CDC Habitat est un intervenant récent dans les outre-mer, depuis 2018. Aujourd'hui, nos huit filiales assurent la gestion de 94 000 logements, soit la moitié des logements sociaux outre-mer. Nous sommes conscients de la tension des marchés locatifs et nous restons convaincus que le développement du logement social permet d'abord la régulation et ensuite de fournir une offre alternative profitable à la tension des marchés.
Depuis cinq ans, nous avons lancé 14 000 chantiers de logements dans les cinq départements d'outre-mer (DOM), dont 9 500 sont toujours en cours. Ces territoires ont besoin d'une production dynamique du fait de leur forte tension démographique, s'agissant en particulier de la Guyane et Mayotte, mais également La Réunion. Nous devons accompagner ces sujets.
En proportion dans les outre-mer, la production de logements est plus rapide qu'en France métropolitaine, au regard du nombre d'habitants ou du parc existant. Cette production s'avère insuffisante par rapport aux besoins, mais elle est de moitié plus importante que celle des sociétés HLM en métropole.
Aujourd'hui, nos enjeux, au-delà du développement capacitaire, consistent à apporter une amélioration qualitative en matière de réhabilitation des logements, de qualité de ce que nous produisons et d'évolution de la prestation rendue. Nous avons beaucoup développé le service au client, dont l'accès au droit ou l'aide à l'insertion. Nous développons actuellement un important réseau de gardiens et de concierges pour accélérer le traitement des réclamations, améliorer la qualité du rendu et la réactivité. Nous avons pu améliorer les capacités financières supplémentaires grâce à la réduction de la vacance et des impayés, la maîtrise des frais généraux. Nous avons également suivi l'axe important de maîtrise des coûts de construction, à peu près tenu jusqu'en 2022. L'année 2022 s'est révélée un peu compliquée en raison du contexte international et nous avons été impactés sur les prix, encore plus qu'en métropole, au vu des particularités des circuits d'approvisionnement et des sujets de concurrence.
Nous constatons aujourd'hui des sujets importants sur les coûts de revient, liés aux contraintes spécifiques ultramarines (cyclones, séismes) qui renforcent les coûts organiques de construction. Il faut aussi citer les sujets liés au coût et à la rareté du foncier. À cette situation s'ajoutent les sujets normatifs. Les règles supplémentaires s'appliquent outre-mer, où peu de règles nationales sont remises en cause. Nous obtenons donc un effet normatif, qui est plutôt cumulatif. Je mentionne également le problème de l'insularité, qui touche également la Guyane, même si ses barrières sont des fleuves. Ces phénomènes d'insularité impactent quand même durablement les coûts de transport et la faiblesse de la concurrence.
Jusqu'à 2022, un certain nombre de financements ont été mis en place, qu'il s'agisse de la TVA, du crédit d'impôt ou de la LBU. Ils compensaient les contraintes et les coûts de revient. La Cour des comptes a d'ailleurs indiqué que ces prix de revient apparaissent entre 10 et 15 % supérieurs à ceux de la métropole, selon que l'on intègre, ou pas, l'Île-de-France, alors même que nous construisons des logements sans isolation de façade ni même de système de chauffage. Ils sont rarement pourvus d'un ascenseur ou d'un parking enterré. Les ouvrages construits sont plutôt moins équipés que ceux de la métropole et, malgré cette réalité, les surcoûts se situent entre 10 à 15 %. La situation était acceptable, jusqu'à la tension des prix constatée à partir de la mi-2022. Elle constitue un problème réel. Il nous faudra distinguer la part durable et la part conjoncturelle. De nombreuses initiatives ont été initiées dans les dispositifs d'aide. Nous sommes arrivés dans le secteur concomitamment aux Assises de l'outre-mer. Depuis, nous avons vu l'extension du crédit d'impôt aux réhabilitations en zone quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), la mise en place de l'APL foyer, qui permettra de solvabiliser et de développer les résidences sociales et séniors. Nous comptons beaucoup sur le sujet des équivalences normatives, qui permettront d'éviter le marquage « CE » – « Conformité européenne » – pour acheter dans l'environnement régional, en considérant que les Brésiliens doivent savoir aussi bien construire des logements que nous. Ils ont probablement plus de comparaisons possibles au système constructif en Guyane qu'en Creuse ou en Dordogne. Je comprends que ce sujet arrive en phase de finalisation et il semble important de continuer à le pousser.
Nous avons également noté une tendance durable à hausse de la LBU, l'utilisation pragmatique du Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) pour aider à la production de logements et à l'aménagement préalable. La dernière loi de finances laisse voir une prolongation de certains dispositifs fiscaux, qui apportent quand même une certaine visibilité sur une trajectoire de développement. Ces sujets nous paraissent importants.
Je note deux points pour le futur, peut-être. D'abord, un amendement au projet de loi de finances pour 2023, qui portait sur l'extension du crédit d'impôt aux réhabilitations hors QPV, n'a pas été adopté. Ce sont ensuite la crise ukrainienne et l'envolée des cours des matériaux depuis l'été 2022. Nous constatons que ces cours baissent sur les marchés internationaux, mais pas les répercussions dans les appels d'offres. De toutes les façons, certains coûts resteront supérieurs à leur niveau d'avant crise, du fait qu'une partie des coûts de construction provient de la main-d'œuvre. Les augmentations de salaires liées à l'inflation ne seront pas supprimées. Ensuite, les matériaux nécessitant beaucoup d'énergie, à l'instar de l'acier ou de l'aluminium, resteront plus chers qu'en 2020. Nous avons quand même ces points d'attention, même si, pour partie, la bosse d'inflation constatée sur les coûts de construction l'année dernière peut se résorber.
Les sujets non budgétaires nous paraissent aussi importants, dont celui du foncier. La production foncière reste faible et nous avons peu de foncier bonifié pour permettre la construction de logements sociaux.