Chers collègues, notre ordre du jour appelle l'audition de Mme Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe.
Madame la secrétaire d'État, nous avons souhaité vous entendre dès que possible sur la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE), même si cela peut sembler un peu paradoxal, dès lors que c'est Clément Beaune qui, en pratique, s'en est occupé. Il aurait certainement eu à évoquer de nombreuses choses dont, par définition, vous ne pourrez pas nous parler. Toutefois, vous avez une vue cavalière, qui permet de voir de plus haut, plus loin et plus globalement. Nommée il y a quelques semaines, vous avez pu embrasser tous les dossiers dont vous êtes chargée. Je ne doute pas que l'analyse que vous nous présenterez, pour ne pas être exactement la même que celle qu'aurait faite M. Beaune, ne sera pas d'un moindre intérêt. Elle nous permettra, s'agissant d'actions européennes qui présentent toujours un caractère un peu émietté, de saisir la PFUE dans son ensemble.
Permettez-moi – j'aurais dû commencer par là – de vous féliciter de votre nomination à une fonction prestigieuse, dont je dois dire, vous connaissant depuis de longues années, qu'elle m'a personnellement fait plaisir. Lorsque vous étiez à l'Élysée aux côtés du président Hollande, pour suivre des problèmes absolument essentiels, notamment l'épineux dossier grec, vous aviez – sur les conseils, me semble-t-il, du secrétaire général de l'Élysée de l'époque, Jean-Pierre Jouyet –, souhaité me rencontrer. Nous avons eu un échange sur les problèmes européens d'alors, que j'ai jugé tout à fait intéressant. Vous avez développé une approche et une connaissance des grands enjeux européens qui m'autorisent à dire que vous êtes tout à fait à votre place là où vous êtes actuellement.
Vous avez également exercé des fonctions dans différentes sociétés, dont AXA, où vous aviez succédé à Éric Chaney en tant que cheffe économiste. Vous avez ensuite assumé des fonctions tout à fait éminentes à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où vous étiez également cheffe économiste. Nous vous avions auditionnée à ce titre, à l'invitation de Marielle de Sarnez. Vous nous aviez exposé, de façon claire et convaincante, les données, ainsi que les tenants et les aboutissants, de la situation économique d'alors.
Votre carrière vous place à la conjonction du public et du privé, et surtout à la conjonction de la construction européenne et de la réflexion économique. Or de grands enjeux économiques sont actuellement sur la table, par-delà les enjeux géopolitiques majeurs que sont la guerre en Ukraine et le train de conséquences qu'elle entraîne : la remontée de l'inflation – et Dieu sait à quel point la situation est tendue –, les incertitudes liées au comportement des banques centrales, l'exigence de combiner le développement de la croissance, le contrôle des prix et une discipline budgétaire difficile à maintenir mais nécessaire, tout cela dans un cadre européen très fragile et fragilisé davantage encore, ces derniers jours, par la crise, que nous sommes nombreux ici à regretter, affectant la vie politique italienne et mettant un terme au gouvernement, pourtant à bien des égards très remarquable, de M. Draghi.
Madame la secrétaire d'État, vous êtes très bien placée, en raison de votre carrière, de votre engagement personnel au service de la construction européenne et de la qualité de vos contributions intellectuelles, pour nous parler non d'amour mais d'Europe, ce qui est presque la même chose.
Parler de la PFUE est très difficile, car les sujets sont fort divers – or nous avons soif de cohérence. En outre, la présidence du Conseil de l'Union européenne ne correspond jamais à ce qu'on attendait. Lorsque j'ai été élu député européen en 1989, la France exerçait cette présidence et, soudain, la moitié de l'Europe s'est libérée du joug soviétique – c'était aussi impressionnant qu'inattendu, et c'est tombé dans l'escarcelle de la présidence française. Quelques années plus tard, alors qu'on attendait M. Balladur, on a eu M. Chirac. Puis, sous la présidence de M. Sarkozy, nous avons eu la guerre en Géorgie. Il y a toujours de l'inattendu. Avec l'invasion de l'Ukraine, nous avons été servis.
J'ignore par quel bout vous prendrez l'affaire. En tout cas, nous n'attendons pas que vous nous parliez simplement du passé, si important que soit le bilan de la PFUE, mais aussi des grands enjeux de demain, notamment les conséquences de la guerre en Ukraine, la façon d'aborder les problèmes liés à l'inflation, l'évolution du dossier énergétique et en particulier la question du prélèvement carbone aux frontières, les enjeux institutionnels, la défense des droits, qui se heurte à des difficultés considérables, et l'élargissement aux Balkans ainsi qu'à l'Ukraine. Tout cela, c'est l'avenir.