Comme le président vient de l'indiquer, cet accord vise à mieux coordonner les législations française et serbe en matière de protection sociale. Quarante-deux accords de ce type ont déjà été conclus avec d'autres pays. Il s'agit de reprendre les principes classiques applicables dans ce domaine, tels que l'égalité de traitement entre personnes soumises à la législation de l'un ou l'autre des États contractants, l'affiliation au régime de sécurité sociale de l'État d'activité, l'exportation et la coordination des pensions ou encore l'organisation de la coopération administrative entre les deux États et la lutte contre les fraudes sociales.
L'accord consiste à actualiser la convention conclue entre la France et la Yougoslavie en 1950, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le profil des populations circulant entre les deux États a évolué depuis cette époque. Il s'agit principalement des membres de familles vivant en Serbie ou appartenant à la diaspora serbe de France se rendant visite dans un sens ou dans l'autre ou retournant s'installer en Serbie au moment de leur retraite, des touristes français et des expatriés français travaillant en Serbie.
Par ailleurs, les autorités serbes ont fait valoir des difficultés juridiques pour le paiement des pensions vieillesse des travailleurs revenant en Serbie pour leur retraite.
Qui plus est, la Serbie a connu une évolution politique et institutionnelle, puisque la Yougoslavie n'existe plus.
Enfin, les textes applicables se sont sédimentés au point qu'un nouvel accord est justifié. La convention de 1950 a été modifiée à cinq reprises, entre 1950 et 1976, et complétée par un échange de lettres sur les allocations familiales, un protocole sur les soins de santé des étudiants et quatre arrangements, dont l'un a également été modifié six fois.
À une évolution rendue nécessaire par l'évolution du droit et des pratiques s'est ajoutée une ambition de modernisation de l'accord et d'harmonisation vis-à-vis du droit européen, afin d'anticiper une éventuelle adhésion de la Serbie à l'Union européenne. Pour rappel, la Serbie a déposé sa candidature en 2009, laquelle a été officiellement reconnue en 2012. Depuis le début des négociations, en 2013, vingt-deux chapitres de négociations sur trente-cinq ont été ouverts et deux ont été clos à titre provisoire. De nombreuses réformes sont encore jugées nécessaires avant d'envisager une adhésion de la Serbie à l'Union européenne, comme le soulignent les derniers rapports publiés par la Commission européenne à l'automne 2022, dans le cadre du paquet « élargissement ». De même, des avancées dans la normalisation des relations serbo-kosovares sont attendues, Belgrade ne reconnaissant pas le Kosovo, qui a pourtant déclaré son indépendance en 2008.
L'horizon européen de la Serbie officiellement visé par les autorités serbes – peut-être plus enthousiastes que la population – nous invite à favoriser un alignement normatif dans tous les domaines concernés par le droit communautaire. Surtout, les modifications inspirées du droit européen sont en pratique plus favorables aux assurés que les dispositions de l'accord de 1950. Ainsi, le nouvel accord supprime la condition de nationalité, là où le précédent ne s'appliquait qu'aux ressortissants français et serbes, et modifie le mode de coordination du risque vieillesse dans un sens plus favorable à l'assuré.
Parmi les principales modifications introduites par le nouvel accord, on peut également citer : l'élargissement du champ personnel d'application à toutes les nationalités et aux travailleurs indépendants, ainsi qu'à toute personne relevant d'un des régimes de sécurité sociale français ou serbe, là où l'accord d'origine s'adressait exclusivement aux salariés serbes et français et à leurs ayants droit ; la prise en charge des soins urgents pour toutes les personnes assurées dans l'un des deux États à l'occasion d'un séjour dans l'autre État ; un système d'autorisation préalable pour les prestations en nature de grande importance non urgentes et pour les soins non urgents lorsqu'ils sont programmés dans l'autre État, afin de permettre à l'État compétent de contrôler ses dépenses de soins de santé ; l'abaissement de la durée maximale de détachement de trois à deux années pour les travailleurs salariés, aux fins d'harmonisation avec les délais prévus par le droit de l'Union européenne et les différentes conventions de sécurité sociale conclues par la France.
