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Intervention de Olivier Thibault

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Olivier Thibault :

Monsieur Fugit, l'OFB n'est pas un établissement scientifique et technique de recherche, mais un établissement public administratif, qui doit agir comme tel. Même si certains de ses agents effectuent des actions de recherche, leur positionnement est différent : l'OFB fournit une expertise aux ministères et aux services déconcentrés de l'État, ce qui requiert une vraie rigueur scientifique, pour la crédibilité du système.

Pierre Dubreuil a mis en place des partenariats avec des établissements de recherche : l'Ifremer, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), l'Anses, le CNRS et l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Il est important de continuer sur cette voie afin que l'OFB puisse coordonner ces différents organismes et organiser l'articulation entre la connaissance, la recherche et la police.

Par ailleurs, l'OFB ne doit pas être juge et partie : celui qui produit de la connaissance ne peut pas être aussi celui qui rend des avis ou des décisions. C'est donc bien l'État, et non pas l'OFB, qui se prononce sur les procédures d'autorisation, le procureur ou le préfet qui décide de la suite, judiciaire ou administrative, à donner.

S'agissant des effectifs, je redis qu'ils sont un élément structurant de l'action qui pourra être menée par l'OFB. Si vous vous demandez si l'établissement saurait quoi faire d'effectifs supplémentaires, la réponse est oui, sachant que l'arbitrage relève du Gouvernement et des assemblées parlementaires, dans le cadre du vote du projet de loi de finances. Des enjeux majeurs sont devant nous. Notamment, pour la future stratégie nationale de la biodiversité qui doit être mise en œuvre, l'OFB me paraît un excellent opérateur.

Pour ce qui est de la parité, je n'ai pas prévu d'évolution sur ma personne...

Monsieur Lovisolo, je crois beaucoup aux partenariats avec les collectivités locales. L'OFB dispose de centres de ressources pour mettre à disposition des connaissances, des actions et des guides méthodologiques. La difficulté est de les faire parvenir jusqu'à ceux qui sont susceptibles de les mettre en œuvre, et ce sont des hommes et des femmes qui peuvent relayer dans les territoires les beaux guides publiés sur internet. En tout cas, pour moi, l'OFB n'est pas un établissement dont le seul rôle est d'effectuer un contrôle en aval ou donner des avis techniques en amont ; c'est un opérateur qui doit fournir des solutions, avancer des propositions et faire la preuve par l'exemple, pour donner à d'autres des idées, des références et des moyens.

Monsieur Leseul, la stratégie nationale pour les aires protégées a été approuvée il y a maintenant deux ans. Le Président de la République a fixé un objectif de 30 % d'aires protégées, dont un tiers en protection forte – soit 10 % du territoire. Nous avons atteint cette cible, puisque nous sommes quantitativement au-delà des 30 %. En revanche, du point de vue qualitatif, nous avons interrogé la totalité des régions, métropolitaines et ultramarines, pour apprécier la répartition de ces aires sur le territoire et la réalité des protections attachées aux « hot spots biodiversité ». Il ressort que des territoires emblématiques et des types d'espèces méritant d'être protégés ne le sont pas suffisamment. Dans le cadre de la territorialisation, 350 projets d'aires protégées sont dans les tiroirs : il faudra en faire aboutir un certain nombre. En outre, certaines régions sont moins avancées que d'autres.

Concernant les protections fortes, plutôt que de s'arc-bouter sur une protection stricte et d'interdire la présence humaine sur 10 % des zones, le Gouvernement a choisi d'organiser une présence et des activités humaines qui soient totalement compatibles avec une protection très forte de la biodiversité. Ce serait une fierté de montrer qu'il est possible d'avoir des zones de protection forte présentant une biodiversité exceptionnelle, et de permettre aux touristes de s'y promener et à des personnes d'y vivre. Nous en avons des exemples ; il faut les valoriser.

