquelle ils sont très majoritairement officiers. Plus généralement, le sens de la responsabilité individuelle est ce qui caractérise probablement le mieux l'aviateur au sens large.

Les sous-officiers représentent près de 60 % de notre ressource humaine, en raison du très haut niveau technique qu'exigent nos munitions et la complexité des matériels que nous mettons en œuvre. Enfin, les militaires du rang représentent 25 % des personnels. Ce sont des métiers qui permettent à de jeunes gens d'acquérir une expérience, des savoir-faire, un savoir être – en un mot : une éthique – qui leur sont très précieux lorsqu'ils basculent dans la vie civile après des contrats d'une durée de quatre à dix-sept ans. L'armée de l'air et de l'espace est aussi l'une des plus féminisées au monde, puisque 24 % de nos aviateurs sont des aviatrices. Tous nos métiers sont, bien entendu, féminisés, et il n'existe évidemment aucun frein au recrutement de jeunes femmes.

L'armée de l'air et de l'espace a connu, lors de la précédente LPM, ou loi de programmation militaire, une déflation de 30 % de son personnel. Pour atteindre ces objectifs, nous avons accompli un effort considérable de réorganisation et de rationalisation, parfois d'externalisation de certaines fonctions. Il faut toutefois convenir que cet effort a été excessif et qu'il est aujourd'hui impératif de rééquilibrer le modèle. Ainsi, la LPM en cours prévoit d'augmenter nos effectifs de 900 personnes entre 2023 et 2025 pour pouvoir honorer nos missions actuelles avec l'efficacité que nos concitoyens attendent. Ces 900 effectifs représentent trois quarts des augmentations des effectifs air prévus sur l'ensemble de la LPM. Une révision à la baisse de ces objectifs ne serait pas soutenable.

Nous sommes enracinés sur les bases aériennes, notre outil de combat. Depuis 1996, nous en avons fermé une par an. Aujourd'hui, notre maillage territorial se compose de vingt-sept bases aériennes en métropole, quatre sites outre-mer ou à l'étranger et trois bases aériennes projetées en Jordanie, au Tchad et au Niger.

L'armée de l'air et de l'espace possède, à cet égard, une particularité importante qu'il faut garder à l'esprit, puisqu'elle entraîne de nombreuses conséquences : nous opérons au quotidien depuis nos bases aériennes. Autrement dit, une base aérienne n'est pas seulement le lieu où s'entraînent et où stationnent nos unités en attendant d'être déployées : les bases aériennes sont des outils de combat, actives en permanence, tout simplement parce que la notion de distance n'a pas la même signification pour les aviateurs. Vous pouvez ainsi vous réveiller le matin à Saint-Dizier, effectuer une mission à l'autre bout de la Méditerranée et être à nouveau le soir à Saint-Dizier, comme ce fut le cas lors du raid Hamilton, en avril 2018.

Les aviateurs sont tournés vers les opérations. Penser pour agir et agir pour être présent là où il le faut, pour garantir l'intérêt supérieur du pays, voilà ce qui nous anime, tous rangs confondus.

J'en viens donc aux missions de l'armée de l'air et de l'espace. Les deux missions permanentes et structurantes de l'armée de l'air et de l'espace sont, comme vous l'avez rappelé, Monsieur le président, la dissuasion nucléaire et la protection de l'espace aérien. L'armée de l'air rend compte au Président de la République, sous l'autorité du CEMA, pour la dissuasion, et directement au Premier ministre pour la défense aérienne. La maîtrise de ces deux missions fondamentales permet à l'armée de l'air et de l'espace d'être présente sur tout le spectre de la puissance aérienne, en particulier en matière d'intervention. Cela fait aussi de l'armée de l'air et de l'espace l'une des armées de l'air les plus opérationnelles au monde.

Depuis 1964, l'armée de l'air et de l'espace tient en permanence l'alerte nucléaire. La dissuasion nucléaire est avant tout une ambition nationale, dont l'objectif est de garantir la préservation des intérêts vitaux de la nation en faisant peser sur quiconque la menacerait l'éventualité de dommages inacceptables. En ce qui concerne les forces nucléaires, il convient de souligner l'importance de la complémentarité de leurs deux composantes permanentes : les forces aériennes stratégiques et la force océanique stratégique. Mettant en œuvre des moyens différents et utilisant des modes d'action complémentaires, elles permettent au Président de la République de mener un dialogue dissuasif visant à maîtriser l'escalade et à faire renoncer l'adversaire.

