Je vous remercie de me permettre de participer à cette audition par visioconférence. Marfret se différencie par rapport à nos collègues en étant un armateur de lignes régulières conteneurisées, mais de dimensions plus moyennes. Ce groupe a été créé en 1952 et est né de l'activité en Méditerranée. J'ai eu la chance de rejoindre cette entreprise familiale en 1975. J'ai développé les lignes sur les Antilles et sur la Guyane à partir de janvier 1980, destinations auxquelles nous sommes très attachés. À partir de 1995, notre service sur le Pacifique nous a amenés à desservir Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. Nous avons desservi La Réunion dans le cadre d'un service qui faisait Madagascar et l'Afrique. Celui-ci s'est toutefois arrêté en 1990.
Tout au long de ces années, j'ai pu partager avec nos autorités toute l'inquiétude qui pouvait ressortir sur ce lien maritime indispensable, car l'essentiel de ces importations rend ces départements totalement dépendants de la relation avec la métropole et avec l'Europe. Nos activités conteneurisées peuvent donner une impression trompeuse selon laquelle l'armateur serait le seul en relation avec la fabrication du coût du transport. Le conteneur a considérablement modifié la chaîne de transport, puisque nous, armateurs, mettons ces conteneurs à disposition des clients, et mettons très souvent en œuvre le déplacement terrestre, le déplacement maritime et la livraison jusqu'à destination.
Depuis 2009, notre autorité, le législateur, s'intéresse aux liens à faire entre transport et vie chère. Dans toutes ces auditions, l'intermédiation de la profession de transitaire qui fait la liaison entre notre prestation de transport maritime intégrée et avec le client n'a jamais été citée. Nous sommes opérationnellement en relation avec l'industriel et avec le destinataire. Cependant, commercialement, nous ne facturons pas la prestation que nous faisons. J'ai démarré ce service en 1980 et ai pu constater combien l'amélioration de la qualité du service maritime – que l'on peut résumer par une fréquence hebdomadaire à jour fixe ainsi que des délais de mer très réduits avec des services directs – a amené petit à petit une modification de la distribution dans de nombreux secteurs d'activité et a considérablement pesé sur la réorganisation de la distribution. Lorsque j'ai commencé à travailler sur les Antilles, nous observions principalement des grossistes et une activité de stockage obligatoire. Or, avec la qualité désormais offerte, on peut considérer que le stock est sur le navire. Certes, le transport de bout en bout a un coût, mais il ne faudrait pas sous-estimer l'impact dans la réduction des frais, en particulier financiers, sur la maîtrise des stocks et la qualité de la livraison et sa fiabilité.
Tout au long de ces années, j'ai vu nos autorités hésiter entre vérifier la libre concurrence ou administrer la tarification. Je pense que le document qui nous a été remis montre bien cette hésitation. C'est à mon sens une bonne façon d'aborder le sujet. Grâce aux armateurs aujourd'hui présents autour de la table, une qualité de desserte est proposée dans le cadre d'une libre concurrence. Pour ce qui nous concerne, je peux vous assurer que celle-ci est sévère. Il n'est pas aisé en effet de mettre en œuvre des services face à des géants des mers. Nous y arrivons cependant avec succès depuis 1980. Par ailleurs, la volonté du législateur est d'imaginer que le transport maritime peut avoir un quelconque effet sur la fabrication du coût de la marchandise, ce qui n'est pas mon point de vue. D'ailleurs, depuis 2009, l'Autorité de la concurrence s'intéresse à ce sujet avec beaucoup de pertinence et est arrivée à la démonstration que le transport maritime n'avait qu'une responsabilité extrêmement marginale dans le coût final de la marchandise.
En revanche, tout au long de ces années, nous avons pu constater l'insuffisance de la manufacture de la production locale, ce qui est sans doute lié à l'insularité. Tant que l'essentiel de la consommation proviendra de l'importation, dans des proportions aussi considérables que celles que nous relevons actuellement, alors effectivement, ce modèle économique impliquera que le coût lui-même de la marchandise peut avoir un impact sur la vie chère, et non son transport. Il faut tout faire pour développer la manufacture locale et nous nous y employons depuis les années deux mille, en particulier dans les départements antillais et guyanais, en les mettant en relation entre eux pour améliorer ce grand marché Antilles-Guyane et permettre à plusieurs activités de se développer en améliorant la production locale et en développant de l'emploi en vue de devenir un peu moins dépendants des importations.
Nous sommes très heureux de participer à la desserte de ces départements. Certaines de nos équipes y interviennent de façon permanente. Je pense qu'il est effectivement pertinent d'échanger avec vous pour explorer l'amélioration à apporter sur les sujets qui vous préoccupent.