Tout ce que décrivait Rachel Carson, il y a soixante ans, dans son Printemps silencieux est en train d'advenir : silence. Ça meurt dans nos campagnes et nous vivons la sixième extinction des espèces sans un bruit. Le silence politique a encore été total lundi, face à la déflagration qu'a constitué l'annonce de la disparition en quarante ans de 60 % du nombre d'oiseaux des champs en Europe – 20 millions d'individus chaque année. L'étude est historique : menée pendant trente-sept ans dans vingt-huit pays, elle pointe l'utilisation des pesticides et des engrais comme étant la principale cause du déclin massif des populations d'oiseaux. Or, hier, nos collègues sénateurs, n'ayant vraisemblablement pas entendu la déflagration, ont voté l'expérimentation de l'épandage de pesticides par drones. Nous sommes globalement en train de faire n'importe quoi !
Votre candidature à la direction générale de l'OFB arrive à un moment majeur pour l'écologie qui, un temps tenue pour une nécessité impérieuse sous un mandat qui sera « écologique ou ne sera pas », doit maintenant observer une « pause réglementaire » parce qu'elle menacerait notre économie – sans parler de la proposition de loi sur la « ferme France » et les accusations d'écoterrorisme. Un moment historique, où l'on essaie de faire taire l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), où l'on demande aux agents de l'OFB de fermer les yeux ou de suspendre leur contrôle des vergers, au nom de notre compétitivité, à laquelle glyphosates et néonicotinoïdes sont indispensables.
Cette belle compétitivité amène, dans notre système malade, un Français sur cinq à ne pas se nourrir à sa faim, et un agriculteur sur trois à vivre sous le seuil de pauvreté. D'ici à la fin du siècle, les insectes pourraient avoir disparu du fait de l'agriculture conventionnelle – pardon, de l' « agriculture raisonnée ». Or la raison ne nous dicte-t-elle pas de faire de la préservation du vivant une priorité absolue, non pas pour préserver simplement notre cadre de vie, mais bien les conditions de vie sur terre ?
Le rôle de l'OFB dans les années à venir sera déterminant. Pour le climat, comme pour la biodiversité, nous avons trop tardé, mais nous sommes parvenus à un consensus – certes, balbutiant – sur l'impératif de neutralité carbone à court terme. Malgré tous les jolis discours que vous aurez entendus aujourd'hui, vous devrez convaincre une majorité sur ces bancs d'écouter d'urgence ce que nous commande la science pour la préservation du vivant. Comment vous assurerez-vous de l'indépendance de l'OFB, placé sous la cotutelle du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires mais aussi du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui promeut certaines politiques ? Comment comptez-vous faire pour que l'OFB soit entendu ?