Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mardi 9 mai 2023 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Je le sais bien. C'est votre qualité. Je vais d'ailleurs discuter certaines de vos appréciations, ce qui vaudra interrogation. Vous venez de prononcer une phrase qui m'a marqué : « chacun sait que la dette publique ne sert à rien ». C'est, à mes yeux, une affirmation assez curieuse. Elle est aussi radicale que si l'on affirmait « la dette publique, qu'importe ? ». Considérer que la dette publique ne sert à rien revient à dire que les 2 950 milliards d'euros de dette publique accumulée depuis quelques années n'ont servi à rien. Vous avez parlé de circonstances exceptionnelles. Cette dette nous a-t-elle permis, ou non, d'essayer de surmonter la crise du covid ?

Le fait d'être venu au secours des banques en 2010 a fait monter la dette, à l'époque, de 413 milliards d'euros. Fallait-il laisser les banques périr après la crise des subprimes ?

Chacun pourra considérer qu'il est normal d'emprunter dès lors que l'on prévoit, au cours des années à venir, des investissements qui ne peuvent être financés par une seule année de production de richesses nationale. La dette sert alors à étaler sur des années les investissements nécessaires pour nos infrastructures, par exemple. Je suis donc assez étonné par cette déclaration, qui me semble assez radicale.

Je vois bien la position du Gouvernement sur le programme de stabilité. Elle consiste à faire du désendettement le premier impératif, considérant que celui-ci n'est plus supportable. Cependant, la nécessité simultanée de baisser les impôts conduit à reporter l'effort sur le troisième terme de l'équation, à savoir les dépenses publiques, avec les conséquences que cela peut avoir. On dit que la dette publique est devenue insupportable. En valeur absolue, la charge de la dette passe de 35 milliards d'euros en 2021 à 70 milliards en 2027, ce qui paraît effectivement une très forte augmentation. Néanmoins, cette évolution, examinée en pourcentage du PIB, paraît déjà plus supportable : la dette représenterait ainsi 2 % du PIB en 2027 (au niveau de 70 milliards d'euros), du fait notamment de l'inflation et de la production de richesses, contre 1,5 % du PIB en 2021 et 1,9 % en 2022. Méfions-nous, par conséquent, des chiffres en valeur absolue qui nous conduiraient à faire de la dette un chiffon rouge. Je n'affirme pas que les chiffres sont anodins ni que la question n'est pas à considérer. Nous voyons cependant, en pourcentage du PIB, que la situation est moins dramatique que lorsqu'on considère le passage de la dette de 35 à 70 milliards d'euros.

Des comparaisons sont aussi faites sans arrêt avec d'autres pays européens sur la question des prélèvements obligatoires, qui contribueraient à accroître les dépenses publiques et les déficits. Vous avez vous-même évoqué ces comparaisons lors de votre intervention. Ne devrions-nous pas mener cette réflexion à périmètre constant ? Nous avons soumis cette question, lors d'une audition récente consacrée à la défense. Dès lors que la France assume un budget de la défense servant aussi à d'autres pays européens, le budget de la défense ne devrait-il pas sortir du périmètre de calcul des déficits publics pour l'appréciation des critères de Maastricht ? De même, tous les pays ne retiennent pas le même périmètre du point de vue des prélèvements obligatoires servant à financer les dépenses de retraite, de santé et d'éducation. Même lorsque ces dépenses ne sont pas financées par l'État ni par les cotisations sociales, elles sont, in fine, payées par des agents économiques. Aux États-Unis, les montants dépensés pour la santé sont extrêmement élevés, même s'il est vrai que ces dépenses relèvent peu de la sphère publique. Elles contribuent à la dette privée, sachant que ces dépenses consacrées à la santé, en pourcentage, sont à peu près comparables.

Le Gouvernement s'oriente manifestement vers une diminution des dépenses publiques. Il y a des débats quant à l'appréciation de cette orientation. À nos yeux, c'est privilégier une logique d'austérité. Nos collègues de la majorité contestent ce chiffre mais, en croissance tendancielle, 135 milliards d'euros d'économies seront à trouver d'ici 2027, au titre du programme de stabilité, par la réduction des dépenses publiques. C'est une cure d'austérité d'une ampleur que la France aura rarement connue. À cela s'ajoute le fait qu'une fois votée la loi de programmation militaire, les autres dépenses publiques devront baisser davantage. Je crois que vous aviez indiqué le chiffre de 1,4 %. Pour autant, les dépenses publiques constituent aussi des recettes, comme je l'ai souvent souligné ici, en ce sens qu'elles contribuent au fonctionnement de l'économie. Elles ont même, à un moment donné, évité l'entrée du pays en récession. En 2010-2012, l'économie française n'est pas entrée en récession grâce aux dépenses publiques, alors que le marché privé était en recul.

Lorsque se fait jour un risque de récession dans l'économie au niveau mondial et que les dépenses publiques diminuent, cette diminution ne peut-elle avoir un effet récessif, alors même que la France s'en est plutôt bien sortie, ces dernières années, du fait d'avoir pu compter sur ces dépenses ? Ne faudrait-il pas plutôt rechercher sur le plan des dépenses fiscales les moyens d'investir dont notre pays a besoin et des pistes pour commencer de diminuer la dette ?

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