Alors que la Serbie n'est pas adhérente, prévoir un alignement sur le droit de l'Union européenne, plus protecteur pour les salariés français comme pour les travailleurs détachés, me paraît un point à souligner. Le dispositif facilite la mobilité internationale des travailleurs tout en étant encadré par une série de règles. En matière de délais, par exemple, il s'agit d'éviter les abus, qui prennent pour l'essentiel la forme de détachements successifs sur des postes en réalité pérennes et qui pourraient être pourvus dans des conditions sociales identiques à celles des autres travailleurs de l'État d'activité, en vertu du principe de l'égalité de traitement.
D'un point de vue administratif et financier, l'entrée en vigueur de l'accord aura un effet limité pour notre pays. Si l'élargissement du champ de l'accord aura mécaniquement une incidence financière sur les créances générées pour les deux parties, les flux financiers liés au remboursement des soins de santé entre la France et la Serbie devraient demeurer relativement modestes, notamment en comparaison des flux existants entre la France et les États de l'Union européenne. Ainsi, la créance serbe, soit les sommes dues par la France à la Serbie, s'est élevée à 427 500 euros en moyenne annuelle entre 2015 et 2020, alors que la créance française à l'égard de la Serbie était quant à elle de 16 700 euros en moyenne annuelle sur la même période. En ce qui concerne les soins de santé, en 2021, la France a remboursé à la Serbie près de 63 600 euros de dépenses pour les soins dispensés en Serbie à cent quatre-vingts dix-sept assurés des régimes français.
La mise en œuvre de l'accord sera assurée par deux organismes préexistants, qui ont déjà l'habitude d'échanger avec leurs homologues serbes. Il s'agit, d'une part, du centre national des soins à l'étranger (CNSE), organisme rattaché à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et chargé de gérer le traitement des créances françaises dans le cadre des règlements européens de coordination et des conventions bilatérales de sécurité sociale, et, d'autre part, du centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLESISS), qui s'occupera notamment de la coordination entre les régimes de sécurité sociale des deux États et de la gestion des détachements sur demande des entreprises concernées.
En conclusion, je soulignerai l'utilité de l'entrée en vigueur de cet accord pour la communauté française comme pour les entreprises françaises établies en Serbie. En 2021, 1 851 ressortissants français étaient enregistrés auprès des services consulaires en Serbie, 63 % d'entre eux étant binationaux. Quant aux touristes français passant par la Serbie, leur nombre s'élevait à environ 35 000 en 2019, selon une tendance croissante.
En matière de relations commerciales bilatérales, la Serbie est le principal point d'entrée des flux économiques de la France vers les Balkans occidentaux. Les flux d'investissements directs étrangers (IDE) français y sont en progression constante depuis 2012 ; ils ont atteint 3,63 milliards d'euros en 2021, soit plus de la moitié des IDE français vers les Balkans occidentaux. Les échanges bilatéraux entre la France et la Serbie ont triplé depuis 2010, avec un solde positif pour la France de 60,7 millions d'euros en 2021.
Ces dernières années, d'importants contrats de concession ont été signés par des groupes français, notamment par Vinci aéroports, pour la modernisation de l'aéroport Nikola Tesla de Belgrade, et par un consortium franco-japonais Suez-Itochu, pour la construction du centre régional de traitement des déchets de Vinča, désormais opéré par Veolia. Plus de cent-vingt entreprises françaises sont aujourd'hui présentes en Serbie et d'autres projets d'envergure pourraient voir le jour, à même d'attirer davantage de travailleurs français dans le pays.
L'entrée en vigueur de l'accord aura également un effet sur le quotidien des salariés et fonctionnaires français, dont une vingtaine travaillent à l'Institut français de Serbie et environ quatre-vingts, à l'école française de Belgrade.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de l'approbation de l'accord de sécurité sociale du 6 novembre 2014 conclu entre la France et la Serbie.