Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre :

Je vous remercie de cette question car, effectivement, nous parlons de « deal » mais je n'ai pas précisé sur quoi il aurait pu porter. Si je comprends bien le contenu des informations qui ont été diffusées, il se serait agi d'un accord sur la formation en contrepartie de la suppression d'Uber Pop.

La suppression d'Uber Pop était inconditionnelle. Nous avions engagé toutes les procédures que je viens d'indiquer. Les tribunaux français étaient saisis. Le tribunal correctionnel de Paris s'était prononcé en octobre 2014. Sa décision en première instance sera confirmée l'année suivante. Uber avait multiplié les procédures à l'encontre de la « loi Thévenoud », en allant jusqu'à soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dont il espérait qu'elle ruinerait tous les efforts législatifs et du gouvernement destinés à réguler le secteur. Il n'en a rien été.

Mon analyse, qui correspond à la réalité, est que c'est la multiplication des actions conduites par l'administration pour faire respecter la loi qui a abouti à la suppression d'Uber Pop. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de dire de façon très nette aux responsables d'Uber que, s'ils ne cessaient pas ces activités illégales, je les en tiendrais personnellement comptables car il était de leur responsabilité de le faire. J'en ai profité pour matérialiser notre détermination à faire respecter le droit.

Il n'y a donc eu sur ce sujet aucune contrepartie à ce qui relevait simplement de l'application de la loi. S'il y avait eu une contrepartie, cela aurait été bien plus grave que le « deal » lui-même. De mon point de vue, cela aurait voulu dire de manière inacceptable que, face à des gens en contravention avec le droit et qui, parce qu'ils étaient financièrement puissants, voulaient faire mettre ce droit en conformité avec leurs intérêts, nous aurions fait un deal pour bien leur montrer que nous sommes faibles. Si les choses fonctionnent ainsi, il n'y a plus d'État de droit. Pour moi, ce n'était pas concevable.

Pour ce qui est de la formation, j'ai cherché à préciser très finement les différentes étapes afin de comprendre ce qu'avait été le cheminement.

Avant la « loi Thévenoud », il n'existait pas en France de formation spécifique pour les VTC pour la bonne et simple raison que la « loi Novelli » était une loi d'imprécision. Elle avait créé un objet mais n'avait aucunement défini les règles qui s'y appliquaient. La formation des chauffeurs de taxi était régie par un texte de 2009, qui établissait les conditions d'accès à la profession et définissait les modalités de formation pour les candidats mais il ne fixait aucun minimum d'heures de formation, seulement des principes généraux.

La « loi Thévenoud » a instauré une formation obligatoire et un examen pour les conducteurs de VTC, dont les conditions et les modalités devaient être précisées par un texte réglementaire. C'est ainsi que l'arrêté de février 2016 – donc, de nombreux mois après que l'activité a cessé – établit la durée de formation à sept heures. Ce texte a été abrogé, quelques mois après, par un arrêté du 5 avril 2017.

La « loi Grandguillaume » et ses décrets d'application visent à créer les conditions d'une harmonisation entre la formation des VTC et celle des chauffeurs de taxi en réponse, si je me souviens bien, à une demande conjointe des deux professions. Les VTC étaient formés par des organismes privés, les chauffeurs de taxi l'étaient par les préfectures. Il a été décidé que ce serait la chambre syndicale des artisans taxis qui procéderait désormais à une formation harmonisée.

Depuis un arrêté d'août 2017 relatif à la formation continue de chauffeur de taxi ou de VTC, outre l'examen d'accès à la profession de chauffeur de VTC ou de taxi, tous ces chauffeurs sont tenus de suivre un stage de quatorze heures minimum tous les cinq ans. Les dispositions relatives à la formation et au nombre d'heures de formation qui prévalent ont donc été arrêtées après le changement de Président de la République, de Gouvernement et de majorité – pas avant. Avant la fin du quinquennat, la seule disposition qui a prévalu est celle de l'harmonisation des formations, désormais prodiguées par la chambre syndicale des artisans taxis, pour une durée de sept heures sur cinq ans, qui a été ultérieurement portée à quatorze heures.

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