La composante aérienne, celle qui se voit, est spécifiquement chargée de l'aspect démonstratif que doit avoir toute stratégie de dissuasion pour fonctionner, tout en étant réversible. Cependant, les moyens affectés à la dissuasion nucléaire et aux missions conventionnelles sont largement mutualisés dans les contrats opérationnels, ce qui ne permettrait pas de mener les deux types de mission de front si nous devions nous engager dans un conflit de haute intensité. La démutualisation des contrats opérationnels doit donc être, vue de l'armée de l'air et de l'espace, l'un des axes de travail de la révision de l'Ambition opérationnelle 2030. Cette clé de voûte de notre stratégie de défense suppose de nombreux savoir-faire, dont la maîtrise de la mise en œuvre en toute sécurité et dans le respect absolu des directives du Président de la République n'est pas des moindres.

En ce qui concerne l'aspect purement aérien, l'enjeu est de savoir pénétrer chez l'adversaire avec un taux de succès suffisant, en dépit des défenses que celui-ci ne manquera pas de nous opposer. Ce savoir-faire représente le cœur de la puissance aérienne. Nous l'appelons : projection de puissance.

C'est parce que l'armée de l'air maîtrise depuis plus de cinquante-cinq ans cette capacité de projection et de pénétration qu'elle est capable aujourd'hui de mettre sur pied et d'exécuter des raids à long rayon d'action en espace aérien contesté. L'opération Hamilton contre des sites chimiques en Syrie en a offert une parfaite illustration en avril 2018. Là encore, la haute intensité est, d'une certaine manière, dans les gènes de l'armée de l'air et de l'espace. Aujourd'hui, le raid nucléaire, composé de Rafale biplaces équipés de missiles ASMPA, ou air-sol moyenne portée améliorés, et de ravitailleurs A330-MRTT, qui remplacent progressivement les vaillants C-135 acquis en 1962. Autour de ce raid, c'est, bien entendu, toute l'armée de l'air qui part au combat, avec ses AWACS et ses chasseurs d'escorte.

La défense aérienne du territoire national est la seconde mission permanente de l'armée de l'air. Sous l'autorité du Premier ministre, le commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes dispose d'un réseau de surveillance radar couvrant l'intégralité du territoire métropolitain, qui lui permet de faire décoller sous très bref préavis des chasseurs, ou des hélicoptères lorsque la cible est plus lente que 200 kilomètres à l'heure, capables d'intercepter et, le cas échéant, d'arraisonner un potentiel intrus, voire, à l'extrême, d'engager le combat.

Maîtriser la défense aérienne confère à l'armée de l'air les compétences requises en matière de combat aérien, y compris dans un scénario de haute intensité. Le reste est principalement une question de nombre – j'y reviendrai.

Aujourd'hui, la défense aérienne du territoire est assurée par des plots de chasseurs Mirage 2000-5 ou Rafale, capables de ravitailler en vol si la situation l'exige.

De ces deux missions permanentes découlent les autres capacités de l'armée de l'air et de l'espace. Il faut, bien sûr, mentionner la capacité à protéger des sites sensibles et des événements majeurs, comme la Coupe du monde de rugby en septembre 2023, les Jeux olympiques en 2024 et les sommets politiques, ainsi que la surveillance de l'espace exo-atmosphérique ou la participation aux missions de l'État dans l'air, comme la recherche et le sauvetage, ou la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane.

L'armée de l'air et de l'espace garantit la mobilité de nos armées grâce à la projection de forces, qu'il nous faut actuellement renforcer après quelques années difficiles pour l'aviation de transport. Aussi l'intervention, après la défense aérienne et la dissuasion, est-elle la troisième mission primordiale de l'armée de l'espace. On peut y ajouter la connaissance et l'anticipation, qui proviennent largement des moyens aériens dans nos opérations actuelles, notamment les drones MALE – moyenne altitude longue endurance – Reaper au Sahel, ainsi que la prévention, qui contribue à la mission donnée par le CEMA de gagner la guerre avant la guerre.

Par sa présence démonstrative dans les espaces stratégiques, l'armée de l'air et de l'espace manifeste la détermination de notre pays à défendre ses intérêts et la libre circulation aérienne dans les espaces internationaux, comme ce sera le cas cet été avec le déploiement Pégase en Indopacifique.

L'arme aérienne, c'est la réactivité, l'allonge, la précision, la réversibilité et la maîtrise des effets. C'est pourquoi elle est, par essence, une arme employée par l'autorité politique pour manifester sa détermination et agir au plus vite dans une crise. Oui, notre arme est plus que jamais l'indispensable bras armé d'une efficacité politique respectée partout où les circonstances l'exigent, dans le temps et dans l'espace. La France est, dans ce domaine, l'une des rares nations capables d'entrer en premier sur un théâtre d'opérations, élément clé pour répondre aux défis lancés par la haute intensité qui est de retour dans notre paysage géostratégique.

