Mais le plus dur reste à venir car la question ukrainienne est un défi de long terme pour l'Union européenne – pour notre défense, pour notre souveraineté énergétique et alimentaire, pour protéger nos compatriotes contre l'inflation. Nous devons tenir sur le long terme pour garantir la paix. Il n'y aura pas de paix sans souveraineté ukrainienne, pas de paix sans dissuasion claire de la Russie qui ne peut sortir renforcée de cette aventure, pas de paix non plus sans une relation repensée entre l'Europe et l'Ukraine, au-delà de la phase de combats. En matière de migrations, de sécurité, de croissance économique, la résilience de l'Union passe par la stabilité de son voisinage et donc par l'arrimage de celui-ci aux institutions européennes.
Lors de son discours à Strasbourg le 9 mai dernier, le Président de la République a proposé la création d'une communauté politique européenne pour mieux associer notre voisinage à ces institutions, et sa création a été actée par les Vingt-Sept. Oui, l'Europe doit continuer de s'élargir, retrouver cet « Occident kidnappé », comme Milan Kundera qualifiait l'Europe centrale prise en otage derrière le rideau de fer.
Mais, comme l'a rappelé le président, nous devons être lucides : ces processus d'élargissement seront très longs et nous devrons d'abord réformer l'UE et exiger que les candidats prennent des mesures claires contre la corruption et en faveur de l'État de droit. De surcroît, la politique bureaucratique et dépolitisée de l'élargissement ne peut servir de politique étrangère, ni de stratégie d'influence et de puissance dans notre voisinage. Combien de rendez-vous ratés ces dernières années, dans les Balkans par exemple qui ont surtout reçu des vaccins chinois ?
La communauté politique européenne peut offrir un cadre institutionnel qui répond à ce défi en nous faisant sortir de la logique binaire de l'État membre ou non-membre, et en proposant une coopération plus agile, avec un contenu concret ; elle peut nous aider à repenser nos relations avec d'anciens membres comme le Royaume-Uni ou avec d'autres États dont la candidature à l'Union n'a pas de sens, comme la Turquie. Mais soyons vigilants à bien associer nos partenaires à sa mise en œuvre, retenons les leçons des malentendus du passé : je pense à la confédération européenne proposée par François Mitterrand en 1989 et qui fut considérée par les pays d'Europe centrale comme une Europe à plusieurs vitesses, négociée en direct avec Moscou. Une vision ambitieuse dénuée de pouvoir d'influence, de coalition ou même de relais ne pourra aboutir.
En 2017, à la Sorbonne, le Président de la République s'engageait en faveur d'une Europe souveraine, assumant enfin les attributs de la puissance sur le plan militaire, commercial et technologique. Cinq ans plus tard, notre union n'est plus la même : elle est plus forte, plus apte à défendre ses frontières, son modèle, ses intérêts et ses citoyens. Vous pourrez compter, madame la secrétaire d'État, sur notre détermination et sur notre engagement à continuer de faire avancer l'Union et à défendre notre pays en son sein.