Avec 4 % de zones de protection forte, mais seulement quelque 1 % en enlevant les territoires d'outre-mer, notamment les terres australes et antarctiques françaises, nous sommes très loin de l'objectif de 10 %. Or l'enjeu est réel. Le changement climatique accélérant la fragilisation des espèces, on a besoin des zones de reconquête, qui soient reliées entre elles. À cet égard, la trame verte et bleue est essentielle. Elle doit être retravaillée dans le cadre de la stratégie nationale de la biodiversité, pour permettre les connexions, la mobilité des espèces et l'accès à la nature de nos concitoyens, facteur d'une meilleure protection.

Quant à la pollution plastique, il s'agit d'un enjeu majeur, trop méconnu. La pollution des microplastiques est partout, dans l'eau que l'on boit et dans tous les milieux. Il n'est plus un espace exempt de ces microplastiques. D'une manière générale, nous avons encore beaucoup à faire sur les micropolluants.

Nous promouvons un certain nombre d'actions – je parle là en tant que directeur de la biodiversité, mais nous souhaitons les démultiplier –, pour les plages sans plastique, le blocage des plastiques à la source, et éventuellement une redevance liée à l'introduction de microplastiques dans des produits qui pourraient s'en passer.

La cohabitation avec la pêche, notamment artisanale, et la protection des cétacés sont deux sujets difficiles qui suscitent de nombreuses tensions – j'ai une pensée pour les agents de Brest qui ont vu leur lieu de travail brûler à la suite d'une manifestation. Reste que l'on ne peut pas se satisfaire du nombre de captures accidentelles dans le golfe de Gascogne et qu'on voit bien, aux nombreux échouages de cétacés sur nos plages, qu'il y a un problème.

Arrêter complètement toute activité de pêche m'apparaîtrait comme une défaite collective. Comme on n'arrive pas – et je n'en reviens pas – à mieux connaître les bateaux qui pêchent ces cétacés, on a recours à des systèmes de connaissance bien plus forts, notamment en équipant cent fileyeurs en caméras – certains chalutiers le seront aussi sur la base du volontariat. C'est en sachant quel bateau pêche quoi et comment que nous pourrons mettre en place des mesures efficaces. Si nous n'y arrivons pas, les seules solutions seront de fermer la pêche pendant une période plus longue que ne le nécessiterait la résolution du problème, ou bien de fixer le nombre de captures à un niveau acceptable – si nous ne le faisons pas, l'Europe s'en chargera pour nous. Quoi qu'il en soit, il faut accompagner les pêcheurs : en fermant la pêche, s'il le fallait, au bon moment et au bon endroit, mais aussi, en matière de prévention, en faisant des tests avec des pingers actifs ou répressifs, étant entendu que la solution ne doit pas créer de nouveaux problèmes. En tout cas, le statu quo ne me paraît pas envisageable sur ce sujet-là.

Monsieur Ray, vous avez évoqué l'excès répressif de certains agents. À l'heure où notre territoire connaît beaucoup de tensions, il est particulièrement important de retrouver une relation apaisée, ce qui passe par le dialogue et l'explication. Mais cela ne doit pas empêcher d'agir face à la mauvaise volonté. Le but n'est certes pas de distribuer des procès-verbaux à des gens qui ont toujours eu la même pratique et ne savent pas que la règle a changé, mais on ne peut pas se montrer aussi tolérant avec ceux qui disent n'avoir que faire de la politique de l'environnement et refusent de changer de comportement, certains de ne recevoir aucune sanction. C'est tout simplement l'État de droit qu'ils remettent en cause. Des journées de rencontre sont déjà organisées dans un certain nombre de territoires. Je ne sais pas s'il faut les généraliser, en tout cas il faut que le monde agricole discute avec les agents chargés du contrôle, administratif ou judiciaire. Le faire par des relais comme les chambres d'agricultures est un moyen. Ce genre d'opérations est important et l'OFB les préconise.