Je terminerai cette présentation par quelques mots sur les matériels. En 2022, nous mettons en œuvre 195 avions de chasse, 112 avions de transport tactique et stratégique, 77 hélicoptères, 12 drones MALE, 9 satellites et des capacités de renseignement, en particulier d'origine électromagnétique, essentiels pour le combat moderne. Je reviendrai, dans ma dernière partie, sur les défis liés à ce format que l'on peut qualifier de restreint.

J'en viens à la situation générale de sécurité. La guerre en Ukraine prouve que l'Europe est encore plus directement menacée qu'on ne le pensait. Les rivalités de puissance, les contradictions d'intérêts et les incompatibilités idéologiques sont des faits. Nous vivons dans un monde complexe et instable. Nous devons envisager des situations plus dures et nous y préparer. L'objectif fixé par le chef d'état-major des armées est, à cet égard, clair : il s'agit d'être suffisamment forts pour gagner avant que la situation ne dégénère et, pour cela, être prêts à nous engager dans un conflit de haute intensité aux côtés de nos alliés, mais en conservant notre autonomie d'appréciation et d'action.

Dans le domaine aérospatial, cette évolution du contexte de sécurité se déroule sur fond de congestion des espaces aériens et spatial. Il y a en France 14 000 mouvements aériens par jour, le nombre de drones est passé de 400 000 en 2017 à 2,5 millions en 2021, le trafic spatial est en augmentation accélérée par la démocratisation de l'accès à l'espace, associé au New Space. Aujourd'hui, on compte par exemple 6 000 satellites actifs, au milieu d'un million de débris de plus d'un centimètre. Agir dans et depuis l'air ou l'espace est déjà complexe et très technique, et le deviendra encore plus. Nous ne pouvons pas baisser la garde en matière de technicité et de technologie.

Sur cet arrière-plan, le durcissement de la conflictualité se traduit par un défi portant sur l'accès aux espaces aérien et spatial. Là où, auparavant, la supériorité aérienne nous était acquise presque d'emblée, comme au Sahel ou au Levant, nous avons désormais affaire à une contestation par la puissance aérienne du pauvre, voire à des postures de déni d'accès dans l'espace méditerranéen ou baltique. Au cours des dix dernières années, ce ne sont pas moins de 98 chasseurs, 24 avions de transport tactique, 60 hélicoptères et 335 drones qui ont été abattus aux marches de l'Europe, bien avant l'invasion de l'Ukraine, qui est venue confirmer le retour des combats pour la supériorité aérienne.

L'attrition fait désormais partie de l'équation, car la supériorité aérienne occidentale, que nous prenions pour acquise, est aujourd'hui clairement contestée. Étant donné notre format, la question de conduire nos opérations conventionnelles tout en assurant la posture de dissuasion prend un sens nouveau : quand faudra-t-il choisir entre la protection des intérêts vitaux de la nation, l'intégrité de son espace aérien et la poursuite du combat conventionnel ?

Les conflits de haute intensité portent en effet des enjeux qui amènent rapidement au dialogue de dissuasion et la mutualisation de nos moyens, acceptable depuis trente ans, doit évoluer pour laisser au Président de la République les leviers de son action politique. Notre liberté de circulation elle-même est contestée, avec des impacts importants sur les flux économiques et commerciaux. Les stratégies auxquelles nous avons affaire aujourd'hui présente une combinaison de moyens low-cost – mini-drones, systèmes sol-air portatifs, brouillage GPS – et de très haute technologie. L'apparition des missiles hypersoniques et de systèmes balistiques manœuvrants, l'emploi de satellites dans des opérations spatiales militaires de plus en plus élaborées et l'emploi de lasers ou de tirs antisatellites sont des illustrations d'un monde militaire qui a repris sa course en avant.

Enfin, les conflits du XXIe siècle sont globalisés, privatisés et médiatisés, avec une féroce bataille des récits. Nous faisons face à des manipulations croissantes de l'information sur les réseaux sociaux, qui peuvent avoir un impact considérable sur nos opérations. Si ce phénomène n'est pas nouveau en soi, il est décuplé par Internet. Face à ce danger accru de perdre la guerre malgré la victoire sur le champ de bataille, nous devons impérativement renforcer nos capacités cyber et d'influence sur nos compétiteurs et alliés.

