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Intervention de Sabrina Mathiot

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Sabrina Mathiot, directrice de l'Union sociale pour l'habitat Outre-mer :

Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur la question du logement, et du logement social en particulier dans le cadre de cette commission d'enquête.

En propos liminaire, j'aimerais poser le contexte et dire effectivement que les territoires d'outre-mer sont pluriels. Ils suivent des trajectoires économiques, démographiques et même de politiques et sociales différents et que par conséquent, les situations sont assez diverses d'un territoire à un autre. À cela s'ajoutent les modalités de rattachement institutionnel qui sont différentes et rendent la tâche d'autant plus complexe. Nous avons toujours prôné une espèce de territorialisation de ces politiques de l'habitat, qu'elles soient pensées par territoire. Vous me permettrez d'une part d'avoir des propos relatifs aux politiques de l'habitat pour l'ensemble des territoires et, d'autre part, d'insister sur la différence des situations.

En matière d'habitat public, en tout cas de politique publique de l'habitat social, ces politiques ont démarré tardivement, en rapport à l'Hexagone, dans les outre-mer. Les politiques sociales s'inscrivent pour partie dans les politiques de l'habitat, et le pacte a été appliqué de façon différente et différenciée sur ces territoires. Par conséquent, l'évaluation des politiques de l'habitat qui, à bien des égards, se fait souvent au prisme de la ligne budgétaire unique (LBU) – l'action n°1 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission budgétaire outre-mer, correspond selon nous à une approche assez incomplète. Nous appelons à cette vigilance systémique, qui intègre à la fois les interventions des aides de l'État à travers la LBU, la dépense fiscale à travers la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduite, mais également la défiscalisation et le crédit d'impôt. Ce sont aussi les crédits gérés en prestations sociales liées au logement par le biais du programme budgétaire 109 « Aide à l'accès au logement » liées aux aides au logement. Il est très important de porter un regard global sur ces trois éléments.

Au-delà, les programmes pluriannuels, qui sont très structurants dans les visions d'un territoire, ou en tout cas dans les politiques d'aménagement du territoire, interviennent également de manière importante. Je citerai l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Il s'agit vraiment de dresser un regard complet sur les politiques de l'habitat et de ne pas se concentrer sur le seul angle de la LBU, qui, somme toute, ne construit pas majoritairement les politiques de l'habitat, bien plus larges.

Les bailleurs ici présents s'attacheront sans doute à évoquer les questions techniques liées au foncier. Nous connaissons les problématiques comme l'indisponibilité du foncier, la cherté des coûts de la construction. Le caractère insulaire, à quelque chose près pour la Guyane, et l'éloignement accentuent les difficultés. Nous voyons bien l'impact de la crise de la Covid-19 sur les prix de la construction. De même, la crise russo-ukrainienne a eu un impact beaucoup plus important sur les territoires, entraînant des ruptures de stocks de matériaux et générant une tension évidente. Les territoires sont au final petits, éloignés et rapidement impactés par le contexte international.

Il apparaît nécessaire de regarder de très près l'intervention des textes réglementaires sur les politiques de l'habitat menées outre-mer. Nous reviendrons peut-être sur les questions techniques. J'ai envie de donner deux ou trois exemples pour appuyer mon propos.

Parmi ces critères, que nous avons déjà eu l'occasion de présenter au Sénat, figurent ceux des zonages et des aides personnalisées au logement (APL), réalisés via des arrêtés. Ils interviennent grandement dans les budgets octroyés en outre-mer. Je donne un exemple concret. La situation du logement dans les zones géographiques 1, 2 et 3 intervient dans le calcul des APL. Je vous fournirai dans ma note les différences entre un ménage situé dans les outre-mer et un ménage dans l'Hexagone, même si un amendement a été récemment voté grâce à votre mobilisation à l'Assemblée nationale. Un couple avec deux enfants, soumis à un loyer de 500 euros et disposant d'un revenu de 15 000 euros perçoit 293 euros en métropole et 283 euros dans les outre-mer. Une personne isolée avec un enfant reçoit 238 euros contre 227 euros dans les outre-mer. Il reste quelques ajustements à apporter aux APL. Les textes réglementaires échappent finalement au législateur et nous sont défavorables.

Dans une proportion plus importante, je cite l'intervention du zonage A, B et C en politique fiscale. Un couple dont le revenu s'établit à 3 501 euros et qui demeure à Saint-Denis de La Réunion n'a pas le droit au prêt à taux zéro (PTZ) pour l'accession à la propriété, qui est en panne aujourd'hui sur l'ensemble des territoires alors qu'il faut encourager l'accession pour libérer la tension sur le marché locatif. Si le même couple habitait à Ajaccio, alors que la cité corse se trouve dans la même configuration, il toucherait, en prêt à taux zéro, 85 000 euros sur 25 ans avec un différé de 15 ans. Il est ainsi en mesure d'acquérir tout de suite un bien immobilier.

Ces zonages, qui interviennent dans les politiques fiscales, méritent d'être revues. De nombreux écarts, pour ne pas parler d'inégalités, sont instaurés par ces voies. Je pense qu'il est vraiment nécessaire de s'y atteler.

Des programmes pluriannuels demandent à progresser en termes d'intervention en outre-mer. Je le dis et le répète : ils sont structurants dans les politiques d'habitat outre-mer. L'ANRU comme l'ANAH doivent intervenir en outre-mer, où les territoires sont plus vulnérables. Les structures des ménages y apparaissent très fragiles. Vous connaissez les déciles, les taux d'effort du logement pour nos territoires, qui peuvent aller jusqu'à 55 % sur les premiers déciles. Par conséquent, il nous appartient de mener de politiques plus agressives et engagées. Des écarts se font jour sur les grilles appliquées en outre-mer. La solution est de veiller à une présence ultramarine dans les organes de gouvernance et les programmes pluriannuels.

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