Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre :

La stratégie d'Uber était d'un cynisme total. Elle consistait à multiplier les fronts de façon agressive et disruptive pour obliger l'État à modifier sa réglementation de sorte que celle-ci devienne favorable aux intérêts d'Uber, ce qui était inacceptable. Pour contrecarrer cette stratégie, il me paraissait souhaitable de ne rien laisser passer à Uber sur aucun sujet, ni sur Uber Pop, ni sur le non-respect des dispositions législatives et réglementaires concernant les activités qui ne relevaient pas d'Uber Pop, ni sur les conditions d'exploitation des personnes par Uber. En effet, ce qui restait aux chauffeurs d'Uber Pop après avoir travaillé des heures durant dans des conditions de déréglementation totale était absolument inacceptable au regard des principes du droit français.

Vous avez raison sur la stratégie cynique d'Uber, tous azimuts, destinée à obtenir la déréglementation la plus totale pour permettre non pas aux chauffeurs d'Uber de prospérer, mais pour permettre à Uber de faire son business sans acquitter de charges sociales ni payer d'impôts en France – puisqu'il avait une petite activité en France, donc une assiette fiscale qui ne justifiait pas l'imposition de la totalité des revenus engendrés par son activité. Ce qui n'était absolument pas le cas des chauffeurs de taxi, qui payaient leurs impôts en France. Il faut tout de même le rappeler.

Telle était bien la stratégie d'Uber. C'est la raison pour laquelle j'étais dans l'état d'esprit que je vous ai indiqué, à savoir ne rien laisser passer sur aucun sujet. Quel que soit le gouvernement qui aura affaire à des sociétés internationales qui procèdent ainsi, il aura à témoigner de la même fermeté sur tous les sujets, quels qu'ils soient. Je partage donc votre diagnostic. C'est pour cela que l'action que nous avons conduite l'a été dans l'esprit que j'ai indiqué.

Pour ce qui concerne le débat à l'Assemblée nationale, je ne veux pas m'élever au-dessus de ma condition. Je ne suis plus parlementaire et je n'exerce plus de responsabilités gouvernementales. Le principe que j'aurais tendance à défendre est qu'il n'y a pas de débat dans l'hémicycle qui soit inutile. Ces questions me paraissent suffisamment essentielles pour qu'un parlement comme celui de notre pays soit amené à en débattre. Ce sont des sujets fondamentaux, par lesquels on parviendra, dans les années qui viennent, à maintenir des activités dans des conditions de respect des droits des salariés qui soient suffisantes pour éviter leur exploitation par des acteurs dont on a mesuré le cynisme.

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