Vous avez abordé de nombreux sujets, monsieur le rapporteur. Vous m'interromprez s'il est nécessaire de compléter. Premièrement, au nom de Hapag Lloyd, j'affirme qu'aucune entente n'existe où que ce soit. Je pense que les risques pour les armateurs sont tellement importants qu'une telle pratique ne peut pas exister. Je peux toutefois uniquement répondre au nom de Hapag Lloyd. S'agissant du départ de Maersk des Antilles, je considère que Maersk est le mieux habilité à répondre à cette question. De mon passé chez Maersk, j'ai effectivement connaissance de l'existence d'un accord d'affrètement ou slot charter agreement, c'est-à-dire un accord où un armateur achète de la place chez un autre armateur. Maersk a en l'occurrence acheté de la place sur le navire de CMA CGM. Cet accord est arrivé à sa fin au 31 décembre 2022. J'imagine que celui-ci n'a pas été renouvelé, mais j'en ignore totalement les raisons. Je vous demande en l'occurrence de vous adresser à CMA CGM et/ou à Maersk.
S'agissant de la notion de transbordement, je pense que vous avez tout à fait raison : une évolution ressort dans la desserte potentielle, que ce soit vers les Antilles ou vers La Réunion. Si vous prenez La Réunion comme le premier exemple, nous avons pu observer au fil des années que le service de transbordement que propose Maersk par Salalah à Oman était un service hebdomadaire, ponctuel, tout à fait accepté par le marché réunionnais. Il ne faut pas non plus ignorer que la distance entre la France métropolitaine et La Réunion est importante. Sauf erreur de ma part, pour un service direct comme le propose MSC ou CMA CGM, quatre semaines de mer sont nécessaires, avec d'éventuels aléas sur la route et des escales dans des ports qui peuvent potentiellement être congestionnés. C'est là où les grands armateurs qui proposent des services de transbordement ont leur place. Sept jours de mer séparent la France métropolitaine des Antilles. Un service proposé par la CMA CGM fait escale dans quatre ports métropolitains et deux ports antillais, direct et rapide, qui est très sincèrement est un bon service.
Je me permets par ailleurs ce commentaire, je ne peux pas m'en empêcher : avec la situation actuelle dans les ports français métropolitains, les grèves qui ont lieu depuis le début de l'année et qui ne sont absolument pas contrôlées, il est très difficile d'attirer des armateurs étrangers pour y faire escale. C'est en l'occurrence une condition sine qua non pour proposer un service compétitif vers les Antilles. Imaginez un port de transbordement dans les Caraïbes, en Jamaïque ou à Caucedo en République dominicaine. Il est possible d'imaginer que les Antilles seront servies par ce biais dans l'avenir. Du reste, le peu de produits que les Antillais achètent, par exemple en Asie ou en dehors de la France ou de l'Europe, passent souvent par les transbordements pour servir le marché antillais. Je pense qu'il existe une possibilité de développement vers les Antilles par transbordement. Néanmoins, monsieur le rapporteur, la clientèle antillaise doit également être prête à accepter un service maritime peut-être moins rapide et moins bon que le service proposé par la CMA CGM – et je ne suis pas là pour faire la publicité de la CMA CGM. Je m'exprime en tant que concurrent : le service qu'il propose vers les Antilles est tout à fait respectable.
En outre, vous souligniez la dépendance insulaire dont vous êtes victimes en quelque sorte. Vous avez besoin de partenariats de confiance et de longue date. Mon expérience dans les outre-mer m'a appris que les relations se construisent sur le long terme. Certaines périodes sont plus difficiles que d'autres, des périodes avec des intempéries, des périodes de problèmes sociaux pendant lesquelles l'importateur et l'exportateur ont besoin de compagnies maritimes fidèles. La CMA CGM a forcément une histoire relativement imbattable pour une compagnie maritime étrangère.