Grâce à votre commission et à votre invitation, j'ai dû m'intéresser un peu plus à ce sujet. J'ai cru comprendre – mais je parle sous votre contrôle – que cette directive a pour objectif l'amélioration des conditions de travail des personnes qui exercent une activité par l'intermédiaire d'une plateforme. Elle vise à instaurer un mécanisme de présomption de salariat, qui requiert le respect de cinq ou sept critères prédéfinis – mais non arbitrés à ce stade – mais aussi à encadrer et à améliorer la transparence relative à la gestion algorithmique du travail. Ce dernier aspect est, je pense, le vrai sujet auquel nous sommes confrontés ; nous y serons encore davantage exposés à l'avenir.
Il est vrai qu'un certain nombre de pays – le Portugal, l'Espagne, la Belgique et les Pays-Bas – sont favorables à une ligne ferme, à savoir une requalification quasi automatique en une relation salariale, dès lors que deux des cinq critères sont remplis. Il y a des positions différentes au sein de l'Union européenne, certains pays étant opposés à la requalification massive, tandis que d'autres encore, à l'image de l'Allemagne et de la France, ont une approche intermédiaire. Je me sens plus proche de la vision française, même si je comprends, au vu de ce que j'ai vécu, les positions plus dures du premier groupe de pays que je viens d'évoquer.
L'approche française cherche, me semble-t-il, à préserver la nécessité de faire naître des géants numériques européens, qui créeront de la valeur en Europe, et à mieux protéger les travailleurs dans ces secteurs. L'unification du marché européen est nécessaire à l'éclosion de ces champions du numérique. Je regrette d'ailleurs que, du fait des divisions, des prises de distance entre États membres, cette discussion soit bloquée. Le débat porte sur la question de savoir s'il faut remplir un, deux, trois ou quatre critères. Je ne suis pas étonné que s'affrontent des traditions régulatrices, favorables au basculement automatique des travailleurs des plateformes vers le salariat, et d'autres plus libérales. Mais je pense sincèrement – et c'est d'une certaine manière ce que nous avions en tête lors des faits qui m'amènent devant vous – qu'il faut essayer de préserver, d'un côté, la force d'une économie nouvelle et, de l'autre, le statut des salariés. La France a, de fait, une position médiane. Le plus urgent me semble d'adopter une directive européenne et de faire évoluer le droit pour qu'il devienne plus protecteur pour les travailleurs. Mes convictions et mon expérience m'inclinent à penser qu'il faut favoriser l'unification du droit et la protection.