Je n'avais pas répondu sur la redevance pour la biodiversité, ce qui me permet d'aborder le financement de l'OFB, qui a plusieurs sources. Une part importante provient des agences de l'eau, qui perçoivent des redevances auprès des usagers, particuliers, industriels ou agriculteurs. D'un montant de 382 millions d'euros, leur participation est à son maximum. C'est un sujet difficile au sein des comités de bassin et des agences, qui fonctionnent sur le vieux principe selon lequel l'eau paye l'eau, qui date des lois sur l'eau de 1964, de 1992 et de 2006. Depuis la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 et la création de l'AFB, c'est désormais l'eau, la biodiversité et la mer qui devraient payer pour ces trois domaines. Or l'essentiel des redevances des agences de l'eau est aujourd'hui lié à l'eau, même si les chasseurs et la redevance « phyto », qui est un enjeu de biodiversité, y contribuent également pour une part. Qu'il n'y ait pas de redevance « biodiversité » attribuée aux agences de l'eau est pour elles un sujet de crispation : pourquoi le consommateur d'eau du robinet payerait-il pour la biodiversité ?

Les 382 millions d'euros sont essentiels pour l'OFB, car ils constituent le cœur de ses ressources. Aller plus loin poserait des problèmes au sein des comités de bassin, car le but des redevances est de faire fonctionner le système de l'eau, où il y a beaucoup à faire.

Il n'y a que peu de moyens pour financer la biodiversité : l'augmentation des redevances, donc la fiscalité affectée, ou les crédits budgétaires. Ces dernières années, ce sont les crédits du programme 113 Paysages, eau et biodiversité qui ont alimenté la croissance de l'OFB. Selon le rapport sur la stratégie nationale pour la biodiversité, paru en fin d'année dernière, et le rapport sur la stratégie nationale pour les aires protégées, il y aurait d'autres possibilités de développer le financement de l'OFB par la fiscalité affectée.

Par exemple, la taxe sur la plus-value des terrains nus devenus constructibles et dont la valeur a monté en flèche. Ce changement de destination implique des conséquences pour la biodiversité ainsi qu'en matière d'artificialisation, ce qui renvoie au ZAN. Cette taxe existe déjà sans être obligatoire ; elle pourrait le devenir et financer de manière tout à fait explicable l'OFB ou les agences de l'eau. Une part additionnelle de la taxe d'aménagement a aussi été citée dans cette même idée. Ce sont là des éléments qui pourraient émerger dans le débat parlementaire.

Le plan « eau » comporte cinquante-trois mesures, dont une relative à l'outre-mer qui est spécifique à l'OFB. Il n'y a pas d'agence de l'eau dans ces territoires, seulement des offices de l'eau, qui sont des établissements publics des collectivités territoriales et non de l'État. L'OFB y remplit le rôle de solidarité de la métropole envers l'outre-mer dans le domaine de l'eau, pour un montant compris entre 20 et 30 millions d'euros par an. Le plan « eau » propose de relever cette enveloppe de 35 millions d'euros, les outre-mer ayant à relever des défis majeurs, que ce soit la Guadeloupe, Mayotte ou la Guyane – la situation, bien que fragile, est plus solide en Martinique. L'OFB sera chargée de la gestion de l'enveloppe, qui sera comprise entre 55 et 65 millions d'euros.

Monsieur Descoeur, vous avez souligné la nécessité d'amplifier les contrôles dans un contexte de sécheresse. J'ai déjà largement évoqué ce sujet avec le ministre de la transition écologique, M. Béchu. Nous sommes en train de finaliser la stratégie nationale de contrôle « eau et nature » et avons sensibilisé les agents de l'OFB quant à la nécessité de prévoir des actions importantes de lutte contre la sécheresse l'été prochain.

