Effectivement, les dernières années ont été très riches pour l'hôpital sur les réformes de financement avec une dynamique qui s'est enclenchée à compter de 2018. Vous avez évoqué tous les domaines dans lesquels les réformes se mettent progressivement en place : la médecine d'urgence, les activités de psychiatrie, les soins médicaux de réadaptation, la prise en charge du financement à la qualité, les hôpitaux de proximité et la poursuite de la montée en charge des forfaits et notamment du forfait « maladie rénale chronique ».
Toutes ces réformes ont un point commun : réduire la part de T2A au profit de modèles combinés qui mettent en avant la spécificité de chaque champ d'activité avec des financements populationnels qui ont pour objectif premier de réduire les inégalités de santé et de financement, entre régions, entre établissements, et de passer d'une logique d'offre de soins à une logique de besoins de santé. Les critères populationnels sont caractéristiques de l'offre dans le territoire pour répondre aux besoins de soins. Ils sont différents selon les secteurs concernés.
Cette allocation de ressources populationnelles qui prend de plus en plus de place dans les compartiments de nos réformes est d'abord à la main des ARS. L'ARS doit pouvoir répartir cette dotation sur son territoire en fonction des besoins qu'elle estime devoir être pourvus. Cela a enclenché une charge de travail supplémentaire et surtout une nouvelle manière de travailler. Nous avons voulu rapprocher les financements du terrain. Aujourd'hui, les ARS remontent que c'est effectivement compliqué. La multiplicité et la concomitance des réformes font que la charge de travail et l'appréhension des nouveaux modèles ne sont pas négligeables pour les administrations.
Nous essayons d'être en formation et en appui auprès des comités d'allocation des ressources qui se mettent en place pour répartir ces dotations populationnelles. Nous les outillons également. Cet outillage vient soit des ARS – c'est notamment le cas des urgences – soit de l'Agence nationale de la performance sanitaire et médicosociale (Anap) et de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih). Là aussi, nous essayons de faire au mieux en avance de phase, sur la psychiatrie par exemple, qui est entrée en vigueur en 2022. L'outil est arrivé assez tardivement et a suscité de nombreuses réactions de la part de nos collègues en début d'année. Nous allons essayer de leur fournir un outil rectificatif d'ici cet été en lien avec l'Anap et l'Atih.
Sur le service médical rendu (SMR), nous essayerons d'être plus en anticipation. Nous visons un outil qui puisse venir en appui avant la fin de l'année pour une mise en œuvre en début d'année prochaine.
Les équipes de la direction générale de l'offre de soins organisent des réunions hebdomadaires avec les référents concernés des ARS sur les réformes de financement. Elles répondent aux questions et mettent en place des bilatérales, thématique par thématique. Nous essayons de sortir de nombreuses notices méthodologiques et guides. Il n'en reste pas moins qu'il faudra probablement se poser la question de l'outillage en moyens humains des ARS. Ce point est relayé par le secrétariat général des ministères sociaux. Encore une fois, l'importance et la concomitance des réformes nécessitent d'étoffer les services concernés des ARS.
Sur les urgences, la dotation populationnelle est entrée en vigueur en 2021, les forfaits le seront en 2022. L'année 2023 verra s'opérer quelques ajustements, notamment sur la pédiatrie et certains suppléments. La réforme SMR est prévue en juillet 2023, avec un fonctionnement rétrospectif début 2024.
Les annonces du Président de la République du 6 janvier 2023 engagent une réforme qui partage des points communs avec les réformes évoquées sur la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Le Président a parlé d'objectifs de santé publique. On retrouve cette idée de besoins de santé et de dotation populationnelle, même si elle sera nommée et fonctionnera différemment, de sortir d'un financement majoritaire à l'activité pour se concentrer sur les missions spécifiques de certains établissements dans les territoires et sur des objectifs de santé publique qui pourront prendre en compte les inégalités de santé ou la précarité.
La réforme des hôpitaux de proximité a été posée par la LFSS 2020. Les textes d'application ont été publiés en 2022. C'est un financement double, avec une partie de sécurisation des recettes qui ressemble à la garantie de financement. C'est une garantie pluriannuelle de l'activité de médecine qui est l'activité socle des hôpitaux de proximité. Ce niveau de garantie est fixé pour trois ans sur la base de 100 % des recettes historiques de l'établissement. Une enveloppe complémentaire prend la forme d'une dotation de responsabilité territoriale qui vise à accompagner le financement des missions nouvelles, en complément de la médecine de ville. Elle est aussi fixée pour trois ans et son niveau ne peut être inférieur à 75 000 euros annuels.