La vision portée par le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, dans la ligne de la vision stratégique du CEMA, consiste à préparer une armée de l'air et de l'espace audacieuse ouverte, connectée et centrée sur ses aviateurs. L'objectif doit être de proposer au CEMA et au Président de la République des éléments décisifs dans la troisième dimension, élargie à l'espace. Le slogan qui traduit cette vision pour vaincre par la 3D est : « décourager, défendre et défaire ». C'est une réponse en miroir au triptyque « compétition, contestation, affrontement » du général Burkhard.

Décourager un compétiteur dans sa volonté de menacer la France, cela inclut évidemment la dissuasion, pour laquelle la recherche d'une crédibilité permanente reste le moteur essentiel, mais cela passe également par l'affirmation de notre détermination et de notre liberté de manœuvre dans la troisième dimension.

Défendre et protéger nos concitoyens partout où ils se trouvent. Outre la posture permanente de sûreté, notre capacité d'intervention se fonde sur notre faculté à apprécier la situation et sur notre mobilité aérienne, ce qui inclut aussi la projection de forces et de puissance. Il faut, à cet égard, saluer l'effort de la LPM en cours en matière d'aviation de transport, qu'il s'agisse de l'A400M ou du MRTT. Il faut poursuivre, ainsi que le lancement de notre stratégie spatiale de défense.

Défaire tout ennemi qui userait de la force, y compris dans un scénario de haute intensité, dans un conflit majeur interarmées ou interalliés. Si la haute intensité a toujours été le cœur de l'armée de l'air et de l'espace, au même titre que l'interopérabilité, des scénarios prévisibles actuellement doivent intégrer une hypothèse d'attrition et de consommation importantes des munitions.

Une fois l'horizon tracé et les ambitions fixées, des priorités doivent être tirées en tenant compte des réalités du terrain, y compris budgétaires. Le projet porté par le général Mille est centré sur les aviateurs. Il est donc naturel que je commence par évoquer les priorités en matière de ressources humaines. La première de ces priorités consiste à retrouver un effectif suffisant pour remplir nos missions. Il y a là, bien sûr, un aspect de programmation financière, mais il faut également recruter et, surtout, fidéliser une génération dont les codes sont différents. Le plan DRHAA 4.0, de la Direction des ressources humaines de l'armée de l'air, cherche à adapter notre gestion aux attentes de notre population. Outre la quantité, il nous faut de nouveaux aviateurs et aviatrices possédant de très hautes compétences pour faire face aux enjeux de demain.

Les hommes et les femmes qui nous rejoignent partagent nos valeurs. Il nous revient de leur fournir la formation nécessaire. Nous devons, pour cela, renforcer les cadres intermédiaires, qui sont actuellement en nombre insuffisant. Certains métiers sont en tension et exigent une réflexion sur le modèle RH qui nous permettra de résoudre les problèmes de recrutement et de fidélisation.

Le troisième défi tient à la crise du covid, qui a durablement changé les attentes de nos personnels et certains modes de travail, qu'il faut généraliser lorsqu'ils sont pertinents.

L'armée de l'air et de l'espace n'usurpe pas sa réputation d'armée jeune. Jeune, elle l'est par l'histoire, mais également par l'état d'esprit, résolument moderne et flexible. Ces atouts, l'armée de l'air et de l'espace les met au service du lien armée-nation, qui participe directement à la construction d'une plus grande résilience dans la nation et au renforcement des forces morales. Les escadrilles Air Jeunesse, mises sur pied récemment par le général Lavigne, sont une initiative très prometteuse dans un domaine qui se trouve au cœur des préoccupations du CEMA.

Par ailleurs, le service national universel est un formidable outil de recrutement pour l'avenir, mais il nécessite un renforcement de nos capacités d'accueil et d'encadrement.

Le deuxième sujet que j'ai effleuré doit être la recherche du bon équilibre entre quantité et qualité du matériel, en tirant toutes les leçons des engagements en courus, en particulier de la guerre en Ukraine. Tout d'abord, il nous faut absolument affermir la commande des douze Rafale cédés à la Croatie par une commande plus globale prévue en 2023, qui portait sur trente appareils et qu'il convient de porter à quarante-deux Rafale Air, qui seront livrés entre 2027 et 2030. Je précise que l'armée de l'air et de l'espace n'a pris livraison d'aucun avion de chasse depuis 2018.

Cette augmentation du parc Rafale en remplacement des Mirage 2000 devra cependant s'accompagner d'un effort significatif en faveur des stocks de missiles air-air et air-sol, ainsi que pour les équipements dits optionnels qui permettent au Rafale de remplir ses missions en termes de combativité et de survivabilité – radars, pods de désignation laser et acquisition de la capacité de suppression des défenses aériennes ennemies.