Après une sécheresse impressionnante l'année dernière, l'hiver n'a pas permis de recharger suffisamment les nappes phréatiques. Sur le pourtour méditerranéen, où il n'a pas plu cet hiver ni ce printemps, la situation est d'ores et déjà très difficile, ce qui a nécessité la publication de nombreux arrêtés sécheresse. Dans d'autres territoires français, on peut avoir l'impression que l'herbe est très verte en ce moment ; or la pluie n'est pas tombée au moment où les nappes se rechargent mais à celui où la végétation repart, ce qui fait que l'eau a été captée par la végétation de surface. Dès que le temps deviendra plus sec, la situation sera difficile, notamment en région parisienne, où les nappes sont vraiment très basses et où des mesures commencent d'ailleurs à être prises, et dans le marais poitevin.

Il faudra donc effectivement procéder à des contrôles. L'an dernier, l'OFB a réalisé un effort impressionnant dans ce domaine. Là encore, il ne s'agit pas de placer un agent derrière chaque agriculteur ou chaque piscine ; cependant, si des comités sécheresse adoptent des règles ou des restrictions et que certains particuliers, agriculteurs ou industriels décident explicitement de ne pas jouer le jeu, ce sera le bazar dans le reste du département. Nous ne sommes pas obligés d'attendre qu'il n'y ait plus d'eau potable pour organiser des contrôles. Je reste persuadé qu'il faut d'abord se mettre d'accord sur les restrictions à adopter, qui doivent être proportionnées, mais qu'une fois que le préfet a pris un arrêté, ce dernier doit être assumé et son respect contrôlé. Il arrive toujours que des acteurs disent explicitement qu'ils n'en ont rien à faire. Il convient alors de lutter contre ces comportements déviants, de manière affichée et proportionnée ; si l'explication ne suffit pas, des sanctions doivent être prises.

Monsieur Causse, vous avez évoqué l'objectif ZAN : encore un sujet politique un poil compliqué ! L'OFB ne se situe pas en première ligne sur cette question, qui touche encore une fois à l'aménagement du territoire. Quand on perd, du fait de l'artificialisation des espaces naturels, l'équivalent d'un département tous les dix ans, on se doute bien que les choses ne pourront pas continuer de la sorte pendant 250 ans ! Certes, l'artificialisation s'est ralentie ces dernières années, mais si nous voulons atteindre le ZAN en 2050, nous devrons diviser le rythme par deux d'ici à 2030.

Un point me tient particulièrement à cœur, dans lequel l'OFB a un rôle à jouer : les sites naturels de restauration et de renaturation dont le projet de loi relatif à l'industrie verte prévoit la création. L'idée est de faire évoluer les sites naturels de compensation, qui existent déjà, et de sortir d'un système où la compensation ne s'effectue qu'à la demande, dans le cadre d'un projet d'artificialisation. Il faut changer de paradigme et être capable de décider collectivement de recréer volontairement de la biodiversité. Les aménageurs fonciers désireux de mettre en œuvre des projets ayant un impact sur la nature sont soumis au principe « éviter, réduire, compenser » ; aussi sont-ils souvent à la recherche de compensations, un peu trop tard, dans l'urgence, au risque de bloquer leurs projets et de créer des tensions. L'existence des sites naturels de compensation permet déjà d'anticiper ces demandes ; les sites naturels de restauration et de renaturation amplifieront ce phénomène, de sorte que les entreprises ayant envie de restaurer un espace puissent le faire et le valoriser. Vous avez tous entendu parler de la valorisation des crédits carbone : il faut que nous réunissions à faire la même chose en matière de biodiversité.

