Mon périmètre d'intervention ne concerne que la construction et la rénovation, en tant qu'acteur et représentant des entreprises présentes à La Réunion. Notre secteur d'activité pèse environ 19 000 emplois. Nous sommes donc un acteur social majeur de l'île et c'est notre première responsabilité.
J'entre dans le détail du coût, qui constitue le sujet du jour. Le coût d'une construction est lié à trois éléments principaux. Le premier, et vous l'avez cité, concerne la main-d'œuvre. Notre convention collective est spécifique à l'île de La Réunion et notre secteur est le seul à disposer d'une convention outre-mer. Nos grilles salariales sont revues tous les ans par une commission placée sous l'égide de la direction du travail et de la préfecture. Nous sommes arrivés au terme du processus de cette année après deux mois et avons abouti à un accord d'augmentation des salaires à plus de 4,1 %, qui reprend l'inflation de 2022. Ce phénomène impactera forcément le coût global du prix final. Notre dialogue social est parfois tendu, mais cette année, aucune grève n'a été décidée, ce qui est un exploit au vu du contexte social général très enflammé. Le coût de la main-d'œuvre constitue un élément essentiel.
Viennent ensuite les produits et la façon de les mettre en œuvre. Pour 90 %, ces produits de construction sont exogènes, importés. Lorsque le fret augmente, nous en ressentons directement l'impact. Une telle situation est apparue après la crise de la Covid-19 et la guerre en Ukraine. L'augmentation du coût de l'énergie impacte directement le coût global d'importation. Nous ne parlons pas du tout du prix du matériau lui-même. Nos sources d'approvisionnement sont principalement européennes. D'un point de vue réglementaire, nous utilisons des produits estampillés « CE », en précisant que des produits issus hors du périmètre européen peuvent être marqués « CE ». Il ne s'agit que d'un marquage et d'un label.
L'élément le plus important qui concentre la gamme des produits possibles pour les entreprises réunionnaises correspond aux avis techniques. Ils sont délivrés par un organisme unique, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Ce système génère, quelque part, une concentration de produits disponibles et une lenteur d'agrément. Les industriels pourraient mettre en œuvre des produits originaires de La Réunion, mais ils sont contraints de consulter le CSTB pour obtenir ce fameux avis technique. Ce premier monopole est créé par le CSTB. Il en résulte des difficultés en termes de vitesse, d'approvisionnement et de coûts du fait que les produits soient limités entre l'offre et la demande.
Le coût global de la construction intègre celui de l'énergie. Ici aussi, nous constatons une situation de monopole d'Enedis (anciennement ERDF). Nous avons aussi un tarif unique de carburant et nous subissons ses augmentations régulières.
En raison de ce système, l'ouverture, dans le sens du marché, n'est pas forcément possible. Je pense que nous sommes tous persuadés, autour de cette table, qu'il est envisageable d'avoir recours à une autre méthode de construction et de trouver des solutions qui répondent aux contraintes. Ce sont les contraintes d'éloignement, mais aussi de spécificités climatiques. Nous avons créé à ce titre une commission miroir du Bureau national de normalisation des techniques de la construction (BNTEC), qui permet d'amender les documents techniques unifiés (DTU) et d'avoir des mises en œuvre de produits adaptés afin de baisser la sinistralité. Cette mesure, mise en place il y a cinq ans, a été diligentée et proposée par le rapport d´information n° 601 de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur les normes en matière de construction et d'équipements publics dans les outre-mer du 29 juin 2017. Ce rapport listait 35 mesures, mais, en 2023, seules cinq d'entre elles sont réellement effectives. Il serait opportun de reprendre le rapport, et c'est l'une de nos propositions. Les crises que nous venons de traverser n'ont fait qu'amplifier les problèmes diagnostiqués bien en amont. Il convient de revenir à une méthode de travail facilitant les aspects normatifs et réglementaires. Vous avez la main sur cet aspect réglementaire, c'est-à-dire que nous avons des réglementations spécifiques, la fameuse règlementation thermique aération acoustique DOM (RTAA-DOM) qui intègre des éléments différents des réglementations nationales. Il faut que cette règlementation atteigne enfin ses objectifs. C'est l'une des mesures du rapport sénatorial, qui, malheureusement, n'a pas été mise en œuvre.