Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre :

Vous serez tout à fait rassurée d'apprendre que les SMS que le ministre de l'Économie envoyait à des tiers n'arrivaient pas directement sur mon portable. Fort heureusement ! Sinon, je pense que je ne serai pas devant une commission d'enquête parlementaire mais devant d'autres instances. Ce n'est pas ainsi que fonctionne l'État.

Les SMS qu'Emmanuel Macron envoyait à d'autres étaient reçus par ces derniers, et en aucun cas par moi. Je n'en savais rien.

Ai-je eu un contact avec Emmanuel Macron au sujet de cet arrêté ? Absolument pas. Je n'avais pas à en avoir. D'ailleurs, s'il m'avait contacté sur cet arrêté au motif qu'Uber ceci ou cela, en dépit de tout le respect que j'avais pour le ministre de l'Économie, il aurait été mal reçu. Nous avions une certaine franchise dans nos relations. J'avais une responsabilité, il en avait une. J'estimais que mon rôle était de faire en sorte que tous les principes de l'État de droit fussent à chaque instant respectés. Je n'aurais pas du tout aimé recevoir un message de cette nature. C'est sans doute la raison pour laquelle je ne l'ai pas reçu.

Ensuite, si vous avez l'occasion d'interroger Laurent Nuñez, vous pourrez lui demander les raisons pour lesquelles l'arrêté a été modifié. Mais comme je souhaitais que nous puissions intervenir sans la moindre faiblesse à l'égard d'Uber et que l'attitude procédurière de cette entreprise était bien connue – vous avez vu l'ensemble des procédures qu'ils ont engagées –, je n'entendais pas qu'une procédure à l'encontre d'un arrêté pût affaiblir l'État et consacrer la victoire d'Uber. Les conseils et les consignes que je donnais à mes collaborateurs – et Laurent Nuñez en était un – étaient donc de prendre des arrêtés en ayant procédé à l'ensemble des vérifications juridiques. Si vous avez le sentiment que le contenu d'un arrêté est de nature à le fragiliser en droit, n'offrez pas cette victoire à Uber. Telles étaient mes consignes.

Est-ce la raison pour laquelle l'arrêté a été modifié ? Je le crois mais, comme tout cela remonte à un certain nombre d'années et que je n'en étais pas moi-même l'auteur, interroger Laurent Nuñez sur ce point serait de nature à vous apporter toute garantie.

Vous imaginez bien, madame la députée, que lorsque l'on a affaire à des acteurs aussi peu scrupuleux que ceux que nous avions en face de nous et dont les procédés étaient absolument cyniques et sans scrupule, on ne leur offre aucune occasion de victoire en droit. Aucune.

En examinant les décisions du tribunal de grande instance, des cours d'appel et du Conseil constitutionnel, vous remarquerez que toutes les dispositions législatives et réglementaires que nous avons adoptées ont laissé assez peu de prise à Uber, dont les victoires devant les tribunaux ont été étiques, pour ne pas dire nulles.

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