M. Ott, M. Caron et plusieurs d'entre vous ont reparlé des produits phytosanitaires. Je pensais avoir été clair, mais je le répète : nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faut interdire l'agriculture. Nous devons trouver les moyens de concilier les différents usages. Avec nos collègues du ministère de l'agriculture, nous sommes en train de repenser la politique Écophyto. Les plans Écophyto 1, Écophyto 2 et Écophyto 2+ se sont succédé, toujours avec le même objectif de division par deux de l'utilisation des produits phytosanitaires. Cela bouge un peu, et nous avons même atteint notre objectif auprès des particuliers et des infrastructures linéaires puisque les usages non agricoles ont diminué de 95 % depuis 2008. Cependant, nous n'avons pas obtenu les résultats escomptés s'agissant des usages agricoles.

À mon sens, il faut changer de paradigme et sortir d'un objectif de substitution de molécules. On a beaucoup trop longtemps considéré qu'en cas de problème posé par une molécule, il fallait en trouver une autre. Vous avez peut-être entendu parler de l'atrazine, que l'on retrouvait dans l'eau potable et qui a donc été interdite dans les années 2000. La concentration d'atrazine dans l'eau baisse tout doucement ; dans certains de nos captages, il arrive cependant qu'elle augmente – cela vous montre l'impact de l'utilisation des produits phytosanitaires dans le temps. Or l'atrazine a été remplacée par d'autres molécules, dont le métolachlore, un herbicide utilisé dans la culture du maïs, qui pose exactement le même problème : dans un certain nombre de captages, les concentrations de métolachlore ou de S-métolachlore augmentent. Ne cherchons pas à remplacer cette substance par une autre molécule : ce serait une course infinie !

Dans l'optique d'un changement de pratiques, il faut redécouvrir l'agronomie. Les cultivateurs des générations passées savaient aussi vivre avec la nature et utiliser des biocontrôles. Je ne veux pas jeter l'opprobre sur les agriculteurs : c'est la société tout entière qui a poussé à la révolution verte, consistant à produire beaucoup plus avec des solutions qui fonctionnent – et il est vrai que les produits phytosanitaires fonctionnent très bien, à court terme, bien qu'il faille par la suite passer à des molécules beaucoup plus puissantes. La redécouverte de l'agronomie est difficile : elle demande de l'expertise, du suivi et de la technicité. C'est bien beau de dire qu'il ne faut pas utiliser de produits phytosanitaires, mais nous avons besoin de nous nourrir et les agriculteurs ont besoin d'un revenu ; or ces derniers peuvent tout perdre du fait des dégâts causés par un ravageur qu'ils n'ont pas su empêcher.

Dans ce domaine, je crois beaucoup à l'accompagnement. Il faudrait perfectionner nos mesures agri-environnementales et climatiques pour mieux orienter les pratiques. Les plans de sauvegarde de l'eau peuvent constituer une partie importante de la réponse, notamment dans les captages d'eau potable et dans les sites Natura 2000. Ces outils doivent nous apprendre à vivre avec beaucoup moins de produits phytosanitaires, voire à nous en passer presque totalement, sans remettre en cause la souveraineté alimentaire.

On ne peut pas balayer cette question d'un revers de la main, en disant que la réponse est très simple. Objectivement, elle est même très compliquée. Nous devons cependant œuvrer en faveur d'un changement de paradigme, qui ne se fera pas contre le monde agricole.

Cela fait deux ans que nous voyons venir le problème posé par les chantiers forestiers. Comme vous avez pu le voir hier soir, dans l'hémicycle, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, l'article L. 411-1 du code de l'environnement impose à toute personne souhaitant faire des travaux affectant des habitats ou des espèces protégées d'obtenir une dérogation. Contrairement aux espaces agricoles, les écosystèmes forestiers, parce qu'ils sont généralement gérés, constituent des endroits plutôt favorables à la biodiversité, où cette dernière s'érode moins qu'ailleurs. Aussi, la présence d'espèces protégées due à l'exploitation sylvicole peut-elle bloquer des travaux forestiers qui en sont pourtant à l'origine ? On répond aujourd'hui à cette question par la négative : il n'y a pas d'incompatibilité entre la présence d'espèces protégées et l'engagement de chantiers forestiers. Cela ne veut pas dire que les travaux peuvent être entrepris n'importe comment : il faut avoir conscience de leur impact potentiel, d'autant que certaines périodes sont sensibles, et donc organiser tant les chantiers forestiers que les obligations légales de débroussaillement (OLD) au meilleur moment, partout où cela est possible. Il faut aussi avoir une vision d'ensemble de ces travaux afin de garantir qu'ils sont globalement favorables à la biodiversité et à la préservation des espèces protégées.