Une enveloppe de 100 millions d'euros a été dégagée pour financer cette réforme au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Faut-il dès à présent augmenter la partie populationnelle ? Nous avons souhaité donner la priorité à la sécurisation de ce nouveau modèle et à la sécurisation financière de ces établissements, comme demandé. La partie populationnelle a probablement vocation à accroître sa proportion dans les années qui viennent, effectivement.
Le modèle Ifaq est relativement récent, puisqu'il a commencé à être expérimenté à partir de 2016. Nous avons souhaité le monter en puissance à partir de Ma santé 2022. L'enveloppe en 2018 était de 50 millions et nous sommes passés à 400 millions en 2020 puis à 700 millions en 2022, même si tout n'a pas été réparti sur la base des indicateurs. Nous n'avons pas encore atteint le fameux milliard annoncé. L'objectif de financement à la qualité a repris de l'importance dans le discours du Président de la République du 6 janvier dernier. Il va devoir trouver toute sa place dans la réforme qui se mettra en place dans les années à venir sur la MCO, notamment en lien avec les objectifs de santé publique. Nous devrons parvenir à articuler les Ifaq et les compartiments de la réforme.
Aujourd'hui, il est certain que la parenthèse de la crise sanitaire a posé un certain nombre de problèmes en lien avec ces indicateurs. Les établissements n'ont pas pu se concentrer comme ils l'auraient dû sur le recueil et la délivrance des indicateurs. Par conséquent, ces indicateurs n'ont pas été bons. Par ailleurs, nous avons voulu stabiliser les ressources des établissements pendant les deux ou trois années de crise et post-crise et le dispositif n'est pas monté en charge comme nous le souhaitions. C'est pourquoi les 700 millions d'euros de 2022 ont été répartis non pas au prorata des résultats des indicateurs eux-mêmes, mais au prorata des volumes économiques.
Il n'en reste pas moins que cela doit rester l'un de nos objectifs. Il a été acté pour la campagne 2023, pour que le recueil permette d'enclencher de réelles dynamiques d'amélioration de la qualité et que le rythme de ce recueil soit biennal. Les indicateurs seraient bien recueillis chaque année, notamment ceux liés à la certification et à la satisfaction des patients, mais d'autres indicateurs seraient valorisés tous les deux ans, notamment ceux issus du dossier patient, afin de laisser le temps aux établissements de monter en charge et de faire de la vraie pédagogie auprès des professionnels. Cela permet de donner une visibilité pluriannuelle aux établissements.
Nous devons nous interroger collectivement sur la manière de faire évoluer les indicateurs. Nous avons évoqué les résultats cliniques des évaluations ou questionnaires de type Patient-Reported Outcome Measures (PROMs), qui sont beaucoup plus développés et utilisés à l'étranger qu'en France. Notre objectif doit être de pouvoir s'appuyer sur ce type d'indicateurs et de processes. Nous sommes très loin de l'objectif. L'idée est de procéder par étape.
Sur l'article 51, plus d'une trentaine d'expérimentations arrivent à échéance en fin d'année 2023 et dans la même proportion en 2024. Le défi que nous devons relever est leur intégration dans le droit commun.
L'investissement hospitalier est un point effectivement extrêmement important. La question posée est de sortir l'investissement des tarifs. Le Ségur a tout de même changé la donne en raison d'un nombre très important de financements délégués. Je rappelle la somme de 9 milliards d'euros sur l'investissement proprement dit pour les établissements de santé : 1,5 milliard d'euros d'investissements dits « du quotidien » et 7,5 milliards d'investissements structurants, auxquels s'ajoutent 6,5 milliards d'euros pour la restauration des capacités financières. Ces 9 milliards d'euros sont complètement sortis de la dynamique et du financement à l'activité.
Quelle est la prochaine étape ? Il est important que le financement des investissements courants reste en partie dans les tarifs. C'est ce qui déclenche une certaine efficience du cycle d'exploitation des établissements. En fonctionnement normal, l'établissement doit dégager sa capacité à financer ses investissements quotidiens. Il ne peut le faire que s'ils sont inclus en grande partie dans ses tarifs. En revanche, il faudrait à terme une enveloppe fléchée dans l'Ondam sur l'investissement lourd, qui soit régulière, pluriannuelle, pour éviter ces grands plans objectivement très difficiles à piloter au niveau national et en régions.
Je distinguerai donc les investissements courants qui doivent rester dans les tarifs en raison des objectifs de performance de nos établissements des investissements plus structurants qui auraient sans doute vocation à être identifiés au sein de l'Ondam.