Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

Vous précisez bien quel a été le sens de votre action lorsque vous étiez ministre de l'Intérieur. Mon propos n'est en aucun cas de dire que le ministre de l'Économie de l'époque n'avait pas à avoir de contact avec des grandes entreprises, notamment des plateformes comme Uber. Ce qui est intéressant, c'est de connaître la nature de ces contacts et sur quoi ils reposaient.

Les révélations des Uber files font état d'échanges de SMS entre Mark MacGann, lobbyiste chez Uber et Emmanuel Macron. Je reviens notamment sur une réaction de MacGann qui, le 21 octobre 2015, interpelle le ministre par SMS : « Nous sommes consternés par l'arrêté préfectoral à Marseille interdisant UberX, service VTC. Nous avons appris cela par l'AFP et avons informé votre cabinet. […] Pourriez-vous [demander] à votre cabinet de nous aider à comprendre ce qui se passe ? Respectueusement, Mark. »

La réponse d'Emmanuel Macron est la suivante : « Je vais regarder cela personnellement. Faites-moi passer tous les éléments factuels et nous décidons d'ici ce soir. Restons calmes à ce stade, je vous fais confiance […] ».

Deux arrêtés seront pris successivement par M. Nuñez, le préfet des Bouches-du-Rhône de l'époque et actuel préfet de police de Paris.

Le premier arrêté ciblait des lieux où les VTC dépendant d'Uber étaient particulièrement nombreux, notamment aux alentours des gares et aéroports, ce qui posait un véritable problème de concurrence déloyale pour les chauffeurs de taxi et suscitait leur colère. En soi, ces arrêtés ne visaient rien de plus que l'application de la loi. Toutefois, en fixant des zones géographiques, le premier arrêté avait un sens pour les taxis : il signifiait que des effectifs de police seraient déployés pour contrôler la situation. C'était un signal fort pour les taxis, qui étaient très mobilisés – il me semble que vous effectuiez à ce moment-là un déplacement précisément en raison de cette mobilisation.

Le second arrêté ne précisait plus les localisations ; il n'évoquait que « l'ensemble du département », comme l'on aurait pu parler de l'ensemble du territoire de la République, où les lois s'appliquent. Pour les chauffeurs de taxi, cela a été une terrible déception. Ils ont d'ailleurs eu le sentiment, dans les jours qui ont suivi, qu'il n'y a pas eu les contrôles qu'ils pouvaient espérer ou qu'il avait pu y avoir par le passé. En revanche, ce second arrêté a été considéré par Uber comme une victoire.

Avez-vous été en contact avec le préfet Nuñez à l'époque à propos du changement intervenu entre ces deux arrêtés ? Par ailleurs, comment réagissez-vous aux SMS d'Emmanuel Macron ? Vous a-t-il sollicité par la suite ou avez-vous eu connaissance qu'il ait pu solliciter le préfet Nuñez ? Lors des révélations des Uber files, avez-vous eu le sentiment que le ministre de l'Économie de l'époque ne vous avait pas tenu informé des engagements oraux qu'il pouvait prendre à l'égard d'Uber ?

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