Un groupe de travail planche depuis six mois sur ce sujet : il s'apprête à publier ses conclusions, qui permettront d'organiser les chantiers forestiers et de les rendre compatibles avec la protection de la biodiversité. Un arrêté dont nous espérons la publication en septembre explicitera la notion de travaux courants, notamment forestiers, et précisera les conditions et les modalités selon lesquelles ils peuvent être entrepris pour maintenir les forêts sans bloquer les exploitations. Dans la lutte contre le changement climatique, le bois présente en effet un véritable intérêt puisqu'il permet notamment de stocker le carbone. Grâce à ce système, on ne sera pas obligé de demander des dérogations « espèces protégées » à chaque fois que l'on voudra couper un arbre dans une forêt.

Parlons maintenant un peu de chasse – plusieurs d'entre vous m'ont interrogé à ce sujet, notamment Mme Pochon. Je suis persuadé que nous devons, dans notre lutte contre l'érosion de la biodiversité, nous appuyer sur tous les acteurs de nos territoires. Les chasseurs et les pêcheurs en font partie : ils peuvent même constituer de très bons relais. Nos amis forestiers estiment d'ailleurs que les chasseurs ne s'occupent pas assez d'un certain nombre d'espèces, notamment des ongulés – cervidés, cerfs et chevreuils.

Le monde dans lequel nous vivons n'est pas équilibré, et nous faisons le choix politique de maintenir un certain nombre de ces déséquilibres. Si nous voulons produire des denrées agricoles, nous devons être capables de protéger nos champs ou d'intervenir à certains endroits pour éviter des pertes trop importantes. Si nous voulons produire du bois, nous devons aussi être capables de régénérer nos forêts – à certains endroits, que je pourrais vous montrer sur une carte, la forêt ne se régénère plus du tout depuis trente ans. Certains diront qu'il suffirait de réintroduire des loups pour qu'ils régulent les cervidés ; il n'empêche que nous sommes confrontés à de vrais problèmes. À partir du moment où l'on veut des forêts productives et de l'agriculture productive, il faut être capable d'intervenir et de réguler. Mieux vaut utiliser des gens qui agissent bénévolement, avec volontarisme, que de payer des fonctionnaires pour faire la même chose – c'est en tout cas le modèle que nous avons choisi en France. Je parle ici des animaux sédentaires ; or on reproche plutôt aux chasseurs d'être trop « bons pères de famille » et de trop laisser les populations d'animaux augmenter.

S'agissant maintenant des animaux de passage, notamment des oiseaux de passage, c'est plutôt un système cueilleur qui peut poser problème ; là encore, la régulation est nécessaire. Il est vrai qu'un certain nombre d'espèces sont menacées, en déclin, d'où l'instauration de moratoires qu'il faudra prolonger tant que nous n'aurons pas résolu ces problèmes. Le fait de figurer dans une liste de l'UICN n'est pas forcément mauvais signe : ces listes comprennent de nombreuses catégories, européennes et françaises, et les choses ne sont pas aussi simples que ne le décrit M. Caron. Mon ambition consiste à sortir d'un système « tout ou rien », où les décisions sont toujours prises trop tard, à la hausse comme à la baisse : certains animaux se développent trop bien et on ne sait pas réagir, d'autres connaissent un déclin important et on réagit trop tard. Je plaide pour une gestion adaptative fondée sur la science, tenant compte de la reproduction de ces oiseaux et de nos objectifs de population.

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