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Intervention de Stéphane Romatet

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h30
Commission des affaires étrangères

Stéphane Romatet, directeur du centre de crise et de suivi du ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

Dans l'histoire des crises auxquelles le CDCS a été confronté, celle-là restera probablement située à un très haut niveau d'intensité. En effet, nous avons dû intervenir et protéger des Français dans un environnement particulièrement hostile, en répondant à l'appel de nos partenaires pour prendre la responsabilité d'une véritable opération d'évacuation de nos compatriotes mais aussi de la plupart des communautés étrangères qui se trouvaient à Khartoum.

Samedi 15 avril, des tirs à l'arme lourde ont débuté dans la capitale. Depuis des années, le Soudan était agité par des convulsions et des événements politiques : aussi, chacun savait que des événements dramatiques s'y préparaient, bien que nous ignorions quand et à quelle intensité ils surviendraient.

Vous en avez rappelé les principaux jalons : la chute du régime islamiste de Bechir en 2018, suivie d'une transition démocratique à partir de 2019, et qui s'est achevée en 2021 par l'alliance improbable entre deux chefs de guerre : Burhan, ancien chef d'état-major et chef de l'État, et Hemetti, chef de guerre à la tête d'une milice redoutable et fortement armée ; en un mot, le vice appuyé sur le bras du crime. Nous savions que cette alliance allait éclater et que des troubles s'ensuivraient pour le contrôle du pouvoir et de la capitale.

Pour la première fois, malgré tous les troubles qu'a connus ce pays, ces affrontements de grande ampleur, à l'arme lourde et avec le déploiement de moyens aériens, se sont déroulés au cœur même de la capitale afin de prendre contrôle des centres névralgiques du pouvoir.

Très vite, la situation a dégénéré. Le Nil blanc et le Nil bleu, qui se rejoignent à Khartoum, séparent la ville en trois parties. Or, les ponts sur le Nil Blanc sont désormais coupés, rendant impossible toute communication entre le Nord de la ville – où se situe la résidence de l'ambassadrice française – et le Sud – où sont installés l'ambassade, l'école française, le centre culturel et l'aéroport. Dès le premier jour, nous avons été informés de premières scènes de pillages contre des villas cossues, certaines d'entre elles habitées par des occidentaux. Nous avons donc très rapidement craint un enclenchement d'événements risquant de mettre en danger notre communauté et avons par conséquent décidé d'ouvrir la cellule de crise.

Dès le lundi 17 avril, nous avons planifié une opération d'extraction de nos compatriotes. Nous avions alors trois priorités. La première consistait à localiser la communauté française. Au regard des chiffres dont nous disposions, celle-ci était peu nombreuse mais en raison d'un faible taux d'enregistrement auprès du consulat, nous avons rapidement constaté – comme c'est le cas à chaque crise – qu'aux 250 personnes recensées s'ajoutaient de nombreux Français présents sur le territoire, ainsi que leurs ayants-droit (conjoints ou enfants, notamment).

Très rapidement, nos partenaires européens, notamment suédois, allemands et italiens, ont contacté le CDCS afin que nous prenions en charge leurs propres ressortissants dans le cadre de nos opérations, à la fois par solidarité et par devoir. Nous avons procédé, grâce à nos contacts avec nos homologues, à un décompte de ces communautés dites protégées : le nombre de personnes que nous devions évacuer a ainsi plus que triplé.

De même, les Britanniques et les Américains nous ont immédiatement fait savoir qu'ils n'évacueraient que leurs diplomates, et non leurs communautés, pas même le personnel local des ambassades.

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