Le Président de la République a préféré courir le risque de prendre la tête de l'Union européenne alors même que des élections se préparaient en France, au risque de voir la présidence française faire les frais de la campagne. Dès lors, tout à fait logiquement, quand bien même des accords techniques ont été trouvés jusqu'au dernier jour de juin, la présidence a manqué de souffle politique en raison des échéances électorales. Fort heureusement, la Commission européenne ne s'est pas laissé infléchir par le calendrier français et a poursuivi son programme de travail, ce qui a permis certaines des avancées dont se glorifie aujourd'hui la France.
Quant aux déceptions, elles trouvent leur source dans l'absence de réforme du pacte de stabilité et de croissance. Car respecter les limites de 3 % de déficit et de 60 % de dette publique par rapport au PIB à l'heure où la relance économique et les défis de la transition écologique s'imposent à nous est une gageure. Sans perdre de vue la nécessaire soutenabilité des dépenses publiques, des aménagements auraient pu être apportés à ces règles aujourd'hui inadaptées. On aura l'occasion d'en reparler ici même la semaine prochaine.
De toute façon, nous n'échapperons pas à une remise à plat des règles budgétaires européennes. Il faudra faire preuve faire preuve d'ingéniosité pour prévenir et pour contrôler la remontée des taux d'intérêt, faute de quoi l'eurozone pourrait s'enfoncer dans une nouvelle crise des dettes souveraines.
Et puis on nous avait promis la mise en place d'un impôt minimum sur les sociétés : cet engagement s'est malheureusement fracassé sur le veto hongrois – on ne saurait vous en tenir rigueur, madame la secrétaire d'État. L'espoir demeure qu'un mécanisme de coopération renforcée permette d'avancer ; sinon, la concurrence fiscale déloyale entre les États perdurera. Je tiens à souligner une nouvelle fois combien est dommageable l'absence de convergence fiscale et sociale au sein de l'UE. C'est toujours une insuffisance majeure. On ne parviendra pas à construire une Europe stable, efficace et juste avec des paradis fiscaux en son sein.
Un dernier mot sur l'avenir de l'Europe : les difficultés politiques de l'UE depuis plus de dix ans, la crise économique et le sort réservé à la Grèce, la crise migratoire, le Brexit ou encore plus récemment la guerre en Ukraine nous imposent de réfléchir au futur de nos institutions. La conférence sur l'avenir de l'Union européenne était une occasion d'amorcer un cycle de réflexion, mais nous déplorons l'absence de résultats tangibles. Pourtant, à l'heure où l'on discute de nouveaux élargissements, la question des moyens de favoriser l'appropriation citoyenne du projet européen ne peut plus être éludée.
Vous l'aurez compris, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues : le bilan de la présidence française de l'UE est bien plus contrasté qu'il n'y paraît et les défis sont plus nombreux que jamais pour la présidence tournante de l'Union européenne.
La construction d'une Europe des citoyens demeure un chantier ouvert.