Au-delà de la remise à niveau du format, il conviendra de développer des incréments technologiques pour améliorer notre capacité au combat collaboratif, déjà esquissée par le standard F3R du Rafale et le missile Meteor. Nous devons également nous engager rapidement dans l'hypervélocité, dans un premier temps au profit de la dissuasion avec le missile ASN4G, ou air-sol nucléaire de quatrième génération.

La numérisation des opérations et l'intégration du spatial dans le combat multi-milieux et multi-champs sont également des chantiers sur lesquels nous avons entamé des travaux et qu'il nous faut accélérer pour ne pas être relégués en seconde division avec l'arrivée massive du F-35 en Europe.

L'acquisition de capacités n'est pas la fin du chemin : il faut encore savoir maintenir le matériel en condition opérationnelle. Des chantiers ouverts dans le domaine de la maintenance par des contrats « verticalisés » porteront leurs fruits dans le long terme. Il faut cependant rester vigilants quant à l'équilibre final. La place de l'opérationnel reste essentielle dans le MCO, le maintien en condition opérationnelle, pour pouvoir maintenir un bon niveau de disponibilité en toutes circonstances, par exemple pendant la crise du covid, et de conserver les savoir-faire fondamentaux pour agir en toute souveraineté.

Dans le domaine capacitaire, le soutien aux exportations, qui fait partie des missions de l'armée de l'air comme acteur de premier plan d'une France puissance aérospatiale, est très dimensionnant sur tout le spectre de nos activités. Le succès du Rafale à l'export est avant tout un succès collectif, dans lequel l'armée l'air et de l'espace a toute sa part. Il nous faut toutefois rester attentifs au risque d'éviction sur nos propres missions et opérations.

Enfin, l'armée de l'air et de l'espace doit être ouverte, agile et connectée. Il est naturel, pour un aviateur, de penser effet militaire, interarmées, interalliés, interministériel. Il nous faut continuer à travailler sans relâche dans cette direction, en pensant en particulier à des matériels interopérables et polyvalents. La Boussole stratégique de l'Union européenne représente à ce titre une avancée importante pour garantir notre liberté d'action dans les espaces aériens et agir de concert en matière d'assistance aérienne. L'armée de l'air et de l'espace a réuni récemment les chefs d'état-major des armées européennes et des représentants des institutions européennes pour travailler ensemble sur ces questions d'interopérabilité et de complémentarité. Notre appartenance à l'OTAN et à l'Union européenne doit se traduire en opportunité : celle d'éviter la duplication et de différencier les capacités de l'une et de l'autre selon la nature et la zone des conflits.

La coordination interministérielle, enfin, est une question centrale. Elle doit nous permettre d'utiliser à bon escient toutes les ressources de l'État pour atteindre des effets qui, en matière de sécurité et de défense, ne peuvent pas être exclusivement militaires. Cela exige une organisation. Dans le domaine aérien, cette organisation pourrait reposer sur le concept d'action de l'État dans l'air, qui conférera aux acteurs du domaine une autorité fédératrice, seule susceptible d'atteindre in fine les objectifs recherchés.

En conclusion, les défis sont nombreux, et le contexte sécuritaire et les attentes des Français nous obligent. Nous avons un atout majeur : les hommes et femmes qui servent dans nos forces. Je le crois très sincèrement, car ils sont habités par un état d'esprit incroyable. Grâce à eux, à leur dévouement et à leur professionnalisme, l'armée de l'air et de l'espace est toujours au rendez-vous des opérations, comme vous l'avez dit, Monsieur le président.

Toutefois, je tiens à insister sur cet atout que représente l'armée de l'air et de l'espace pour la France puissance aérospatiale. Elle est notre héritage mais, si nous sommes des héritiers, nous n'en sommes pas pour autant des rentiers. Les circonstances du PLF 2023 et de la prochaine loi de programmation militaire font que nous avons beaucoup de choses à partager à ce moment précis.

Vous serez toujours les bienvenus sur nos bases aériennes pour toucher du doigt la réalité du terrain. En avant-goût de ces visites et avant de répondre à vos questions, je vous propose de visionner un petit film préparé par le SIRPA, le Service d'information et de relations publiques des armées, qui illustrera nos propos. Je souhaite qu'il accompagne notre réflexion commune qui, outre l'indispensable prégnance de l'outil technique que je viens d'exposer, invite chacun d'entre nous au respect des femmes et des hommes qui le servent en allant toujours plus loin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.