L'assurance maladie a remis en juillet 2022 son rapport pour améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Elle y décrivait une situation très préoccupante en matière de santé mentale, que la pandémie de covid-19 a amplifiée, notamment chez les jeunes.
La santé mentale recouvre un niveau de dépenses parmi les plus élevés dans la cartographie médicalisée des dépenses de santé. Les besoins de la population ont fortement augmenté. Cela s'est notamment traduit en 2020 par un fort accroissement du recours aux médicaments psychotropes, essentiellement hypnotiques et anxiolytiques. On observe en 2021 une très forte augmentation du recours aux traitements antidépresseurs, notamment des débuts de traitement, en particulier dans les classes d'âge les plus jeunes. La Cnam soulignait que les indemnités journalières constituaient un poste de dépenses important et dynamique dans la population souffrant de troubles de santé mentale ou exposée à un risque important de ce type de trouble. Elle avait identifié ces arrêts de travail « comme un axe d'amélioration lors de travaux communs avec le collège de la médecine générale ».
Cette perspective interroge. Que faut-il entendre à travers cette notion d'axe d'amélioration ? Les arrêts de travail pour trouble de santé mentale sont-ils trop onéreux ? S'agirait-il de les rationaliser ? Si oui, comment, sachant que la médecine du travail est à la peine par manque d'effectifs, que la suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a lourdement détérioré les actions de prévention de santé au travail et que les diagnostics de burn-out ou les situations de souffrance au travail ont encore du mal à s'imposer en toute légitimité ?
Parmi les propositions, l'assurance maladie préconisait de promouvoir les bonnes pratiques en termes de prescription d'arrêts de travail, en ciblant les deux motifs les plus fréquents : syndromes dépressifs et troubles antidépressifs mineurs, et risques psychosociaux. À ce stade le rapport faisait simplement état d'un accompagnement des médecins par le biais de modules de sensibilisation. Où en est la Cnam sur ces constats et propositions ?
Toujours dans son rapport, l'assurance maladie suggérait, pour 2023, de pérenniser les dispositifs « PsyEnfantAdo » ou « Santé Psy Étudiant », désormais regroupés, et de conforter les thérapies digitales en veillant toutefois à mieux les encadrer. Le rapport avançait alors des chiffres implacables pour démontrer l'essor de la médecine numérique : 1 400 000 téléconsultations en janvier 2022, moins de 40 000 en 2020 et un pic à 4 500 000 en avril 2020), 31 millions de visiteurs uniques de l'application TousAntiCovid en 2021, 58 start-up françaises en e-santé ont levé un total de 929 millions d'euros en 2021. La Cnam pouvait se prévaloir de l'engagement du Gouvernement pour amorcer pleinement le virage numérique : 500 millions d'euros de financement alloués à la transformation numérique du système de santé dans le cadre de Ma Santé 2022. Le chiffre a quadruplé afin d'accélérer la numérisation du système de santé et de généraliser, à terme, le partage fluide et sécurisé de données de santé.
Cet engouement pour l'e-médecine pose toutefois question, particulièrement dans la prise en charge de la santé mentale. Au regard des moyens manquants pour les professionnels de santé et, par contrecoup, au regard des patients délaissés, l'engouement pour la médecine numérique pose également question au regard de ceux à qui elle profite, à commencer par les nombreuses start-up qui la portent. Comment favoriser la reconnaissance des psychologues dans la fonction publique ? Comment réduire la question des files d'attente ?
Concernant « MonParcoursPsy », la question de la rémunération pose problème, ce qu'on voit d'ailleurs au peu de professionnels intégrant le dispositif. Que le médecin généraliste soit au cœur du parcours de santé des patients, j'y suis totalement favorable, mais les médecins généralistes ne connaissent pas forcément bien la psychologie, qui est une discipline à part entière. Ce qui pose le plus de problèmes est la prédétermination du nombre de séances sans connaître la problématique. J'entends qu'il faille mieux communiquer pour que le dispositif soit mieux emprunté par les patients, mais ne faudrait-il pas étendre le nombre de séances afin de correspondre davantage aux besoins des patients ?