En effet, cette fonction nécessite d'avoir, chevillée au corps, la volonté de rassembler. Il faut rassembler un pays fracturé par cinq années de politique trop souvent erratique, déconnectée du réel et – il faut le dire – largement inefficace.
Aujourd'hui, dignes héritiers de leur chef de file, les députés de la NUPES s'allient pour proposer dans cet hémicycle ce qu'ils savent faire le mieux : fracturer. Ils le font au détour d'une motion de censure déposée contre votre gouvernement, afin de mettre à genoux votre légitimité, madame le Premier ministre.
Il s'agit donc d'une stratégie résolument offensive – pour ne pas dire d'une stratégie de blocage qui vise à nous faire obéir à un homme – vous voyez de qui je parle –, alors que, comme l'a si bien formulé la philosophe Simone Weil, « l'obéissance à un homme dont l'autorité n'est pas illuminée de légitimité, c'est un cauchemar ».
Si la tentation de se pousser du col est grande et que la gauche y a succombé, il me semble qu'il a une autre façon de servir la France et les Français. Elle n'a rien de révolutionnaire et requiert simplement la volonté de travailler tous ensemble au bien commun de notre pays qui s'engage – c'est vrai – sur des chemins escarpés et même périlleux. Au pied d'un mur d'inflation qui se dresse devant nous chaque jour plus haut, face à un pouvoir d'achat en chute libre et à un épuisement démocratique qui peut à tout instant jeter nos compatriotes dans la rue pour réclamer leur dû, à savoir, la justice sociale, la sécurité, un système sanitaire résilient, une immigration contrôlée – et j'en passe.
Madame le Premier ministre, ce dû vous oblige. Si je ne fais pas partie de ceux qui contestent votre légitimité, je suis de ceux qui vont vous demander des comptes, de ceux qui n'ont pas perçu dans votre discours de politique générale le souffle de la renaissance annoncée. C'était même plutôt tout l'inverse : une litanie de vieilles recettes versées dans de vieux pots sur lesquels vous faites à peine l'effort de changer les étiquettes.
Tout y est passé, ou presque. Vous voulez renforcer la cohésion dans les territoires ; cependant les collectivités locales, et les premières d'entre elles, les communes, auront-elles enfin les coudées franches pour rendre plus efficaces les politiques qui les concernent au premier chef, qu'il s'agisse des quartiers prioritaires, de la réhabilitation de nos centres-villes ou de l'évaluation des valeurs locatives effectuées par l'administration fiscale ?
Vous annoncez 15 000 places supplémentaires en prison ; cet engagement a déjà été pris par Emmanuel Macron il y a cinq ans, or à peine plus de 2 000 places ont été réellement construites. Pourquoi donc vous croire aujourd'hui ?
Vous prônez une immigration contrôlée ; là encore, comment ne pas applaudir ? En même temps, comment ne pas se souvenir ? En cinq ans, les chiffres de l'immigration ont explosé. L'an dernier, seules 9,3 % des obligations de quitter le territoire français ont été exécutées, en incluant les retours volontaires et spontanés.
Comment ne pas se demander à quoi a servi le précédent quinquennat, quand vous annoncez déjà de grandes réformes sur le climat, le plein emploi, l'école, la santé, les territoires, l'insécurité, la souveraineté nationale, autant de sujets déjà examinés, manifestement en pure perte ? Alors, vous n'écoutiez personne, vous refusiez systématiquement d'entendre vos oppositions sous le seul prétexte que nous étions votre opposition ! L'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés en est l'exemple le plus criant : nous n'avons cessé de la réclamer ; vous n'avez cessé de la refuser ; vous acceptez désormais enfin de la mettre en place. Que de temps perdu !
Au lieu de faire preuve d'audace, d'imagination, au lieu de vous affranchir du bavardage des uns et des autres, vous avez préféré tendre la main, ou plutôt, le bout des doigts, à quelques présidents de groupes parlementaires au mépris de la France insoumise et du Rassemblement national. Comme si les députés de ces groupes n'étaient pas légitimement élus, comme s'ils n'étaient pas assez républicains ! C'est une nouvelle gifle infligée à leurs électeurs qui, comme tous en France, rêvent simplement d'être entendus et d'exister.